Moi, mon adrénaline et ma liberté

Le Figaro nous surprend le matin au saut du plumard. Non qu’une journaleuse chroniqueuse de fashion ou de make-up ou de dress-code en fasse des tonnes dans le Rosbif aujourd’hui ; non, il s’agit de graf, de graffiti, de grapheurs, d’une plongée dans les motivations, les délices, les jouissances du graf. Le Figaro donne la parole à des grapheurs célèbres…
Vous descendez de chez vous et pour la quatorzième fois vous constatez que le portail de votre immeuble a morflé une coulée de bombe à peinture en forme de zébra cabalistique ? c’est qu’un salopard s’est encore soulagé sur cette porte, pensez-vous, et de maudire le laxisme de nos gouvernants qui permet que les villes, nos villes, soient devenues hideuses en plus d’être sales. Vous avez tout faux : ce graffito , cette chiure sur la porte, a permis à un artiste nocturne et furtif de jouir, et c’est l’essentiel – pour lui. Vous, il s’en fout. Ecoutez : «Quand je descends dans la rue pour taguer, ce que je veux ressentir d’abord, c’est la pulsion de liberté. Le reste est secondaire.»
Secondaire, votre liberté à vous et le respect de votre environnement. Secondaires, les frais de remise en état de la porte. Secondaire, la laideur. Je veux jouir, disent les grapheurs. Moi. Ma sensation de liberté, ma montée d’adrénaline. Moi.

Griotte sur le gâteau de l’article figaresque : un grapheur illustre se retrouve « chez Trintignant » (l’acteur, pas le coureur automobile), place des Vosges à Paris… et son fils de lui dire, genre « viens chez moi, j’habite chez une copine » : « ah c’est toi Machin ? tu peux rester ici aussi longtemps que tu veux« . L’article ne précise pas, mais on l’imagine bien, c’est une belle histoire, que Machin a pu, en retour, enjoliver de son illustre barbouille en boîte la porte cochère de l’immeuble en question. Les tags sur les portes cochères de la Place des Vosges, outre l’exquise montée d’adrénaline, ça fait jouli ; d’aucuns en sont notoirement amateurs, d’ailleurs.

Tibert