Les « Temps modernes », bis

Il est des infos qui réjouissent le vieux crocodile que je suis. J’ai très longuement, en large et en travers et en profondeur, pratiqué les délicieuses réunions de service, les terriblement soporifiques du début de l’après-midi, les sinistres du lundi matin glauque, et les autres, avec les rituels retardataires qui s’excusent à peine, les inévitables gloseurs retors, empêcheurs d’en terminer enfin, sans compter toutes celles, invertébrées, qui finissaient en eau de boudin, sans rien de concret, pures pertes de temps.

Eh bien c’est pire maintenant ! Eh oui : il y a les mobiles pour noircir encore le tableau, et toutes celles-et-ceux qui zieutent leurs mobiles en loucedé ou les manipulent d’un air dégagé pendant que les autres bavassent ou planchent sur leur laborieux Powerpoint des chiffres des ventes de la semaine écoulée. Bien évidemment ils sont en mode silencieux, les mobiles, ça tout le monde sait faire, mais les orateurs peuvent flûter, rien à cirer : le mobile d’abord, des fois qu’on louperait quelque chose, un touïtt, un bobard, un coucou de la copine, ou Dieu sait quoi. Je suis bien heureux d’y avoir échappé. Si un jour je dois rempiler, pas de pitié : on laissera les mobiles au vestiaire.

Et puis je lis – honnêtement je m’en fous un peu, je n’ai pas d’actions Casino – que le groupe en question a vu sa cote boursière chuter méchamment : des malins ont répandu des infos pas vraiment fausses mais alarmistes sur les réseaux Touïtteur, et ça a eu l’effet escompté : ça baisse. On subodore des manoeuvres de gus qui vendent à découvertshort selling en rosbif, soit en jargon d’initié : qui shortent. C’est super, le short : on vend 2.000 actions Macheprot à 50 euros pièce au cours du jour, actions qu’on ne possède pas : on ne les a pas achetées  ! pas grave… on régularisera en fin de mois boursier en les achetant vraiment. Et si en fin de mois elles ont baissé, disons 40 euros, on empoche 20.000 euros de bénèf’ – moins les frais de l’opération, bien entendu. Evidemment le shorting (quelle horreur) n’est juteux que si l’action baisse ! c’est pervers, c’est exactement l’inverse de ce qu’un boursicoteur normal attend de ses actions. D’où l’intérêt de lui mettre la tête sous l’eau, à la maison Macheprot, de répandre des bobards nauséabonds, etc.

Vous trouvez ça normal, vous ? moi non. En fait c’est de la sale magouille. Mais c’est la vie moderne, pas vrai ? attention, vous allez vous emplafonner un lampadaire… regardez donc vos pieds au lieu de bidouiller votre Haï-faune.

Tibert