Vous m’oublierez. Vous m’oublierez ?

Mais non je ne vous causerai pas du tango « Dès que j’avance tu recules » Guy Bedos–Arnaud Montebourg, vous lirez ça dans votre canard, c’est assez juteux. Aujourd’hui ce sera une séquence Nostalgie. Non pour revenir sur nos sauvages chevauchées à vélo, à fond à fond vers la piscine à travers le petit bois et ses sentiers poussiéreux, mais ça c’est personnel ; je vais plutôt vous parler de madame Laborde, Catherine, qui à soixante-cinq balais a fait sa dernière météo sur TF1. Je ne regarde pas des masses la télé, c’est de plus en plus nul et putassier; et si je la regarde c’est entre autres pour la qualité et la justesse des  bulletins météo… mais rarement sur TF1. Ce n’est pas la faute de la météo, c’est celle de TF1.

Bref… madame Laborde, qui à la différence des politiciennes-et-des -politiciens ne se cramponne pas comme un morpion à son petit bout de pouvoir, de notoriété, part à la retraite. Et à la fin de sa « dernière séance » – rappelez-vous, la gorge serrée, Daudet et la « Dernière classe » de monsieur Hamel, l’instituteur alsacien – elle nous dit [NDLR – pour la ponctuation, c’est de mon cru, vu qu’à l’oral ça se perçoit comme ça peut] : « Je vous emporte avec moi ; vous m’oublierez, moi non. Je vous aime.« .

Bon, elle nous aime, elle a bien du mérite. Et puis « vous m’oublierez« .  C’est selon moi un constat. Doit-on y percevoir une interrogation ?  la supplique non formulée d’une dénégation, tout ça ? ben non. « Vous m’oublierez« . Et je parie un paquet de cahuètes que c’est aussi un souhait : qu’on l’oublie ! que dans la rue où elle passe pour aller acheter du beurre et des mandarines on lui foute la paix, on ne la bassine pas avec des « Ah mais regarde qui c’est c’est Catherine Laborde !« . Encore une fois, c’est le contrepied de nos cacochymes anciens ministres ou ex-grosses légumes qui font des pieds et des mains pour jouer les prolongations, pour qu’on – un copain bien en cour, évidemment – leur trouve un dernier gros nonos à ronger à soixante-dix, soixante-quinze ans et plus.

Moi aussi on m’oubliera, madame Laborde ; d’autant plus que je ne fais pas la météo sur une chaîne « grand public », pour rester poli. Et puis ? c’est bien normal. C’est un constat : nous sommes de petits tirets dans l’espace-temps, un long tiret pour Napoléon ou Alexandre le Grand – ou plutôt la mémoire qui en reste – un tout-petit-tout-petit pour le charcutier au coin de ma rue. Et c’est très bien comme ça.

Tibert