Sens inique

Je me fais rare ? je sais, j’en souffre, j’en souffre, vraiment. Cher journal ! Si j’avais une ligne Internet, comment que je t’en ajouterais, des billets et des billets ! Que je t’enrichirais de mes profonds aphorismes et piquantes saillies (de ch’val).

Mais passons, justement, je dispose d’une ligne Internet, luxe suprême ; vite un billet !

Il s’agit d’enrichissement, si l’on peut dire. GW Bush, encore Président of the United States pour 2 mois, nous annonce qu’on va lancer une grosse bouée aux banquiers, au système financier, aux naufragés du fric à tout va. Et donc, pour ces mille milliards de dollars de bouée, on va ponctionner le contribuable, eh oui, ma pôv’dame, encore une fois, wane maur’taïme, cher contribuable, ayez l’amabilité de retourner vos poches, il doit bien y rester quelques piécettes, quelques quarters… pour sauver le Système Financier, noble cause !

Le problème, c’est que lorsque le système financier fait du fric par tous les trous, lorsque les banques annoncent des profits très profitables, des résultats juteux, eh bien, le contribuable n’en voit absolument jamais la couleur ; jamais, non jamais les banquiers ne raclent leurs fonds de poches bien garnis pour distribuer un peu de blé aux contribuables. Les actionnaires, ah ça oui, éventuellement. Mais pas les contribuables.

C’est l’illustration d’un superbe sens unique / inique (in-equis : pas équilibré) : nous avons besoin du système bancaire, c’est patent ; il faut le sauver ? ça peut se concevoir : si demain les banquiers mettaient la clé sous la porte comme de vulgaires épiciers ruinés par la grande distrib’, ça ferait désordre. Et le système bancaire a besoin de nous, pour engranger nos sous.  Pour les collecter quand ça va bien, pour les quémander, pleurer, réclamer, quand ça va mal.

Les grands patrons (banquiers ou pas) connaissent bien ce système du gagnant-gagnant (win-win, qu’ils disent) : si la boîte fait des profits, on touche des dividendes ; si elle prend l’eau, on déploie le parachute doré, le Golden Parachute.

En revanche, pour le contribuable, c’est manifestement le système perdant-perdant.

Pasletempspasletempspasletemps

Mais si, prenons le temps de rédiger et mettre en ligne un petit billet vite fait, dès potron-miaou. Passons vite fait sur le budget du Sénat, 300 millions d’Euros par an et sur notre dos pour nourrir (très bien) et garder au chaud (bien douillettement) quelques pré-retraités de la politique. Nous avons déjà glosé sur ce sujet.

Donc, disais-je, l’INC, célèbre observateur de notre consommation, se fend, selon notre Figarôt du matin, d’une enquête sur les pratiques douteuses des industriels de l’alimentaire pour nous cacher leurs augmentations de prix (et donc de marge, l’unique objet de leurs préoccupations). Eh bien, nous voilà confortés dans l’opinion que nous avions sur ces fabricants de soupe. Pas flatteur-flatteur, bon, disons… désabusé. La malbouffe et l’arnaque sont souvent au rendez-vous.

Mais v’là t-y pas que, selon le même article, je cite, « Jean-René Buisson, président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) se dit «réticent sur la qualité des enquêtes» du magazine de l’INC. D’après lui, «en général, il n’y a augmentation de prix que quand il y a un changement de recette, donc quand il y a une valeur ajoutée au produit.  »

Que voilà une chouette définition de la VALEUR AJOUTEE !! Je vous remplace le bon beurre fermier de ma tante Aglaé par de la margarine à l’huile de palme bien hydrogénée, bien collante dans les artères, bien bouchante des coronaires, bien bon marché, pas chère de chez pas cher, et c’est un changement  de recette : DONC il y a valeur ajoutée !! si si.

Monsieur Buisson, nous n’avons pas les mêmes valeurs (ajoutées).

Justice, enfin

Oui, ce n’est que justice, et ça fait des lustres que nous le réclamions : dans un peu plus de 3 mois nous pourrons enfin confier notre épargne menue à n’importe quel banquier dans le cadre céleste du Livret A, « A » comme « Ahhhhhhh enfin, quelle saleté que ce livret A réservé à la Caisse d’Epargne la Poste et le Crédit Mutuel. »

Et ahhhhh enfin, Benoît nous annonce benoitement la « libéralisation de la messe en latin » : « Dans son intervention aux accents de mise au point, et qui a été assez tièdement applaudie, le pape a également évoqué une question particulièrement sensible en France, celle de la libéralisation de la messe en latin. »

On va enfin pouvoir, comme au bon vieux temps, et dans n’importe quel établissement muni d’un clocher – actuellement, faut aller à St Nicolas du Chardonnay, euh, pardon, du Chardonnet – pour écouter et ne comprendre que pouic au galimatias magique du type en robe richement dorée et passementée qui s’agite là-bas sur l’estrade, pendant qu’un autre type à genoux, habillé en robe rouge, agite une clochette en soulevant le coin de la robe du premier (pour voir ses chaussettes ? ). Ce sera bien mieux comme ça, car la qualité littéraire des  « Par les verts pâturages / tu m’as fait reposer… » laisse sérieusement à désirer. Tandis que « tamquam leo rugiens, circuit querens quem devoret« , ça vous a une toute autre gueule (de lion).

ça folleye dur

Il y a un type en robe blanche, si si, en robe blanche, c’est un homme, avec une petite calotte de la même couleur, qui se balade dans Paris, assis dans un aquarium monté sur une bagnole, saluant à droite à gauche, et il y a des gens qui sont là à bader, on ne sait pas trop ce qu’ils foutent là à regarder passer ce type.

Et il paraît qu’une femme a mis au monde un  gamin tout en étant vierge, que de ce fait elle est montée au Ciel, il y a environ 1970 ans, et qu’elle est revenue il y a environ 150 ans (avec le même ascenseur ?? ) voir la Bernadette Soubirous qui gardait ses moutons au bord du gave de Lourdes, pour lui parler en patois.

Dans la même veine, j’ai pu voir le Président Bush lui-même, s’adresser aux Texans devant son micro :  c’est pas grave, l’ouragan Ike sur Houston c’est rien, on va prier pour vous. Ahhhh, on se sent mieux.

Donc tout va bien. N’ayons pas peur, tout baigne. D’ailleurs Benoit vous le redit, après Jean-Paul : ayez pas peur, ça craint pas…

Dans quel état j’erre ? où cours-je ? et dans quel monde dément vivons-nous ?

Discount' bouffe

Je dinais récemment avec ma petite famille dans un resto « vietnamien » (nems, rouleaux de printemps, et l’inévitable combinatoire porc-boeuf-canard-poulet / gingembre-pousses de bambou-germes de soja-aigre-doux-curry-etc…) un soir où la vacuité du frigo, la lassitude des coups de téléphone à Pizza’Vroumvroum nous avaient poussés dans une voiture, direction un restaurant réputé.

J’ai payé 69 euros pour nourrir – inégalement – quatre adultes, le plat le plus cher tournant autour de 14 euros : ni apéritifs ni vin, de l’eau du robinet. Une entrée et un plat chacun, pas de desserts. Rien donc de scandaleux quant au prix, banal.

Mais… si d’autres plats furent appréciés et dégustés avec plaisir, le mien – du cabillaud en sauce épicée et aux « petits légumes » – s’est révélé trop salé, le poisson filandreux et dur, sans saveur, et la sauce se résumant à un brouet sombre, genre fond de veau trop recuit. Qui plus est, aucune garniture consistante n’y figurant, j’avais dû y adjoindre l’incontournable bolderiz, riz d’ailleurs sans aucun intérêt gustatif, juste apte à caler l’estomac et éponger la « sauce » du plat. Mais 2,5 euros de plus.

Alors je me dis : il y a bien des soldes, des promos, des magasins d’usine pour les produits à « courte date de péremption », imparfaits, dépareillés, non suivis, passés de mode, en surstock… et cela dans quasiment tous les domaines du commerce. Des porcelaines, des tapis, des chaussettes, des filets de saumon sous barquettes, des cuisines… de tout.

Mais pas au restaurant. Jamais. Tout au plus voit-on parfois, dans le milieu des « Bouff’vite » en barquettes polystyrène, des promos sur le « triple chiz’beurgueur » ou les « salades tex-mex au haricot rouge », mais jamais jamais dans un restaurant normal.

Il existe en fait, dans cette profession, deux types de pratiques pour écouler en douce les vieux stocks : la première, « je vous recommande tout spécialement nos langoustines, elles sont ultra-fraîches » (faut qu’on s’en débarrasse, ça urge), ou le foie de veau (racorni) poëlé aux agrumes, ou la (vieille) cassolette de saint-jacques ; l’autre technique consistant à inscrire les plats à dégager urgemment au menu prix fixe et sans choix.

Mais imaginons une pratique plus transparente, plus sincère, plus marchande : « aujourd’hui le chef a légèrement trop cuit ses rognons de veau, et vous les propose à 10 euros au lieu de 13 » ; ou « Cabillaud en sauce piquante, petits défauts d’assaisonnement : 8 euros au lieu de 12 » ; « soldes monstres 50 % sur les langoustines encore fraîches mais cotonneuses » : ça, jamais !

Pourtant, des plats loupés, ça arrive, non ? Alors, pourquoi infliger le prix plein pot au client, qui, bien évidemment, va rentrer chez lui dépité et mécontent ? Risquer de le dégoûter de revenir ? Lui donner le sentiment de s’être fait avoir ? Bien évidemment, s’il s’agit d’une gargotte de bord de Nationale qui ne voit jamais revenir la clientèle de passage, ce n’est pas très grave (encore que les guides, forums, échanges de bonnes ou mauvaises adresses, ça existe…), mais pour un resto établi, ayant pignon sur rue dans une ville ?

Baisser les tarif des des plats qui sont boudés, fatigués, loupés… ce serait à la fois honnête et habile. Donc, messieurs les bistrotiers, restaurateurs et cuistots, à quand les soldes ?

PS – ponctuellement, ça se fait, mais en général sous la pression du client. Il me souvient d’avoir même bénéficié de la gratuité totale d’un plat, un jour de juillet dans le quartier Plaka, à Athènes. Ma moussaka se présentait bien, mais, soulevant une strate de légumes et de sauce blanche, j’y avais découvert une grosse mouche noire et velue, morte et cuite. Beurk ! appel au serveur, panique à bord, plat non facturé, bien évidemment, avec proposition de remplacement, mais je n’avais plus faim.

Le CO2 n'est pas assez juteux

J’en ai déjà traité, mais décidément j’y reviens, c’est quasiment un marronnier ce truc :

La supposée citoyenne taxe « bonus-malus » sur les bagnoles neuves n’est, découvré-je ce matin dans le Fig’Web, pas citoyenne du tout, mais juste (mal) calibrée pour nous alléger les poches et le compte en banque, ce dont je me doutais, mais ça avait une bonne gueule au départ…

Récompenser les bons élèves et punir les cancres, quoi de plus pédagogique ? donc on fait mine de gâter les acheteurs de bagnoles peu polluantes. Bien.

Mais v’là-t-y pas que les Français sont trop bons élèves : Ils achètent en masse des bagnoles écolos… trop cool !!! trop, car le gouvernement y est de sa poche.

Alors on tombe le masque : certes les Français sont d’excellents citoyens, mais cette taxe, faut que ça rapporte, pas que ça coûte ! La démarche pédagogique, rien à cirer, c’est juste pour le fric.

Je cite l’article : « Le système de bonus-malus mis en place en début d’année sur les voitures a été mal calibré : il devrait coûter aux alentours de 130 millions d’euros au budget de l’État en 2008. Le gouvernement compte donc abaisser de 130 à 125 grammes de CO2 émis au kilomètre le seuil à partir duquel se déclenche le mécanisme de bonus. »

Clair, non ? plus vous serez attentifs à acheter des voitures écolos, plus on vous serrera le kiki. Vous devez cracher au bassinet, c’est ça la règle. L’écologie, c’est les lendemains qui chantent, la ligne bleue des Vosges, le mirage dans le désert, la carotte de l’âne. Et l’âne, c’est moi, c’est vous.

Con traste

Un Intermarché de Rennes (« In-ter-mar-chééééé… les moustiquaires de la constipation ») passe carrément, nous dit le Figarôt,  aux caisses sans caissiers (caissières, devrait-on dire si la majorité l’emportait). Allez hop, clients, au lieu de vous les rouler en attendant que le caddie soit analysé par l’opérateur salarié du magasin, scannez vous-mêmes, bossez, suez, emmerdez-vous à trouver le code-barre, entrez le code-article de promotion, téléphonez à la caisse quand la boîte de petits pois n’est pas référencée.

On ose espérer que les économies de frais salariaux ainsi réalisées permettront aux Moustiquaires de baisser leurs prix, de devenir plus concurrentiels ? allez, on ose.

De l’autre côté de l’Atlantique, aux States, pendant ce temps-là, les supermarchés ouvrent 24 heures sur 24, ont des caisses tout ce qu’il y a de plus humaines, avec des opérateurs humains, humaines, c’est selon, et il y a très souvent des petits gars qui récupèrent vos marchandises sur le tapis derrière la caisse pour les emballer et vous les ranger dans le caddie.

Deux façons différentes de voir les choses, pas vrai ? chez nous, chômage et RMI, RSA, etc… plutôt que petits boulots de m… eh bien justement, des petits boulots de m…, il n’y en aura bientôt même plus.

L'aveu du yahourt

Encore une histoire de yahourt, où plutôt de chant en yahourt… un chanteur « français », Sébastien Tellier, qui a poussé, paraît-il, en Rosbif et pour le concours de l’Eurovision, une chansonnette  intitulée « Divine » (prononcez « Devaïne », of course), et qui chante d’ailleurs souvent en Rosbif, bicôse il paraît que ça « sublime » ses ritournelles, bref, dis-je, interrogé par un journaleux du Monde, nous balance froidement que… « Quand je suis sur scène, on comprend en général un mot sur trois. Je fais de l’impressionnisme lyrique, je veux que dans le public, chacun s’approprie ma musique et s’invente sa propre histoire. »

La suite de l’article est aussi croquignolesque : du genre « « Je fais exprès de bafouiller. »(…) Un Français qui chante du rock, ça fait nul, et c’est pareil pour le rap, le R’n’B, etc… »

Et le journaleux de poursuivre : « Grâce à son anglais inintelligible, Sébastien Tellier s’est construit une carrière internationale. » D’ailleurs tout l’article est savoureux, à lire pour se dilater la rate.

C’est chouette, non ? Quand on pense qu’il y a des fêlés qui se cassaient le baigneur à fignoler des textes, des Brassens, des Ferré, des types qui ar-ti-cu-laient leurs poèmes chantés, des Nougaro, des Brel… pauvres gogos, fallait chanter en yahourt-rosbif, ç’eût été le succès foudroyant, la standing ovation à tous les coups, le grand prix de l’Eurovision à l’aise-Blaise.

A l’aise Blaise et Cool Raoul : au vu des tendances, on peut raisonnablement augurer que le pire est devant nous en matière de chanson, que Gainsbourg, orfèvre en la matière et prophétique, qualifiait d’art mineur.