Numerus clausus au fromage

Hier au soir, que ne voyons-je point à la télévision nationale, lors de la séance quotidienne des informations ? Mme la présentatrice nous annonce que nous manquons de vétérinaires de campagne, et que nous devons en importer… suit un reportage in vivo sur un véto Belge installé dans la Manche (en ont-ils le droit, d’abord ? le droit de véto dans la manche ? ), lequel véto nous annonce qu’il a du boulot par dessus la casquette, une fois, et que s’il y avait quelques confrères en plus ça ne serait pas de refus.

La raison profonde de cette carence en vétérinaires de campagne, nous dit-on en substance, c’est que 1) de nos jours il y a de plus en plus de femmes dans cette profession physiquement exigeante, et que 2) tous comptes faits, la pratique de ville étant infiniment plus pépère, il n’y a plus beaucoup de volontaires pour aller vêler une vache à 2 heures du mat’ au fin fond du bocage ; on est bien plus tranquille à soigner les chienchiens à sa mémère et le minou de sa voisine.

Le même reportage sur le vif nous donne à entendre un docte spécialiste qui évoque des pistes pour sortir de cette situation dommageable : plus de places dans les écoles vétérinaires, oui certes, mais, dit-il, peut-être faudrait-il « instituer un double numerus clausus, pour les praticiens de ville et ceux de campagne…  »

Ce qui est tuant là dedans, c’est que pas l’ombre d’une seconde on ne se pose la question du pourquoi, nom de nom, pourquoi grands dieux y a-t-il un numerus clausus sur la filière de médecine vétérinaire ?

Vous connaissez, bien sûr, nous connaissons tous la réponse : parce que c’est un fromage, et qu’en matière de fromages la France est championne du monde : toutes les professions qui ont un peu de « poids », d’influence, de pouvoir de blocage, bref le bras long, se protègent, c’est à dire protègent leur fromage. Tant pis pour les besoins du marché, il faut que ça reste bien juteux, donc qu’on soit peu à se partager le gâteau. Et on verrouille.

On n’a donc plus de médecins, encore moins de spécialistes, il faut attendre 3 mois pour consulter un ophtalmo, la majorité de nos toubibs de campagne sont maintenant Libanais, Roumains, Ivoiriens… les taxis au compte-goutte, les pharmaciens surtout pas de pharmaciens en trop, les vétérinaires à doses homéopatiques, les notaires les hussiers les avoués… chacun son fromage et son petit groupe de pression pour le protéger.

En revanche on n’a pas de numerus clausus sur les BTS d’action commerciale ! ni sur les CAP de couture… ce ne sont donc probablement pas des corporations bien influentes, encore moins des receleurs de fromages.