Le "selfie" comme mise en abîme

J’emploie des guillemets pour « selfie », car ce n’est pas ma langue. Perso, je déplore que l’Académie Françouése n’ait pas proposé un néologisme sympathique signifiant « autoportrait réalisé avec l’appareil-photo frontal (plus mauvais, en général, que son homologue dorsal, NDLR) de son téléphone-cellulaire-évolué, tenu à bout de bras ou à l’extrêmité d’une tige« . Ce pourrait être un « mirophone », un « narcisse », bref avec un peu d’imagination… mais je t’en fous, nous voilà avec un anglicisme de plus, et idiot, avec ça. Pas le terme, « selfie », bof, ça fonctionne, mais la pratique, idiote, narcissique et invasive.

Non que se prendre en photo (très médiocre, la photo) avec une célébrité quelconque soit inintéressant ; ça permet de se souvenir de cet événement. Tenez, j’ai croisé sur le quai de la gare de Bourg-Saint-Maurice, il y a quelques lustres de ça, l’Abbé-Pierre, qui attendait dans sa longue pélerine une correspondance vers Chamonix ; manque de bol, ni le smart-faune ni le selfie n’avaient été inventés, encore moins la canne à selfie. Total, je me souviens bien de cette rencontre, mais c’est juste dans ma tête. D’ailleurs je n’avais aucun appareil-photo sous la main. Il m’est cependant loisible, muni de mon logiciel de retouche-photo favori, de faire un petit montage sympa me mettant côte à côte avec l’Abbé-Pierre sur le parvis de la Grande Arche ou devant la pyramide de Khéops, ça a une autre gueule qu’un quai de gare, et ça fonctionne pareil !

Un qui sait utiliser le selfie, tenez, c’est ce type, Amran Hussain, un ex-candidat travailliste britannique (sûrement un Ecossais), qui est photographié ou se fait photographier faisant un selfie sur la plage sanglante de Sousse en Tunisie, plage qui n’est pas Omaha-Beach, mais quand même ! trente-huit assassinés, dont une grosse majorité de ses compatriotes… bref, ce type est portraituré se prenant en selfie, avec en arrière-plan les restes du carnage. On pense irrésistiblement au triple-autoportrait de Norman Rockwell, mais là c’est nettement de plus mauvais goût. Sans égaler toutefois dans l’ignominie le répugnant « selfie à la tête tranchée » réalisé récemment à Saint-Quentin-Fallavier.

Voilà qui plombe sévèrement le selfie, cet obscène miroir de nos bas penchants. Ce qu’écrivant, je repense à la gêne ressentie il y a peu, lors des obsèques d’une proche parente ; je n’étais pas en première ligne, si je puis dire, et j’ai estimé possible, utile, de prendre des instantanés de la cérémonie et des proches. Franchement il est malvenu de faire ça ouvertement ; on se sent obligé à la discrétion, presque à la clandestinité. De fait, les très-proches, les en-première-ligne, ne prenaient aucune photo ; ça ne leur serait pas venu à l’esprit, tant ça aurait paru incongru, indécent. C’est d’ailleurs pour ça que je ne prendrai aucune photo de mon enterrement, c’est trop intime.

Tibert

Et le gagnant est…

Actualité morne, un front républicain qui s’appelle UMPS mais ne veut pas le dire, le doux Doubs qui vote beaucoup FN, des otages assassinés en Syrie occupée par des fêlés tendance gore… le train-train, quoi.

Mais chic, le Fig’à rôts est là pour nous permettre de nous divertir, de décompresser, bref de jouer à « Plus c.. que moi tu meurs ».

Premier candidat : l’article « Une université américaine ne va plus utiliser les titres « monsieur » ou « madame » pour ne pas heurter d’éventuels étudiant(e)s transgenres ».

Et bien moi si j’étais un des innombrables étudiants transgenres qui peuplent les universités, par exemple transgenre MTF (*), mon plus grand bonheur serait qu’on me dise « madame » ! Alors comment faire ? ils vont m’appeler « hep vous là », ou « ohé la personne en bermuda vert », etc. C’est nul, avec tout le mal que je me donne. Le mieux ce serait d’avoir un signe cousu sur la poitrine et dans le dos, genre étoile rose, fuschia, je sais pas, moi…

Deuxième compétiteur : l’article « Le selfie serait-il devenu ringard ?« . Grave, très grave question, au vu de l’importance capitale du selfie. Le selfie c’est le babouin découvrant son reflet dans un miroir, et tout heureux de rencontrer plus c.. et plus moche que lui. Sauf que nous les femmes et les hommes (et les MTF, FTM, nullos etc, ne stigmatisons personne) nous savons immortaliser ça avec notre extension brachiale, l’ail-fône.

A vos bulletins de vote, et ne copiez pas sur la voisine ou le voisin. La pêche du jour a été bonne !

Tibert

(*) MTF : Mâle vers Femelle ;  inversement c’est FTM. Attention ça se lit et on opère de gauche à droite ! et si un MTF a plus tard des regrets, ça donnera un MTFTM (tiens un palindrome…), etc.