Le blues des bariste du Palais Bourbon

Ouais, je sais : dans le titre, deux mots pas de chez nous. Un amerloc, et ma foi ça restera, car « leu bloouuz ça veut dir’ queu jeu t’aïmeuuuhh » : irremplaçable, merci Djohnny ; et puis barista, pluriel bariste, c’est de l’italien : le bariste, bref le mec qui est derrière le zinc et qui sert les cafés (au passage, un bras d’honneur à l’anglais barman, qui pourrait être une wo-man). Tout ça pour constater que nous l’ignorions, mais ça fait surface : il y a environ 1.200 fonctionnaires travaillant – disons « salariés », c’est moins pesant – à l’Assemblée Nationale. Et ça fait surface parce qu’un entrefilet du Firagots – seul à ma connaissance à sortir ce scoupe – nous informe sur une rumeur de grève des fonctionnaires qui oeuvrent au palais Bourbon : on veut repenser leurs fonctions !

j’ai voulu en savoir plus… le site officiel ne dit que pouic des effectifs du petit personnel, les obscurs, les sans-grade qui parcourent laborieusement – du moins on le suppose – les couloirs et les vestibules ; en revanche on y apprend qu’il y a 577 députés. Soit, à la louche, un peu plus de deux salariés pour un député. Je ne parle pas ici des suppléants, assistants parlementaires… divers et variés, mais des salariés des lieux, les machinistes, les soutiers, en quelque sorte.

Inévitablement, on s’y attendait – comme en soulevant une pierre dans l’herbe humide on peut s’attendre à déranger de paisibles porcellions – on découvre à la lecture de cet article du Fig’machin le même système absurde et ruineux qui nous coûte, mes chers compatriotes, la peau des fesses : au Palais Bourbon, pour trôner derrière le bar, servir à la cantoche (excellente, entre parenthèses), peler des patates, tenir un vestiaire, passer l’aspirateur, toutes fonctions hautement régaliennes, il faut des fonctionnaires ! il se trouve même des députés qui trouvent ça tout à fait normal, tel monsieur Chassaigne, du 6-3, qui évoque «un statut qui fait qu’ils ne sont les obligés d’aucun lobby, les prisonniers d’aucun intérêt. Ils sont simplement au service de tous les députés et d’une neutralité politique totale» (ça m’évoque les eunuques des harems du calife, d’une opportune « neutralité totale » au milieu des pulpeuses propriétés du pacha). En somme, selon monsieur Chassaigne,

1) il n’y a jamais de fautes ou de fuites d’informations chez les fonctionnaires, c’est « par construction », et les infos croustillantes sorties par ci par là par le Coin-coin-Déchaîné ou Pédiamart sont sans doute issues des révélations de la Bonne Vierge à Fatima ;

2) tout salarié du secteur privé souffre hélas d’un manque congénital de conscience professionnelle, c’est aussi « par construction » : c’est moins cher, certes, mais on peut pas avoir confiance !

Bon, on verra ce que ça donnera ; mais il est archi-normal qu’une grosse boîte comme l’Assemblée (dans le privé, elle serait une ETI, une Entreprise de Taille Intermédiaire) s’interroge régulièrement et souvent sur ses effectifs, ses emplois, sa gestion des ressources humaines, sa mauvaise graisse et ses gisements d’économies ! Il y en a, j’en suis persuadé ! et les nombreux salariés du Palais Bourbon, au lieu de penser étroitement à faire grève pour la préservation de quelques menus avantages, devraient se sentir solidaires de cette démarche positive, que dis-je, d’excellence ! et qui permettra, acceptons-en l’augure, de porter plus haut le prestige de cette magnifique institution que le Monde nous envie.

Tibert