Inutile de résister

( Et de une, la SNCF m’écrit « Raymond, (*) , votre carte Sénior va arriver à expiration... » : j’ai horreur de ces familiarités. Ils ont mon nom, mon âge, mon adresse… ils peuvent écrire « Monsieur Tibert-le-Chat, votre carte gnagnagna... » : ça, d’accord. Un peu de tenue, zut quoi.

Et puis le groupe musical Indochine ne veut pas jouer dans un festival, vu que ça doit se passer à Perpignan, ville dont le maire est affilié au RN. Le Parigot écrit d’ailleurs « …Perpignan, une ville RN » , raccourci amalgamant, sommaire et mensonger. Sectaire, petit et bas du front. Puisque c’est ça, je vais en représailles refuser d’aller à Paris tant que madame Hidalgo en sera maire. Non mais… )

Et puis allons-y d’un parallèle hardi entre, a) La Russie qui déplore cyniquement que les Occidentaux – appelons-les comme ça – aident militairement l’Ukraine par l’apport de plus d’armements : « C’est regrettable, ça va prolonger les souffrances des Ukrainiens » . En somme, disent-ils, laissez-vous faire, ça ira plus vite, on veut juste vous envahir et vous vassaliser, à quoi bon résister ? … et b) l’amorce d’un article du Monde, où l’universitaire franco-québecois Francis Dupuy-Deri regrette, de son côté, que « La charge contre les études sur le genre et le racisme menace la liberté académique » . Selon lui, les polémiques en réaction aux thèses et aux poussées idéologiques du woke, de l’antiracisme, du féminisme… (**) seraient juste là pour retarder, gêner, empêcher les avancées espérées ; monsieur Finkielkraut, notamment, il ferait rien qu’à les embêter !

C’est vrai, zut quoi… on perd du temps, là…. laissez-vous faire, ça ira plus vite.

Tibert

(*) En fait, rassurez-vous, ce n’est pas Raymond. C’est daté, Raymond.

(**) Et l’intersectionnalité ! ou comment découvrir, émerveillé d’avoir inventé l’eau tiède, la notion mathématique d’intersection d’ensembles.

Insolite expression

( La réforme des retraites… 64 ou 65 ans ? je parie qu’on va nous sortir 64, c’est moins dur à avaler… ceci dit – je ne suis ni à la CGT, ni d’ailleurs à aucun syndicat – le problème est mal posé, la question biaisée. Et d’une, il est d’abord important de mettre à l’unisson les régimes de retraite, TOUS les régimes, pour en finir avec les inégalités, les niches, les privilèges iniques de « certaines catégories de personnels » . Et de deux, nous savons tous qu’à partir de, disons, la cinquantaine, le salarié – le cadre, en particulier – est bon à jeter : trop cher, pas assez dynamique, etc – ironie de la chose, ce sont des cadres de plus de cinquante ans qui mènent cette politique anti-« vieux » . Le chômage des anciens, donc, jusqu’à 64 ans ? superbe progrès social. )

Mais hier, regardant les infos à 13 heures à la télé, j’ai eu un bref aperçu d’une entrevue Macron-journaleux, au ton curieux ; trouvant les questions-réponses d’un niveau navrant, jugeant ça d’une démagogie outrancière – jusqu’où Macronious va se vautrer pour bichonner son image ! j’ai zappé… ça s’appelait les Rencontres du Papotin. Je découvre en fait ce matin que Le Papotin, c’est d’abord un groupe, un canard produit par des adolescents et des adultes autistes ! et que ces entrevues ont déjà pu mettre sur le gril (*) – je cite une liste – Margerin, Mireille Mathieu, Anne Hidalgo, Renaud, Vincent Cassel, Daniel Pennac, Cedric Villani, Jacques Chirac, Stéphane Hessel, Roselyne Bachelot, Claude Allègre, Barbara, Gilles Lellouche… et Macronious.

Bref, je m’étais mépris. Ces questions curieuses, décalées, ce ton familier, tutoyant, cette ambiance non compassée, inhabituelle, c’est le Papotin, c’est assez unique, et ma foi c’est excellent. Ceci étant, qu’est-ce que Manu-les-rouflaquettes est allé faire là ? on l’a invité ? il a demandé à être invité ? il avait préparé ses réponses ? choisi ses interlocuteurs ?

Répondant à d’indiscrètes questions, il expliquait ses deux échecs de jeunesse au concours de Normale-Sup… et cet aveu : « J’étais trop amoureux pour être sérieux ». Allons, il l’est visiblement toujours ! ça ne laisse pas d’inquiéter pour cette réforme des retraites.

Tibert

(*) Gril avec UN SEUL L à la fin. Le grill des gargotes à steaks sauce barbecue « Métro » + frites surgelées + salade « offerte » , c’est un barbarisme.

L’homme et la pantine

( Grâce à l’entremise du Grand Rabbin, Où-est-le-bec et le recteur de la mosquée de Paris ont débattu pendant six heures (p…, six heures !) du différend qui les oppose – d’une certaine épaisseur, donc ! ils ont provisoirement suspendu les hostilités… à suivre. Il serait dommage que la liberté d’expression en sorte malmenée, mais je vous fiche mon billet que ce sera le cas.

Et puis Le Monde traite du « body composting » , qui en français pourrait se traduire par « compostage du corps » : un enterrement au vrai sens du terme, le retour à la terre, au lieu de moisir entre quatre planches, ou de partir en fumée. Mais quel est la valeur ajoutée de cette expression anglaise (états-unienne, en fait) ? zéro, c’est exactement comme le français, mais en anglais. Aaaah… du body composting ! fichtre ! bigre ! )

(*) Voir ma note plus bas. Je me suis bien diverti ce matin à lire cet entrefilet mignon sur l’initiative du maire PS – forcément PS – de Pantin, dans le 9-3 : il veut renommer sa cité « Pantine » pendant cette année 2023. Notez, ça compte pour du beurre, c’est purement symbolique. D’ailleurs l’accueil à cette farfeluterie est assez mitigé… Pourquoi cette idée saugrenue ? c’est paraît-il pour abonder la cause des femmes, pour, dit-il, « alerter sur les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes » . Ces deux types d’humains sont non seulement différents et inégaux à bien des égards – et c’est chouette, non ? – mais il reste des domaines où les premières ont encore pas mal à ramer, on est d’accord.

Ceci dit, le maire de Pantin.e connaît mal sa géographie et les noms des villes de France : il en est des neutres, des féminins, des masculins, et donc c’est assez équilibré ! Je dirais même, les villes « femmes » sont très nombreuses ! Tenez, La Réole, La Ricamarie, La Napoule, Villeneuve – et non Vil Neuf ; Bussières-Poitevine, dans le 8-7, clame sa féminité… et tant d’autres. Les Essarts, Les Andelys, Les Issambres, chez les pluriels neutres, des Queers, peut-être ? et puis des mâles, bien sûr, il en faut pour féconder le débat, Le Havre, Le Guilvinec, Le Croisic, Le Veurdre… je n’ai pas les statistiques des proportions de genre pour les 36.000 communes de notre beau pays, mais la diversité y est. Essuyez vos lunettes idéologiques, monsieur le maire, voyez la vanité de votre initiative, moche décalque des errements du langage inclusif.

Et, imaginez un peu… si le maire de La Souterraine voulait promouvoir les pauvres hommes, hein ? Tiens, si vous avez des changements de genre cocasses à proposer, le concours est ouvert.

Tibert

(*) Si vous avez lu le bouquin de Pierre Louÿs, ou vu le film de Duvivier avec BB…

Chimères, lubies

( Les récentes citations de Où-est-le-bec (*) sur les musulmans… je m’abstiendrai d’y ajouter mon grain de sel. C’est le cas de le dire, c’est salé ! c’est salé, et naturellement on a droit aux cris, provocation à la haine, etc, et on a porté plainte. C’était couru, tant le débat se limite désormais à traquer l’islamophobie, ce serpent de mer mal bâti. Il est dommage que l’article du Figaro traitant de la réaction de Michel Onfray à cette querelle soit payant : le philosophe y entame un commentaire de texte, on y devine donc des réserves sur les phrases énoncées, citations ou pas citations, guillemets ou non. Eh oui, « le maître, dit le maire, est un abruti » / « le maître dit : le maire est un abruti » , n’expriment pas la même chose. Il nous reste donc à lire nous-mêmes la transcription du dialogue Onfray-Houellebecq « Fin de l’Occident ? » pour nous faire une opinion. )

Mais j’en viens à mon propos. Citation : « L’amélioration du niveau scolaire des élèves, l’égalité des chances et l’amélioration du fonctionnement de l’école » : tels sont les trois travaux d’Hercule que le ministre Ndiaye se propose d’accomplir dans son pré carré ministériel de l’Educ’Nat. Vous noterez, il veut améliorer deux des rubriques – louable résolution façon Nouvel An, et il y a de la marge ! – quand pour l’égalité des chances- comment améliorer une égalité ? – il doit faire appel à un absolu : une équation mathématique, donc, Chances (A) = Chances (B). Par exemple, A, fille d’immigrés à peu près illettrés, logée-entassée dans une cité sensible où les commerces de proximité ont tous renoncé, la télé sur N6 ou PF1 à longueur de journée, les devoirs sur un coin de tapis, et les mobs à pots trafiqués qui bombinent inlassablement sous les fenêtres ; B, père cadre sup, mère agrégée de Lettres, logé au calme et au large. Egalité des chances ? ma caricature A-B postule qu’il n’y en a pas, qu’on brasse du vent, là. Egalité ? pour entretenir cette fiction on s’aligne sur le plus faible : voir le bac, dont les statistiques laissent penser que nos chers petits sont largement meilleurs que 50 ans plus tôt… on a juste ouvert grand la porte et déplacé le curseur.

Ce qui fonctionne, en revanche, c’est, dans un cadre indispensable de discipline, de calme, de respect (on peut rêver), la motivation, le courage, l’opiniâtreté, du côté des potaches ; l’exigence, la rigueur, la sollicitude, chez les enseignants. L’école de la République a produit moult brillants sujets pourtant partis sur les pauvres bases de mon exemple A ; on pense évidemment à Albert Camus, mais il y en a des tas d’autres.

Payer les enseignants correctement, les soutenir, bannir l’antienne « pas de vagues » . Exiger l’ordre, s’en donner les moyens, et l’obtenir. Renoncer à la démagogie. Et faire péter les ghettos !

Tibert

(*) On se demande parfois, face à certains chiens très touffus, où est la tête, où est la queue ? il me vient la même remarque à propos de l’écrivain et de son bec – pour la queue il n’y a aucun doute.

Détruire les fractures

Le timbre rouge va disparaître ; selon la tradition orale, collé sur une enveloppe confiée à la Poste via les boiboîtes jaunes, il permettait de l’envoyer (l’enveloppe) en 2 jours maximum au fin-fond du Tarn-et-Meuse. Terminé, nous dit-on ; il n’y aura plus que des lettres lentes, vertes, paisibles, genre « y a pas l’feuu auu laac ! » avec l’accent du Léman. La Poste, toujours plus peau-de-chagrin (*), va remplacer ça par du traitement électronique, vous pensez bien !

Mais voilà : on / ils se trompent de cible. De deux choses l’une : ou bien vous avez une connexion au Houèbe, un mobile moderne ou un ordi, et vous savez utiliser la messagerie de votre bouzine : vous envoyez des emails ! c’est rapide, gratuit, et ça marche. Pourquoi faire appel à la Poste ? Ou bien vous n’y comprenez pas grand-chose, l’informatique et vous ça fait deux, Windôze vous fait horreur, alors vous écrivez des lettres, comme au bon vieux temps… lettres que vous postez ensuite avec un timbre vert, puisque c’est du vert, maintenant. Et, si ça vous chante, une violette séchée dans l’enveloppe, ce que l’email ne sait pas faire – pas encore, mais on y travaille. Ça va mettre deux jours ? eh bien ça mettra deux jours. Quand c’est pressé-pressé, on téléphone…

L’Insoumise-Française Manon Aubry (bizarrement, rien à voir avec madame 35-Heures « Quand c’est flou, y a un loup » ) a thouïtté un truc sur le sujet : « Alerte disparition de l’envoi du courrier par la poste remplacé par… un email ! Ou comment continuer à détruire nos services publics et la fracture numérique avec ! » . Si ce n’est pas de la confusion mentale, qu’est-ce ? la Poste qui veut détruire la fracture numérique ! On aura tout entendu, cette année. Voyons, madame… enfin…

Mais la même madame Aubry (Marion) énonce là, tout de même, un truc utile : le projet de la Poste pourrait amener à faire payer les lettres – des courriers électroniques, en fait – passant par ses pattes : l’invention de l’email payant, en quelque sorte. Ce que la Planète entière n’a pas réussi à faire, les PTT françaises y réussiront peut-être.

Notez, les cyber-cafés le font depuis longtemps : on paye pour lire / envoyer ses emails. C’est là sans doute l’évolution qui pourrait VRAIMENT sauver la Poste, donner une nouvelle motivation à nos chers préposés. Oubliez ceux qui ont Internet chez eux, c’est mort ; la vraie bonne clientèle, ce sont les réfractaires, les « fracturés-numériques » , les anciens, les solitaires en quête de chaleur humaine. Donc, une pompe à bière derrière le guichet de la buraliste, des flacons sur les rayonnages, des ordis en libre service (payant), une ou deux aimables monitrices pour aider pépé à naviguer sur le Houèbe et rédiger son courrier, des flippers, un billard, un juke-box, des fléchettes comme chez les Rosbifs…… voilà qui va revitaliser les centre-villes de nos mornes bourgades. On pourrait pimenter ça avec des hôtesses… mais ne dérivons pas. Il faudra bien entendu revoir les horaires, décaler vers le soir, les week-ends…

Et c’est là que le bât blesse ! j’entends d’ici les protestations : et mes 35 heures ? et mes congés-maladie ?

Tibert

(*) Dans mon bled, la poste est fermée le lundi ; les autres jours, c’est selon… selon la vitesse du vent, les congés de maladie et les aléas des rotations de postes, c’est le cas de le dire. On peut devoir faire 25 km (pas à vélo ! les côtes sont redoutables) pour aller poster une lettre un peu urgente, de village – zut, la poste est fermée ici aussi – en village : ah tiens c’est ouvert ! Ou comment faire la peau aux services publics, notamment et en priorité là où il n’y a plus guère que ça pour donner un semblant de vie.