C’est trop d’honneur

D’aucuns veulent panthéoniser à tout va. Après madame Weil – et son mari, qui autrement se morfondrait – on veut nous y coller Verlaine et Rimbaud ! Permettez que je rejoigne celzéceux qui s’en offusquent. Panthéoniser Arthur et Paul – « Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante » – est aussi pertinent que de filer les Palmes Académiques à un montreur d’ours, ou le Mérite Agricole à une danseuse de l’Opéra de Paris.

Et d’une, Arthur aurait montré son cul à une telle proposition. Et de deux, ce ne fut pas un « grand homme » – sa fin de vie ne fut pas exemplaire, ses engueulades au revolver avec Paul ne furent pas de bon goût – mais un immense poète. Paul ? il fut tout aussi rebelle, musicien évidemment, mais plus vieux, plus sage – et plus terne, selon moi. Alcoolique violent avec ça, et taulard pour avoir tenté d’étrangler sa mère. De « grands hommes », Paul et Arthur ? ils sont sur une autre orbite, on se trompe d’aiguillage. Je les vénère et les relis, mais c’est d’autre chose qu’on cause, là.

Mais, vous voulez mon avis ? ce qui sous-tend cette proposition sotte et grenue, c’est encore autre chose : c’est le Mariage Pour Tous revisité, prolongé, sanctifié, et qui s’invite dans cette promotion hypocritement avancée. Pensez, deux homos (*) ! au Panthéon ! ce serait un vrai progrès sociétal, non ? ou bien, les deux Jean, Cocteau et Marais ? euh…  voyons voir, voyons voir…

Tibert

PS – De l’eau à mon moulin : les auteurs de cette proposition sont bien dans le droit fil de faire entrer au Panthéon, enfin, un couple homo, ça manquait. Un dédoublement d’Oscar Wilde, en quelque sorte. Rimbaud n’aimait pas Charleville-Mézières, où il est enterré. Ses restes aimeraient-ils côtoyer, à Paris (ah, Paris ! Paris, forcément, TOUT ce qui vaut le coup doit être à Paris, la Province ne mérite pas les Grands Hommes…)  et sous des tonnes de pierre, les squelettes qui y moisissent (et s’en foutent, totalement, d’ailleurs) ?

(*) Pas purs et durs : Verlaine fut marié fort classiquement, mariage très houleux et malheureux d’ailleurs. Et moult de leurs poèmes célèbrent les femmes, eh oui. Je me joins d’ailleurs à eux, beaucoup plus prosaïquement.