La peste, bis

Non ce n’est pas du Conorarivus qu’il s’agit, mais de la vérole sur la langue, notre langue, qui jadis fut belle, flexible, riche, et considérée. Disons que jusqu’à la fin des années 50 ça passait pas mal, les gosses apprenaient l’orthographe, savaient écrire sans trop de fautes. Au pluriel, le masculin l’emportait sur le féminin, sans que personne n’en déduise que l’orthographe pût régir les rapports intersexuels : « Des mouton-sses paissaieu-nnnt dans un pré » (la dictée de Topaze, dans le bouquin éponyme). A Sciences-Po Paris, d’aucuns affirment, éléments de preuves à l’appui, que ce serait plutôt des « mouton.ne.s », si tant est que l’on s’attache encore à y respecter l’orthographe et la syntaxe de notre langue.

Vous savez tout le bien 😉  que je pense de l’écriture inclusive ! ou comment vouloir tuer une langue haïe, et sa culture avec en dommage collatéral. Mais voilà l’embrouille : des étudiants de cette noble et jadis prestigieuse école auraient été encouragés à utiliser ce… cette saleté pour gagner des points aux examens ! c’est pas vrai, qu’ils disent ici. Si, c’est vrai, affirment d’autres, documents à l’appui. France-Info contre Le Figaro, ce qui ne surprendra guère, connaissant les positions politiques des deux bords.

Seuls les faits ont raison : avérés ou pas, qu’à Sciences-Po on se fâche, qu’on réfute ces allégations montre bien qu’on y a conscience de la mocheté, du sectarisme et du caractère délétère (*) de l’écriture inclusive. Vous vous ferez votre opinion, amis lecteurs – les lectrices aussi, ça va de soi, vous me connaissez. C’est l’humain qui vit et régit le genre, pas l’orthographe – et c’est tant mieux.

Tibert

(*) Je ne connais point de substantif lié à l’adjectif délétère. « Délétéritude», me souffle madame Ségolène. Bon ben… on va le formuler autrement.

Un estafet, une décodeuse (décodeure, décodrice ?)

Allez, une lampée de pétrole lampante pour exciter, ksss ksss, les pasionarias du féminin – LE féminin ? quel horreur !  Le Monde, qui sous son titre globalisant et masculin, hélas, cache les yeux de Chimène pour l’inclusivité scripturale, nous proclame son camp : il ou elle roule pour l’écriture inclusive, résolument – hélas les adverbes sont invariables, que ne les féminise-t-on ! résolumente… c’est belle, résolumente.

Oui, bon, les Décodeurs du Monde nous balancent des salves de décodage pour vanter et défendre l’écriture inclusive. Tiens, il y a peu, c’est Alain Finkielkraut qui se faisait aligner ; et puis ce matin les Décodeurs récidivent, sous la signature décodeuse de Mathilde Damgé, madame Mathilde Damgé, donc, a priori : eh bien elle ne s’intitule pas décodeuse ! un oubli, une inconséquence, qui la prive de l’occasion de revendiquer par l’écrit sa féminitude. « Les décodeu.r.se.s », j’ai bon, là ? pointilleux, ça oui, très laid mais politiquement correct ?

On ne va pas s’appesantir là-dessus : c’est un débat très parisienne, un débat de militantes. S’il faut étriper notre langue, lui faire rendre gorge et l’achever, contraindre les mâles à la repentance inépuisable – très tendance, la repentance – s’il faut exhiber la féminine partoute où elle se trouve, alors symétriquement masculinisons les fonctions femelles ouvertes aux mâles, comme le couturier – déjà fait – et puis le puériculteur et le sage-homme, l’estafet, le dentelier et le shampouineur – il y en a d’autres. Et puis comment ne pas s’insurger devant ce terme « moulinexien » et terriblement macho, éplucheuse de pommes de terre ?

On l’a compris, certaines et leurs dévôt.e.s veulent tordre notre langue pour la contraindre au féminin explicite, noir sur blanc (noire sur blanche ?), bien lisible. Mais elle regorge de féminin tout partout, notre langue. UNE langue, et c’est LA nôtre, CE bien précieux et commun. Voyez comme les deux genres s’y mêlent harmonieusement… tellement plus sexy que le neutre omniprésent de l’anglais.

Tibert