Un estafet, une décodeuse (décodeure, décodrice ?)

Allez, une lampée de pétrole lampante pour exciter, ksss ksss, les pasionarias du féminin – LE féminin ? quel horreur !  Le Monde, qui sous son titre globalisant et masculin, hélas, cache les yeux de Chimène pour l’inclusivité scripturale, nous proclame son camp : il ou elle roule pour l’écriture inclusive, résolument – hélas les adverbes sont invariables, que ne les féminise-t-on ! résolumente… c’est belle, résolumente.

Oui, bon, les Décodeurs du Monde nous balancent des salves de décodage pour vanter et défendre l’écriture inclusive. Tiens, il y a peu, c’est Alain Finkielkraut qui se faisait aligner ; et puis ce matin les Décodeurs récidivent, sous la signature décodeuse de Mathilde Damgé, madame Mathilde Damgé, donc, a priori : eh bien elle ne s’intitule pas décodeuse ! un oubli, une inconséquence, qui la prive de l’occasion de revendiquer par l’écrit sa féminitude. « Les décodeu.r.se.s », j’ai bon, là ? pointilleux, ça oui, très laid mais politiquement correct ?

On ne va pas s’appesantir là-dessus : c’est un débat très parisienne, un débat de militantes. S’il faut étriper notre langue, lui faire rendre gorge et l’achever, contraindre les mâles à la repentance inépuisable – très tendance, la repentance – s’il faut exhiber la féminine partoute où elle se trouve, alors symétriquement masculinisons les fonctions femelles ouvertes aux mâles, comme le couturier – déjà fait – et puis le puériculteur et le sage-homme, l’estafet, le dentelier et le shampouineur – il y en a d’autres. Et puis comment ne pas s’insurger devant ce terme « moulinexien » et terriblement macho, éplucheuse de pommes de terre ?

On l’a compris, certaines et leurs dévôt.e.s veulent tordre notre langue pour la contraindre au féminin explicite, noir sur blanc (noire sur blanche ?), bien lisible. Mais elle regorge de féminin tout partout, notre langue. UNE langue, et c’est LA nôtre, CE bien précieux et commun. Voyez comme les deux genres s’y mêlent harmonieusement… tellement plus sexy que le neutre omniprésent de l’anglais.

Tibert

4 thoughts on “Un estafet, une décodeuse (décodeure, décodrice ?)”

  1. A propos du décodage de l’article de Finkielkraut : les Décodeurs ont invoqué Racine, les « fameux vers d’Athalie » (moi je les avais oubliés, ou jamais appris, je préférais « Ariane ma soeur, de quel amour blessée / vous mourûtes (mourûtes : fantastique !) aux bords où vous fûtes laissée ») pour justifier la règle d’accord « de proximité » : « Surtout j’ai cru devoir aux larmes, aux prières / Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières ». C’est tordre Racine dans le sens qui les arrange : « … ces trois jours (soupir, un blanc…) et ces trois nuits entières », ce qui est la règle d’accord habituelle, « entier » au féminin pluriel pour les trois nuits et rien d’autre. Il faudra piocher plus avant dans les tragédies raciniennes pour justifier cette grammaire militante.

    1. Vous pourriez avoir raison pour ces deux vers, ou la décodeuse : Racine ne viendra pas vous départager ! Personnellement, je le redis, la règle « de proximité » plutôt que d’accorder systématiquement au masculin me va très bien, elle est aussi claire et aussi synthétique, bref élégante itou. On m’a enseigné et je pratique la seconde, devrais-je battre ma coulpe d’affreux macho jusqu’à la fin des temps ?

  2. … Ça, c’est vraiment la variété de chamailleries dont raffolent les élites françaises autoproclamées. En oubliant bien entendu que la mâlitude (j’aurais pu dire « virilité », aussi) ne l’emporte pas toujours dans notre belle langue ! Je n’ai jamais entendu de récrimination(s) d’Alain de Boissieu parce qu’il était l’ordonnance officielle de mon Général ; vous parliez également d’estafette : cela signifierait-il que l’Armée (encore un terme féminin…) prise tout particulièrement les appellations féminines ? Une stratégie (encore une) délibérée ou une tactique (et re) décisoire ? Bref, tout ça n’a pas grande importance, sauf pour l’alimentation de la chronique lorsqu’elle a besoin d’être défrayée… Et pour finir, une flopée de momies dont l’opinion me paraît pour une fois devoir être prise en balance : l’Académie française, qui a signifié son opposition irrévocable à ce genre d’hérésie morbide que serait l’officialisation de l’écriture inclusive…
    Amen.

    * Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais excepté pour mon Général, dont je vois assez mal comment le féminiser, tout le reste de mon intervention est au féminin sans pour autant avoir dû bistourner quoi que ce soit dans le sens de, etc… Pas mal, hein ? C’est pas encore « La Disparition » façon Georges Pérec, m’enfin…

    1. Ce n’est pas « La Disparition », c’est « Elle est partout ». Vous voilà oulipienne d’honneure (sic), spécialitée (sic) de la féminine (re-resic).

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