C’est pas parce qu’on a du mal avec sa page blanche que…

Un titre de film – un nanar – des années « porno » au début du septennat Giscard énonçait : « C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule« , citant une boutade d’Audiard. Dans la même veine, il y eut : « Je sais rien mais je dirai tout« , « Comment réussir quand on est con et pleurnichard« , etc. Ces titres à rallonge sur des scénarios improbables et farfelus tentaient d’attirer l’attention des  clients – mâles, essentiellement – partis se rincer massivement l’oeil : la loi de 1975 libérant le porno filmé avait quasiment asséché la veine du cinéma « normal ». Dans l’enthousiasme et l’ivresse des débuts juteux, les promoteurs de films de cul aimaient à orner leurs productions de titres ronflants et inventifs du genre « Avec quoi tu soulèves l’édredon ?« , « Couche-moi dans le sable et fais jaillir ton pétrole« , et il doit y en avoir d’autres. Façon de compenser l’indigence, la minceur des scénarios et la répétitivité de scènes stéréotypées, connues d’avance.

Eh oui, c’est pas parce qu’on a rien à dire etc etc… : un long titre permet de masquer l’indigence du sujet. C’est ainsi que j’avais prévu de vous entretenir de l’indigence des actualités telles que les chaînes de télé nous les fourguent ; à vrai dire c’est quasiment cuit ! si j’étais producteur de JT, de Journal Télévisé, je songerais sérieusement à me recycler. Toutes les infos sont déjà connues au moment où le présentateur vous les réchauffe sous le nez ! On est saturés d’informations, on a même pu les visionner sur son mobile, sa tablette, on en reçoit même si on n’en veut pas… bref, le JT, c’est mort, nonobstant les reporters cadrés en plan américain devant l’Elysée et les reportages sur le nouveau café-épicerie-boucherie qui fait revivre le centre de Bouzeuil-sur-Gartempe. Mais, vous vous en doutiez ? oui ? … c’est bien la peine que je me décarcasse à faire un billet, tiens… ah c’est pas comme sous Giscard, quand Poivre d’Arvor surgissait sur l’écran du 20 heures : il allait nous dire des trucs qu’on ne savait pas, il nous apportait des nouvelles ! fraîches ! c’était une autre époque, on achetait le journal…

Maintenant c’est tout du réchauffé. Tiens, l’autre jour, à propos de cinéma, justement, Mocky rendait l’âme ; trois secondes plus tard c’était diffusé, quasi en direct : J-P Mocky est mort ! J’ai toujours été – ça n’engage que moi – réfractaire au cinéma de Mocky ; évidemment on lui a servi la soupe à titre posthume, la télé nous gratifiés d’une de ses oeuvres,  « Le miraculé« … j’ai bien essayé, je confirme : c’est vulgaire, moche, outré, même Jeanne Moreau y est détestable, c’est dire. C’est pas parce qu’on veut flinguer la religion et les pélerinages à Lourdes qu’on est obligé de faire ça de manière aussi crasse. J’ai abandonné au bout de cinq minutes. On en regretterait presque des trucs comme « Coupe-toi les ongles et passe-moi le beurre » : au moins le titre était marrant, à défaut d’autre chose.

Tibert