Fouquet's : ça bégaye dans le rizotto

Un des reproches les plus cons et qu’on ressort ad nauseam à  l’encontre de notre futur-ex-Président, c’est sa soirée d’investiture au Fouquet’s, un resto plutôt cher et typé « gastronomique » des Champs-Elysées, à Paris. Con, car où est le mal d’aller fêter ça ? de s’en jeter un avec des amis, de manger un morceau – un rizotto crevettes-artichauts – tout en commentant les matchs de la dernière soirée de Ligue 1 ?

Si ç’avait été chez Roger-la-frite, au Couscous-de-Constantine, au Bosphore-Kebab, à la Pizza du Marais, on aurait hurlé à la démagogie. Le seul comportement « neutre » du Petit Nicolas aurait été de s’envoyer subrepticement et en vitesse un jambon-beurre-cornichons et un Fanta-Light (burp) dans un coin sombre derrière sa bagnole. Encore se serait-il trouvé quelques papas pas rasés pour immortaliser ces instants inoubliables.

Donc, le Fouquet’s, hein, qu’on les lui lâche avec ça. En revanche, qu’on reproche ses copains à monsieur Sarkozy, soit, il ne les choisit pas à la CGT ni sur le boulevard de Belleville, excusez le, il vient de Neuilly. Monsieur Mitterand, lui, fréquentait entre autres d’anciens fonctionnaires Vichystes – René Bousquet par exemple – et cultivait ses propres amis milliardaires ; il avait, paraît-il, son rond de serviette chez Le Divellec – autre cantine assez dispendieuse – et au Fouquet’s, justement, au Fouquet’s, table numéro 83. Qui le lui reprochait ?

J’en sais un rayon, hein, sur les comparatifs biaisés Mitterand-Sarkozy, Mitterand l’icône rose et Sarko le fils maudit. Et j’en sais des tartines sur les coulisses de cette fameuse soirée du Fouquet’s qui fait tant scandale chez les borgnes de l’indignation unilatérale. Et comment je le sais ? par les journaux, tiens.  Je lis dans le Figues-à-rôts que monsieur le Président « regrette le Fouquet’s » ; ah bon, voyons voir les commentaires des lecteurs… il y en a un qui a l’air super-informé, ma parole, il devait y être ! le menu, les boissons, tout ça… la table 83 de monsieur Mitterand… je veux en savoir plus… un coup de moteur-cherche-cherche, « Mitterand Fouquet’s« , rien de probant, et je m’obstine, « bing » (le moteur de recherche : Bing, car j’en ai marre des abus de Gougueul ) « risotto Robert Hossein« , et bingo, toute une tartine sur le même article ! pile-poil le même topo de mon lecteur du courrier des lecteurs, repris N fois par différents auteurs : « Aux crevettes, pas aux langoustines, ni aux gambas, comme le classique de la maison, le fameux risotto « Robert Hossein« , qui aurait fait exploser le food cost (*), car... »

Vous ferez l’expérience vous-même si vous voulez : 5 fois exactement la même citation dans la première page de résultats de « Bing ». Il semble que tout ça soit une série de copié-collé flemmards et abusifs d’un article de Jean-Claude Ribaut dans le Monde daté du 16 février… à moins que ça remonte à encore plus loin.

Deux conclusions possibles :

– De nos jours, on n’invente plus rien, on copie. L’authenticité des commentaires de lecteurs, j’ai des doutes.

– Le risotto (rizotto va bien aussi) plus c’est réchauffé, meilleur c’est.

Tibert

(*) Ridicule et con. « L’addition », « la douloureuse », « la note », eh anglomane de mes deux.

Schizo schizo mad'mazelle

« Une demoiselle sur une balançoire… » on ne l’entendra plus. Adieu Mireille et Jean Nohain, ce terme est rayé du dico. Ou plutôt, c’est « mademoiselle » qui disparaît : sexiste ! « Demoiselle » suivra bientôt à la poubelle des mots malvenus, m’ayez crainte, les zélés raboteurs de l’Expression Correcte vont nous faire une langue toute propre, lisse, sans saveur.

Sexiste aussi, « UN vagin », annexé abusivement pendant des siècles par le genre masculin. UNE vagin serait plus correct politiquement ; rendons aux femmes ce qui leur est propre. Et LA bite ? en sens inverse. « Noir » ? raciste, encore un mot malvenu, à la poubelle ! on ne dit pas « un petit noir« , on dit « un nabot de couleur« . Culinairement parlant, notre français étant un camembert – au lait cru, what else ? –  et odorant, un livarot bien mûr, il s’agit de nous en faire un « Bêle des chants » bien blanc et pasteurisé, l’équivalent pseudo-fromager des pseudo-tomates hydroponiques en provenance de Hollande.

Mais bon, tâchons de rester calme… tiens, pour finir, un petit truc marrant, schizophrénie de nos institutions et de nos politiques : madame Le Pen, Marine, candidate à la candidature à la Présidence, rame pour rassembler 500 signatures d’élus. Gageons que la publicité des noms des signataires est un frein puissant au coup de stylo en bas du formulaire de parrainage : ce serait, paraît-il, mal vu de signer pour que madame Le Pen puisse concourir. Pendant ce temps, il se trouve que la Gauche, toute la Gauche bien rouge, on un peu rouge, ou rosâtre, et y compris celle de couleur verte, clame qu’il faut faire voter les étrangers, si si, y a pas de raison.  En résumé, une représentante d’un courant politique d’environ 20 % des Français  va peut-être se trouver réduite au silence ; en contrepartie, on presse les étrangers de s’exprimer. Je caricature ? je caricature. C’est la liberté du caricaturiste, qui hélas fait rarement dans le propre et lisse.

Tibert

Nicht inhauslehnen / E pericoloso sporgersi !

Un sujet léger pour récupérer de toutes ces émotions – le verglis ça glasse et ça fait mal, le Président est candidat, quelle surprise, vraiment, et son siège de campagne est à Paris, le croiriez-vous ? quel jacobinisme obtus, alors que Fécamp, Dreux, Aire-sur-Adour ont de si beaux sites. Mais bon…

Sujet léger, sujet léger… tiens, les Lettons se sont fendus d’un référendum, hier. En voilà qui l’utilisent, la consultation populaire, pas comme chez nous où l’on propose d’en ressortir une de la naphtaline tous les 25 ans à la veille d’élections. La Lettonie, un peu moins de 65.000 km2, langue  d’alphabet latin, 37 % de russophones, donc 63 % de lettonophones si vous me permettez ce néologisme hardi.

On leur posait la question suivante : Voulez-vous (Oui /Non) qu’on fasse du russe notre deuxième langue officielle ?

La réponse est NON, à environ 81 %. Et je gage que  là-bas la volonté populaire fait force de loi. Exit donc le russe en deuxième langue officielle. Je ne sais pas si vous réalisez, mais la Lettonie, c’est 3,7 % de la superficie de la Russie, c’est peanuts face à la Russie, quasiment Monaco face à la France – le fric mis à part. Ce n’est pas un bras d’honneur au russe et aux Russes, mais c’est encore, à n’en pas douter, une de ces réactions frileuses, xénophobes – pour ne pas dire racistes – face aux gentils Russes qui ne veulent que du bien à leurs voisins, pas du tout hégémoniques, et j’ai Monique au téléphone, excusez-moi un moment.

Bon, où en étais-je ? reste que 37 % des Lettons parlent russe, mais officieusement : ce qui veut dire que la liste des ingrédients sur les paquets de biscuits lettons ne figurera pas en russe, et toc ! et que les notices de montage des meubles Ikea en agglo de peau de lapin resteront, impavides, à base de schémas, dessins et pictogrammes, démerdez-vous, vous les avez voulus.

Pourquoi je vous raconte tout ça, hein ? on s’en fout, des Lettons (le cuivre, en revanche, avec les prix qui grimpent…).

Parce que le russe a failli devenir la 419 ème langue officielle de l’Union Européenne ! eh oui. Les lettons sont dans l’Europe, et TOUTES les langues officielles des pays membres sont valables. Donc si les Lettons avaient dit OUI au russe, nous aussi, et paf, on se serait retrouvés avec 2.627 traducteurs à Bruxelles, une fois, au lieu de 857. On l’a échappé belle, je vous le dis. Déjà qu’on se cogne l’alphabet grec, il aurait fallu assimiler itou le cyrillique, vous voyez le tableau ?

Encore heureux que les Chinois soient encore assez loin. Quoique…

Tibert

Arithmétique et logique, termes en hic

Un peu de maths, ou plutôt de calcul. Et de la logique pour finir.
Un  député de l’UMP, monsieur Vanneste, parle « de la fameuse légende de la déportation des homosexuels » pendant l’occupation allemande. On le flingue donc et le marque du sceau de l’infamie, car en France de nos jours il n’est plus possible de prononcer certains mots sans se voir clouer au pilori. J’y reviendrai.

Moi-même j’étais resté sur des informations extrêmement sommaires – le triangle rose, la persécution des homosexuels par le régime hitlérien. Je suis donc « tombé de l’armoire » en apprenant la teneur du discours de monsieur Vanneste. Il déraillait ou quoi ?

Et puis je suis donc allé voir plus creux, et notamment les chiffres donnés par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, laquelle, vous me l’accorderez, n’est pas suspecte d’apologie du nazisme. Ces gens sont a priori crédibles, et ont travaillé en historiens. Bon, voyons voir, et allez-y donc voir vous aussi, car c’est précis à l’unité près.

Il ressort que 7 Français homosexuels, non résidents d’Alsace-Lorraine, ont été emprisonnés puis déportés en camp de concentration (un nombre nettement plus grand – quelques dizaines – est à déplorer au total en incluant les départements annexés par le Reich). Mais ce qui est frappant, c’est que ces 7 Français ont en fait été déportés avec un convoi de « politiques », et épinglés du triangle rouge – pas rose.

Résumons nous :

– Les chiffres sont effectivement minuscules au regard des statistiques mortuaires de la seconde guerre mondiale. Vis à vis des morts de froid et de faim en Russie, vis à  vis du massacre des Juifs, c’est peanuts, et de ce point de vue monsieur Vanneste peut effectivement parler de « légende » –  si l’on considère que la déportation « en masse »  est communément et aveuglément admise.

– De nombreux homosexuels avaient d’autres activités que celle-là  (être homosexuel, ça laisse du temps libre), et aussi des opinions politiques, figurez-vous. Ils pouvaient même se trouver être Juifs, francs-maçons, communistes, résistants…  la déportation en tant qu’homosexuel et rien d’autre est donc chose délicate à comptabiliser. De ce point de vue c’est le flou le plus complet.

– Il n’est nulle part question des homosexuelles : ça n’existait pas sous le IIIème Reich ? c’était non répréhensible ? tant mieux pour elles, mais c’est bizarre, et assez « macho ». Sujet à creuser, donc.

– Monsieur Vanneste n’a pas explicitement affirmé qu’aucun homosexuel n’a été déporté en tant que tel ; non, mais c’est cependant un peu ce qu’on croit lire : une légende, c’est du domaine de la fable, de l’irréel. Mais n’y aurait-il eu qu’UN seul homosexuel « français de France » (non résident en Alsace-Lorraine) déporté – on en a compté 7 – cela aurait constitué une déportation, pas une légende. Quant aux homosexuels allemands ou annexés, là on n’a pas de doutes, ils ont effectivement été persécutés.

Voilà les pendules remises à l’heure quant aux faits, aux chiffres objectifs. Restent deux questions :

– Pourquoi monsieur Vanneste lance-il cette polémique ? pourquoi maintenant ? dans quel but ?

– Si l’on fait le parallèle entre les idées reçues – déportation massive et systématique des homosexuels pour ce seul motif – et les chiffres des historiens, on peut effectivement se poser des questions sur cette erreur d’échelle, de perspective. Et, au lieu de diaboliser monsieur Vanneste, de crier au loup, au lepénisme, au révisionnisme etc, si l’on argumentait ? car on peut argumenter, réfuter, les faits sont assez précisément établis. Mais on traite là d’un des thèmes répertoriés à l’inventaire de la Pensée Unique : l’anathème et le pathos tiennent lieu d’argumentation. C’est regrettable.

Tibert

Vieux motard que j'aimais

Les Suisses, les Helvètes, ces veinards d’habitants d’un pays dont on peut dire qu’il est la Suisse de l’Europe, à l’abri de leurs remparts de fric et des portes blindées des coffres replets, que même Hitler leur a fichu la paix – si ça se  trouve, il avait ouvert en douce un compte numéroté à Zurich – les Suisses, donc, votent, font des votations régulièrement, souvent, pour des questions importantes ou moins importantes. Et naturellement, on se fout de leur gueule, vu que c’est, selon les canons de la Pensée Correcte, faire oeuvre de démagogie, faire appel aux réflexes identitaires, xénophobes, rétrogrades, bref tout plein de vilains sentiments.

Pourquoi cette levée de boucliers ? parce que les Suisses votent généralement de vilaines décisions. Expulser les criminels étrangers, interdire la construction de nouveaux minarets… et le pire, c’est que leur choix fait force de loi. Réflexe xénophobe ou pas, lamentable décision ou pas, on ne peut plus construire de minarets en Suisse, et vous admettrez qu’il reste néanmoins tout à fait possible de prier malgré l’absence de minaret, et plus généralement de tout chapeau pointu architectural.

Chez nous le référendum est de deux types : tel que prévu par la Constitution, et le Grand Charles l’utilisait avec talent, jusqu’au jour où il lui a pété dans les doigts ; ou d’ « initiative populaire », selon les voeux de certains à Gauche et ailleurs – là où la pensée est plus verte. Et c’est là que le bât blesse. Il s’agit de « consulter le peuple » – pas de le laisser décider, eh oh ! les élus n’ont aucune envie qu’on leur pique leur boulot.

Et voici que notre Grand Chef, bien tardivement, à quelques encâblures de la votation décisive pour sa réélection ou pas, découvre tout d’un coup que le référendum ça existe, que ça peut aussi se faire chez nous. Chic alors ! nous sommes bien d’accord, même à plus de 1.000 parlementaires, on ne représente que très imparfaitement les sentiments et les opinions des citoyens. Il faut nous demander notre avis, direct depuis l’isoloir, et souvent, et pas seulement 2 mois avant une élection présidentielle. Votons donc, votons, cher Président, sur les devoirs de chômeurs, sur le droit de vote des étrangers, sur… tous ces thèmes si porteurs.

Reste  à savoir : c’est pour nous demander de décider, ou juste pour prendre la température ? chiche qu’on fait comme les Suisses, ces veinards qui votationnent tous les quatre matins – pas seulement pour prendre la température.

Tibert

Mais si, ça se vaut… tout se veau, d'ailleurs

Vous commenterez cet aphorisme tout récent (hier, 4 janvier 2012) du présent Ministre de l’Intérieur et des Cultes : « Toutes les civilisations ne se valent pas« . Vous éviterez de commenter l’autre, là, la faux risme : « Nous devons protéger notre civilisation« . Celui-là, bon, si on le démolit, ils vont penser qu’on veut les invasions barbares, ça n’est pas vendeur.

Voyons voir, voyons voir. « Toutes les civilisations ne se valent pas« …  en bon philosophe en culotte courte, vous définissez d’abord de quoi l’on traite. Qu’est-ce qu’une Civilisation ? keske c, en SMS. La tartine copieuse que vous propose wiki va vous éclairer, il y a à boire et à manger. Et vous précisez dans la foulée ce qu’est une « Valeur« . Ensuite, ayant choisi et affûté vos outils, vous entrez dans le vif du sujet.

Par exemple, tiens. Guerrier : civilisations disparues, valiez-vous celles qui vous ont submergées ? alors pourquoi avez-vous disparu, hein ?  est-ce que vous ne les valiez pas (sur l’échelle de Richter de la capacité à nuire) ? vu que vous vous êtes fait bouffer. Perfide : civilisations oubliées, avez-vous été oubliées parce qu’oubliables ? y aurait-il donc des civilisations plus oubliables que d’autres ? peut-on admettre une échelle de valeur de l’oubliabilité ? etc etc.

Mais vous perdez votre temps à discutailler, car vous venez de lire dans le Libé du dimanche matin que les Jeunes Socialistes ont déjà, ainsi que Cécile Duflot, rendu leurs copies ! il s’agit, dans leur conclusion (thèse-antithèse-synthèse) que c’est la Lepénisation qui parle par la bouche de monsieur Guéant. Et toc ! leur copie de philo rondement torchée, jetons-y un coup d’oeil.

Arguments : 1°) parce que c’est monsieur Guéant qui l’a dit. Eût-il dit « passe-moi le sel« , tiens, c’eût été hautement lepénisant. 2)° tout se vaut, c’est bien connu, même Roland Aron se vaut (*), il ne peut y avoir d’échelle de valeurs, c’est anti-socialiste et pas charitable. Les premières toiles de Van Gogh en Hollande, vers 1882, « valent » sa Nuit étoilée de 1889. La page maladroitement bâclée par un élève soulagé d’avoir expédié sa rédac’ en 12 minutes montre en main pour se précipiter enfin sur son Fesse-Bouc « vaut » le devoir construit et stylistiquement élaboré de ce « bouffon », ce lèche-cul de premier de la classe. D’ailleurs il ne doit plus y avoir de « premier de la classe » : tout se vaut. Exaltante perspective.

Tibert, parce que je le vaux bien

(*) elle est vaseuse ? elle en vaut bien d’autres.

Taxer plus pour gaspiller plus

Un rapport qui a fait très fugacement la page d’accueil du Monde-sur-Toile (pendant quelques heures, puis pffffft, à la trappe), mais qui reste encore ce jour partiellement lisible sur le site de Libé, nous en apprend de bonnes.  On nous y détaille quelques uns des postes de dépenses de la République française pour « bien » fonctionner.

J’ai intitulé ce billet comme vous pouvez le lire (en gros, là, au dessus du texte : le titre… vous voyez, là ? )  parce que, visiblement, si notre cher (très cher) Président n’aime pas augmenter les impôts et le clame bien fort, il adore inventer de nouvelles taxes. Le distinguo est subtil ; si en pinaillant on peut affirmer qu’un impôt n’est pas une taxe, en revanche dans le portefeuille ça fait les mêmes genres de trous, n’est-il pas ?

Ce point étant acquis, je voyais l’autre jour ( on peut le voir quasiment tous les jours, suffit de regarder la télé) le perron de l’Elysée, bâtiment qui comme chacun sait est gardé comme Fort Knox, interdit de passer sur le trottoir devant etc… une quelconque grosse légume descend d’une grosse bagnole pour monter les marches. Inévitablement la caméra cadre les « pots de fleurs » de chaque côté de la grande porte vitrée, à savoir des militaires, gardes républicains en grande tenue d’apparat, sabre au clair et figés façon pingouins. Demandez moi à quoi servent lesdits pingouins : à quoi ? à rien. On pourrait judicieusement les redéployer dans le 9-3 à la circulation, ça serait bigrement plus utile.

Vous allez me dire, ouais, ils ne sont là que pour ces brefs instants… juste le décorum, le prestige, la Grandeur de la France… le reste du temps ils sont à la circulation au carrefour de l’avenue Gabriel, ou ils font reluire les cuivres des casques. Soit, admettons. Mais bon, la Grandeur de la France, n’est-ce pas… tenir notre rang… toutes ces foutaises de mises en scène surannées et de décors grandioses nous coûtent fort cher. On s’en passerait aisément : vous et moi avons-nous un Garde républicain façon pot de fleurs devant notre porte ? on arrive très bien à faire sans. Que l’Elysée fasse donc le test : sans gardes républicains, ça fonctionne aussi bien. Allez hop, à la circulation dans le 9-3, les cuivres, que sais-je, il y a plein de boulot qui attend ailleurs.

Et si vous lisez le rapport – incomplet, nettement plus pauvre que celui du « Monde », mais bon – dont je vous cause dans Libé, vous découvrirez à quoi servent toutes ces nouvelles taxes inventives dont notre Chef nous bombarde. Vous y découvrirez qu’un ministre « coûte en moyenne chaque année 16,72 millions d’euros à la collectivité. Un total qui comprend les frais de personnel, la communication, le loyer théorique, les frais de fonctionnement et le train de vie« . Il y a plein d’autres chiffres tout aussi ébouriffants.

Comprenez-moi bien : je ne suis pas en train de plaider pour que monsieur Fillon fasse du co-voiturage ou prenne un billet « prem’s » en TGV de seconde à la SNCF  quand il va de Paris à, disons, Toulouse. Admettons qu’il ait besoin de sécurité et de ponctualité. Mais zut, quoi, on nous serine « austérité », « soyez courageux » : pendant ce temps le budget du Premier Ministre atteint 3,2 fois celui de la Présidence (lequel est déjà assez croquignolet !).

Forts de plus de députés et de sénateurs que les USA, avec presque 5 fois moins de monde, nous entretenons luxueusement une « armée mexicaine » de parlementaires logés dans des palais. Pour quelle utilité ? ah ça c’est sûr, ça brasse des lois en veux-tu en voilà. Mais comme elles ne sont pas appliquées – sauf les taxes, ne plaisantons pas avec les taxes –  à quoi ça peut-il nous servir ? à râler inutilement au long d’un billet.

Eh bien c’est toujours ça, en attendant une démocratie qui ne vive pas au dessus de nos moyens.

Bébert

PS : ah si,on a plus de détails – édifiants – sur le budget du Premier Ministre. Voyez ce site.

Barthes, Angelopoulos : tableau de chasse

Tout le monde sait que les piétons payent chaque jour un lourd tribut à la circulation auto-moto-bus’omobile. D’autant plus qu’en France, et spécialement à Paris etc… le piéton n’a que foutre des signaux de voirie, rien à cirer des passages qu’on lui a réservés, se contrefiche des flux de véhicules, et se prend pour le matador esquivant le toro, olé !!

Mais comme  dans la blague bien connue (*), ce n’est pas toujours le matador qui gagne, hombre ! Notre regretté Roland Barthes a payé de sa vie une rencontre inopinée avec un autobus, il y a de cela quelques lustres. Et nous apprenons, hélas, que le célèbre cinéaste Théo Angelopoulos vient de se faire  buter par une moto. C’est aussi une lourde perte : j’avais beaucoup aimé l’Apiculteur, Paysage dans le brouillard, l’Eternité et un jour… ça nous changeait agréablement des Bidasses en folie et de Retour vers le futur IV. Ce sont évidemment et comme toujours les meilleurs qui s’en vont.

Mais, quand même, on s’interroge : que foutait donc Théo Angelopoulos à 8 h 30 dans une rue improbable du XIV ème arrondissement à Paris ? par quel malheureux hasard un motard de l’escorte de la Ministre de l’Artisanat – grandissime poste, qui vaut bien DEUX motards, des gyrophares et une sirène hurlante –  a-t-il pu percuter ce génial et imprudent cinéaste ? quand on y songe, on est peu de chose. Je cite :

« Le convoi se composait d’une voiture berline Renault (**) escortée par deux motards de la police, et se dirigeait vers la porte d’Orléans. Il se rendait à l’aéroport militaire de Villacoublay pour rallier Toul, fief de Mme Morano ».

Voilà, c’est simple, et c’est tragique. Il eût suffi que le convoi de madame Morano se dirige, sirènes hurlantes, vers son fief de Toul (place, manants, place au convoi de la Ministre de l’Artisanat…) en empruntant – toutes affaires cessantes, sirènes hurlantes et gyrophares girotant – le boulevard Sébastopol, l’autoroute du Nord et l’aéroport du Bourget, et Théo Angélopoulos était sauvé ! qu’avait donc la Ministre de l’Artisanat de si urgent à faire dans son fief (***) de Toul, l’histoire ne le dit pas. Pourquoi une Ministre de l’Artisanat utilise-t-elle un aéroport militaire, nul ne le sait. Pourquoi le TGV Paris-Nancy-Strasbourg ne convenait pas à ce noble déplacement, on l’ignore. Ce tragique fait d’hiver gardera tragiquement ses zones d’ombre.

Tibert

(*) vous la connaissez ? c’est un type qui va dans un restaurant espagnol et y déguste un plat excellent à base de … ah vous la connaissiez ? eh bien alors pas la peine que je vous la raconte.

(**) Une Twingo Diesel jaune moutarde, selon nos informations ; madame la Ministre était à côté du chauffeur en costard-casquette et avait les pieds sur le tableau de bord.

(***) Fief : « Terme de féodalité. Domaine noble, relevant du seigneur d’un autre domaine, concédé sous condition… »

Fallait pas faire comme ça

Des trois comiques involontaires auto-proclamées « agences de notation », la plus ceci, la plus cela, la plus libéralo-libérale, j’ai nommé Standard & Poors, alias S&P, nous régale de ses remontrances et de ses bons conseils, après avoir – selon le scénario prévu, réglé comme du papier à musique, c’était écrit, il fallait le faire, pour le plus grand profit de la Finance Internationale, de la City et des Produits Dérivés – après avoir, donc, balancé sa célèbre équation AAA – A = AA.

Ahhhh… enfin, nous y voilà. Bon, et alors ? et maintenant ? hein? on fait quoi ?

Eh bien, c’est pourtant simple, il suffit d’apprendre… ils savent comment faire, eux chez S&P, et tel Moïse sur le Mont de Piété, écoutons et notons sur les Tables de la Loi S&P ce qu’il aurait fallu que nous fissions. D’autres oracles du même acabit nous donnent, et toujours après coup, de sages conseils, de bons préceptes : JP Morgan, un des fleurons de la Planète Finance, presque aussi éthique que Goldman Sachs, la banque qui vend à ses clients des produits dont elle  sait qu’ils sont pourris, la banque éthique que plus éthique qu’elle tu meurs, qui aidait la Grèce à maquiller ses budgets pourris.

Versons, au passage, une larme sur la défunte Lehman Brothers, qui n’aurait pas détonné au milieu de tout ce beau linge, mais n’a pas survécu à la crise des « subprimes » – en revanche, les agences de notation qui décernaient du AAA+ à Lehman Brothers, elles, paradent toujours et nous donnent de sages conseils de bonne gestion.

Bon, soyons pratiques et tirons les leçons de tout ça : virons ces ministres et ministresses incapables qui gouvernent nos finances, qui prennent les mauvaises décisions. Embauchons tout de suite et sans tarder quelques uns des ténors de S&P, de Moodys, de Fitch, de ces gars qui savent, eux, comment ça se gouverne, la finance, merde quoi. C’est vrai, enfin, ils savent comment il faut gouverner, suffit de suivre. C’est simple.

Evidemment, si c’était pour nous vendre, tel Goldman Sachs, et à l’insu de leur plein gré, des produits pourris dont ils savent qu’ils sont pourris, ça ne serait pas du jeu ; mais ils sont francs du collier, c’est probable. Que ces gens-là, usant de leur aura indue, claironnent partout « tel pays est dans la merde« , précisément afin de l’y mettre, dans la merde, rien de plus éthique, pas vrai ? c’est de bonne guerre anti-Euro.

Tibert

PS : J’ai hésité à intituler ce billet « Le dégradeur fou a encore frappé« . J’apprends que S&P, devenu dingue, ivre de son pouvoir de dégradation, dégrade urbi et orbi, la SNCF, EDF… toutes entreprises nationales. Les entreprises publiques, on dirait qu’il n’aime pas ça, S&P.

Vite fait mal fait

Je raillais (non, je ne ralliais pas, je raillais) il y a quelques jours les sondages donnant les Français comme très majoritairement contre la mise en place d’une TVA « sociale », mais sans y comprendre grand-chose. « J’y pige que dalle mais je suis contre« .

Ceci ne signifie pas pour autant, chers auditeurs, que je suis favorable à une telle réforme, et je vais même vous avouer un truc : je ne suis pas un inconditionnel de Nicolas S., bien que lui, de son côté, soit carrément « accro » à mon blog et se précipite tous les matins pour voir si j’ai pondu un nouveau billet. Je vais donc en profiter avec opportunisme pour lui suggérer des pistes de réflexions.

D’abord ce constat constant, et c’est triste : la France souffre de bipolarisation chronique exacerbée droite-gauche ; restes des « oppositions de classes », vieilles lunes du défunt Marxisme acclimaté au pays du camembert, façon Georges Marchais. Pas moyen, dans ce foutu pays, de trouver des gens capables de pratiquer le dialogue, la confrontation constructive des idées et la synthèse. C’est véritablement une tare chez nous, et qui nous coûte très cher. On a donc une droite (pour le moment) aux affaires et qui tâche de faire passer ses « réformes » au forceps, et une gauche (pour le moment) en résistance et qui s’arc-boute contre, quoi que ça puisse être : c’est con, bilatéralement con. Et ça donne des résultats stupides, d’autant plus que le Grand Chef est du genre à dégainer trop vite, quitte à faire machine arrière ensuite.

– La proposition de taxe « Tobin » sur les transactions financières, limitée au périmètre français, telle que soutenue par N.S., est une ânerie : tout le monde le sait et le dit, ça va faire fuir aussi sec les opérateurs boursiers vers d’autres cieux où ça restera gratuit. Résultat pitoyable et prévisible : la Bourse de Paris à la ramasse. C’est évident, il faut obtenir au minimum un consensus de la zone Euro sur ce point pour que ça ait une chance de fonctionner sans se tirer / nous tirer une balle dans le pied.

– La TVA sociale est un chantier qui mérite qu’on ne le bâcle pas « avant les élections », qu’on prenne le temps de la réflexion, de la concertation, des arbitrages équilibrés. Pour le moment c’est une réforme à la hussarde, une de plus, et on en dit n’importe quoi. Tiens, le Monde aussi y va de ses affirmations  fantaisistes : « Les retraites du régime général et de la fonction publique sont indexées sur les prix. Au 1er janvier, elles sont ainsi augmentées… » : c’est n’importe quoi. C’est en avril dernier que les retraites ont été réévaluées, et tout le monde peut constater que ce n’est pas au niveau du taux de l’inflation, loin s’en faut. Le journaleux qui a commis ça constatera plus tard la triste réalité, quand il sera à la retraite… bref, la TVA sociale avant le mois de Mai ? téméraire, aventureux et contre-productif.

Bien évidemment, j’entends d’ici N.S. me rétorquer : non mais, Tibert, t’as vu à qui j’ai affaire ? comment ça fonctionne ? pas moyen d’avancer ! quoi que je dise, en face c’est non, non et non. Comment veux-tu que je discute de manière constructive et avec qui ? je propose quelque chose, ça déclenche illico les injures, l’anathème, le refus.

C’est vrai, aussi, quoi  : il ouvre la bouche, aussi sec l’écho renvoie « Fouquet’s », « Bolloré », « Rolex » (*)…. c’est lassant, à la fin.

Tibert, sévère mais compatissant

(*) Honnêtement, je sais pas pourquoi on en fait un drame, de cette histoire de Rolex : moi je peux en acheter une pas cher du tout. Quasiment tous les jours je reçois par email des offres avantageuses : jusqu’à 90 % de ristourne et plus. C’est pas si bling-bling que ça, la Rolex.