Herbes folles sur le tarmac

Le dossier de Notre-Dame-des-Landes, alias NDDL,  ce vieil aéroport du futur des années 60 projeté pour faire plaisir aux édiles et notables de la Chambre de Commerce locale, engraisser le BTP, bétonner les terres agricoles et accessoirement dégager du ciel nantais les avions en approche-atterrissage, connaît un nouveau rebondissement : le « rapporteur public » de la Cour Administrative d’Appel de Nantes y met une grosse réserve.

Cette affaire est tout simplement lamentable et pour cela passera à la postérité, si l’on veut bien enfin ouvrir les yeux sur les tares de la démocratie et des chemins décisionnels dans notre pays : un paradigme de dossier foireux. D’un côté la Loi bafouée allègrement, des individus barbus, « hirsutes-menaçants » (ce n’est pas de moi, c’est de Louis Aragon, et il ne traitait pas de la ZAD de NDDL) occupant le terrain en toute illégalité, ridiculisant les décisions judiciaires énoncées jusqu’à présent, les coups de menton et les effets de biscottos de notre Premier Ministre ; de l’autre côté des élus et décideurs autistes, sourds et aveugles, portant, butés, un projet des années 60, sûrs de chez Sûr d’avoir raison contre toutes les objections pertinentes qu’on a pu opposer à cette vieille baudruche clairement surdimensionnée et jamais remise à plat.

La grande majorité de ces naufrages mettent en évidence l’incapacité crasse de nos décideurs à tenir compte, sur des dossiers de long terme, du TEMPS QUI PASSE ! en informatique, tenez, les dinosaures logiciels genre Paye des Militaires sont morts-nés dès les balbutiements des premiers bulletins de solde  : on les a définis 5 ans plus tôt, et entretemps la donne technique, les règles du jeu… ont changé ! à la poubelle, Louvois, Chorus et consorts !

Tenez, pour illustrer, un peu d’humour dans ce monde sinistre, je me fais un plaisir de vous citer un extrait du « courrier des lecteurs » là-dessus, à la suite de l’article que le Monde y consacre :

« La piste (*) est prévue pour faire atterrir des futurs Concorde en provenance de New-York. Les caravelles d’Air-Inter ne sont pas oubliées pour rallier les principales villes du pays. Les DC8 d’Air France partiront vers Karl-Marx-Stadt, Stalingrad, la Tchécoslovaquie, la Rhodésie et le Congo-Brazzaville. M. Alain Poher aurait le privilège d’inaugurer l’aéroport… ».

Et si vous pensez qu’un aéroport ça fonctionne tout naturellement et ça ne peut que créer des emplois, rapporter des sous quand c’est construit, voyez ce site qui vous cite 😉 une quinzaine de superbes « bides » aéroportuaires, dont le mirifique et catastrophique « Mirabel » de Montréal, etc. Plus modestement, et tout près de Nantes, méditez sur les chiffres de l’aéroport actuel d’Angers-Loire, 18 ans d’âge, voulu par la communauté urbaine du coin parce que le précédent ne pouvait plus s’étendre… il est à 120 km à vol d’oiseau de NDDL, il fait gaillardement ses 8.500 passagers par an, soit 24 par jour… avec des structures prévues pour 50.000 passagers. Un « bide » de plus.

Tibert

(*) LES pistes ! pour NDDL il en est prévu deux, en toute modestie, comme à Londres-Heathrow, qui fait 1.260 mouvements par jour, quand le Nantes-Bouguenais actuel en compte à peu près 137, soit 9 fois moins. Mais on ne sait jamais, des fois que Nantes-NDDL supplanterait Heathrow…

7 thoughts on “Herbes folles sur le tarmac”

  1. Oups’ !! Record battu, Cher Tibert… dans le genre vieux grincheux, z’êtes encore pire que moi ! et je m’y connais.
    La semaine dernière, c’étaient les cranberries – pardon, les canneberges -, cette semaine, c’est NDDL… Ahlàlà, caisse ça serait si les avions de NDDL volaient au jus de canneberge !!
    Il est beau le progrès avec des gens comme vous (z-et-moi…)
    En passant, je vais vous en confier une bien bonne : en France, on n’a pas eu besoin d’attendre les zavions pour dépenser les sous des cons-tribuables en pure perte (enfin… certainement pas pour tout le monde !) Déjà, du temps du chemin de fer…
    Z’avez jamais entendu parler de la ligne Le Puy-Montpellier ? avec presque autant d’ouvrages d’art que celle dont je parlerai plus bas : tout y est ! Enfin tout ce qui reste : gares, stations, tunnels, rampes, voies en fossés empierrés, remblais, entrepôts, rotondes*… tout vous dis-je ! elle compte même le plus haut viaduc d’Europe**. Du moins dans les années 30, où elle a été construite à grands frais ! Tout… sauf les rails, qui n’ont jamais été posés ! On y fait du VTT et de la randonnée pédestre, de nos jours. Mais pas que. Voir ci-dessous.
    L’autre est pas mal non plus, bien qu’elle ait été utilisée pendant une trentaine d’années, jadis. Soit tout juste un peu plus que le temps qu’il a fallu pour la construire : c’est la ligne Carcassonne-Perpignan par Esperaza (La capitale du chapeau mou en feutre. Qui porte encore ce genre de couvre-chef de nos jours ?) Elle est toujours titulaire d’un record européen, sinon mondial : la plus forte pente. Et aussi le plus grand nombre d’ouvrages d’art au kilomètre… mais je ne sais pas si ce dernier est toujours valable. Le trafic voyageur a cessé en 39, si mes souvenirs sont exacts, bien qu’un tronçon ait encore servi un temps pour le débardage des grumes vers Perpignan jusque dans les années 70/80. Dans les années 50/60 la route qui lui est parallèle de l’autre côté de la vallée de l’Aude (ou de l’Agly ?) s’est effondrée suite à un glissement de terrain et elle a connu un regain d’activité le temps qu’on répare la route. Une fois la route remise en circulation, la SNCF s’est empressée de revendre les rails à un ferrailleur et elle est aujourd’hui inutilisable alors qu’elle présente un gain de temps (et de kilomètres !) considérable par rapport à l’itinéraire par le littoral. Pour ne rien dire du nombre de pauvres types à qui sa construction a coûté la vie ! Pardon pour mes incertitudes/inexactitudes, mais j’ai la flemme d’aller vérifier sur le Net : il y a au moins deux sites qui sont consacrés à ces broutilles…

    *Les bâtiments en forme de 3/4 de camembert géant où on garait les locos à vapeur, jadis…

    ** De mémoire, le viaduc du Moustier, où a été tourné « Le Fou du Viaduc », avec Jacques Dufilho. Les seuls à en avoir profité vraiment sont les Allemands qui, durant la dernière guerre, ont récupéré tout le bronze des garde-fous pour en faire des obus. Aujourd’hui, y’a plus de rambarde et on y fait du saut à l’élastique. Déconseillé si vous souffrez du vertige ou êtes cardiaque.

    1. Herbes folles sur le tarmac… et sur le ballast ! ceci dit (Bel-Abbès), il se fait du « vélorail » de loisirs du côté d’Allanches dans le Cantal : tout n’est pas complètement foutu. A quand les concours de chars à voile sur le tarmac de NDDL ?

  2. Ca me gratouillait les méninges, cette histoire de lignes de chemin de fer-bides…
    Voici ce que j’en savais/disais dans une note de fin de mon bouquin « L’extravagante affaire du Carnet Rose » ; un faux Sherlock Holmes qui se passe essentiellement entre une luxueuse maison close de Londres et… Rennes-le-Château et qui n’a connu, jusqu’à présent, qu’une édition privée réservée aux membres du Cercle Littéraire « L’Escarboucle Bleue », aujourd’hui disparu. Ce coup-là, les indications sont tout à fait vérifiées, officielles et exactes !

    « … L’achèvement du dernier tronçon de la ligne (celui sur le chantier duquel se retrouvent nos héros à ce moment du bouquin) demandera quelques vingt années de travaux tant les ouvrages d’art, ponts, tunnels, tranchées, y pullulent ! La jonction, ferroviairement exemplaire, sera définitivement terminée et inaugurée le 22 mai 1904 ! Le plus regrettable de tout cela étant que ce tronçon, superbe à tous points de vue – quels paysages ! – ne sera exploité que… 35 ans, à peine ! En 1939, le trafic voyageurs est définitivement interrompu pour cause de non-rentabilité (ben voyons !) et, malgré une courte résurrection en 1951 (la route s’était effondrée…), on arrache hâtivement les rails en 1989/90. En 1991, la voie est déclassée. On frémit à l’idée de tant de travail et d’argent, de sueur et de vies humaines gaspillés. Mais comme d’habitude, l’attribution des marchés et autres dépenses publiques a bien dû profiter à quelques-uns… Ce ne sera ni la première ni la dernière fois, hélas : voir à ce sujet la ligne Le Puy-Nîmes (et non Le Puy-Montpellier, mais j’étais pas loin !), par exemple (avec l’un des plus hauts viaducs de pierre jamais construits en France, celui de Le Monastier-sur-Gazeille), entièrement réalisée (gares, entrepôts et passages à niveau compris) et jamais mise en service ! Pour les partisans de la libéralisation du Service Public, rappelons que l’une comme l’autre de ces réalisations sont antérieures à la nationalisation des Chemins de Fer Français et ont été construites, à l’époque, par et pour des compagnies privées concessionnaires… »

    Tiens donc ! Et pardon pour Le Monastier-sur-Gazeille, mais là encore j’étais pas loin ! A bientôt trois quarts de siècle, la mémoire fonctionne encore pas trop mal, je trouve…

    1. Souvenirs, souvenirs… et puis n’oublions pas que, ruines ferroviaires ou pas, tous ces travaux inutiles et ruineux augmentent le PIB. A la limite, creuser un immense trou et puis le reboucher aussi sec, c’est une ineptie, mais ça augmente le PIB, donc la richesse du pays. Pas pour tout le monde, évidemment…

  3. … Eh bien, mon cher Tibert, on confond « Produit Intérieur Brut » et « Précipice Infiniment Béant » ?? Vous êtes excusable : de toute façon, c’est le plus souvent l’état actuel des dépenses publiques. Elles béent aux corneilles et les corneilles, c’est nous qui les alimentons. Tiens ça me rappelle un proverbe chinois : « Tu ne peux pas empêcher les corneilles de voler au dessus de ta tête, mais tu peux les empêcher de faire leur nid dans tes cheveux. »
    A propos de chevelure excentrique et au vu de ce qui vient de se passer outre-atlantique, je me demande si des temps difficiles ne s’annoncent pas pour les corbeilles yankees ? Question de pure ornithologie : ça migre, les corneilles ? Pass’ qu’on sait jamais… des fois que traverser l’Atlantique ne leur ferait pas peur ! Bonjour le cadeau !! Au fait, et le TAFTA dans tout ça ? Si dans le cadre du rigoureux protectionnisme projeté, le Donald (canard ombrageux ô combien, comme on sait…), arrêtait les frais, je me demande si finalement, on ne lui pardonnerait pas ses quelques excès de langage (qui n’engagent que lui !).
    On vit une drôle d’époque.

  4. Pardon : corNeilles et non Corbeilles, ci-dessus ! Remarquez que pour faire la quête, les corbeilles c’est tout de même plus pratique que les corneilles… et comme quelques Etats européens en seront bientôt réduits à la mendicité… si c’est pas déjà le cas !!!

    1. Ah bon, je me demandais pourquoi les corbeilles états-uniennes migraient ? mais non, c’était une coquille, pas une corbeille. Au fait, les corneilles (les plus intelligents des oiseaux) migrent ou pas, certaines oui, d’autres non. Comme les humains, en somme.

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