La paille et la poutre, remake

Dans le Figaro – car Le Monde est d’une discrétion remarquable sur le sujet, quasiment le black-out – les  brillantes têtes chercheuses du Premier Ministre, alias France-Stratégie, têtes payées pour trouver de nouvelles recettes – pas des recettes de cuisine, non, des fiscales (*), après les bordées d’indignation étranglée sur leur proposition récurrente, lancinante, têtue, de taxer les propriétaires-occupants, ces brillants sujets, dis-je, répondent ! et dans le Figaro, là justement où ils se sont fait copieusement engueuler, envoyer aux Gémonies. Bref ils défendent leur thèse, et leur bifteck par la même occasion.

Et que disent-ils ? deux choses essentiellement :

  • que l’actuelle taxe foncière, qui fait payer les propriétaires, est une vieille chose tordue, fatiguée, injuste, à mettre à la benne : « … tant son calcul repose sur des valeurs cadastrales totalement obsolètes, puisqu’elles n’ont pas été actualisées depuis 1978, et qui conduisent à des injustices criantes... »
  • Que les « petits » propriétaires-occupants, si on mettait en place leur nouveau machin-à-taxer tout en supprimant cette bonne vieille taxe foncière, seraient gagnants… « Nombre de ménages propriétaires, non imposables ou faiblement imposables, ou en phase d’accession, paieraient non pas plus, mais moins d’impôt qu’aujourd’hui« .

Notez au passage que, sous-entendu mais chuuut, les autres ménages, eux, se feraient encore assaisonner un peu plus, comme si la coupe n’était pas déjà pleine ras la gueule.

Voilà… eh bien, résumons : la taxe foncière est une sombre merde, tout le monde le sait depuis des lustres, mais tout le monde s’en fout, « on » (« on » est un pauvre irresponsable, pardonnons-lui) continue donc depuis des lustres de nous ponctionner à l’aveuglette, sur des bases débiles, iniques… Mais qu’y faire ? hein ? c’est qu’on peut peu, au gouvernement, au ministère des Finances. Alors au lieu de la remettre sur de bonnes bases, de la réformer correctement, cette taxe, tiens, et vu qu’on n’en a pas le courage, si on en créait une autre ? allez hop.

Deuxio, et là c’est moi Tibert qui cause, ce n’est pas du second degré  : ce ne sont pas les contribuables qui ne payent pas assez, ils sont déjà imposés plus que largement trop (voir les niveaux d’imposition en Europe) :  c’est le gouvernement qui a un train de vie insupportable. Au lieu de chercher encore et encore à nous faire les fonds de poches, que ne regardent-ils, ces brillants France-Stratégiens, du côté de ceux qui dépensent NOS sous comme des incapables ou des négligents, comme des paniers percés –  pas percés pour tout le monde, eh eh. Les dépenses liées au fonctionnement de l’Etat, des parlementaires, de leurs sbires, sont une provocation quotidienne. Les effectifs des élus sont ridiculement élevés. Le train de vie des Régions, des Départements, est insolent. Le statut de travail et des retraites des agents de l’Etat est une insulte aux salariés « ordinaires ». Messieurs-dames de France-Stratégie, tournez donc la tête un chouïa, regardez du  côté où ça coince, du côté de là où ça yoyotte. Mais vous n’êtes peut-être pas payés pour ça ?

Tibert

(*) Diable, c’est qu’il faut trouver des sous, des sous encore et encore : l’effectif des fonctionnaires a encore augmenté de 7.000 clampins en 2015,  malgré tous les signaux au rouge, les mises en garde, les promesses de modération etc : la machine à fabriquer des fonctionnaires est incontrôlable.

Non, tu ne chanteras pas !

Et revoilà France-Stratégie, organisme voulu et créé aux petits oignons en 2013 par le gouvernement Ayrault, brillant aréopage – un aéroport, des aréopages – de penseurs pour la gauche, et donc à la botte dudit Premier Ministre, qui entre-temps a changé deux fois. La devise de France-Stratégie, c’est, je vous l’apprends sans doute, « Evaluer anticiper débattre proposer« ,  et nous citoyens de base constatons tous les jours combien les membres de France-Stratégie se cassent le baigneur à évaluer etc… et surtout à débattre ! pas avec nous, en tout cas.

F-S (appelons ce prestigieux et indispensable organisme F-S, ça ira plus vite) se fait un devoir de sortir de sa discrète torpeur chaque fois qu’il vient un nouveau Premier Ministre : on les voit agiter les bras, faire coucou c’est nous on est là ! c’est qu’il faut justifier de son boulot, de son utilité, de ses menus émoluments. Et donc voilà derechef F-S qui fait son intéressant pour monsieur Cazeneuve, le nouveau Chef en Chef de Matignon. Et de nous / lui ressortir sa plus belle proposition, et populaire avec ça : instituer une (encore une !) taxe pour que les salauds de propriétaires-occupants payent, rendent gorge : la taxe de « loyer fictif ». Car ils trichent, les propriétaires-occupants, ils échappent au loyer, c’est anti-égalitaire. Tenez, au temps béni de l’Allemagne de l’Est, tout le monde là-bas était locataire, et ça fonctionnait nickel sous l’oeil bienveillant d’Ulbricht puis de Honecker, et accessoirement de la Stasi.  Donc, nous re-re-dit F-S, il faut assaisonner ces mauvais Français qui ont économisé et investi pour n’avoir pas, une fois retraités, à raquer tous les mois des sommes possiblement plus à leur portée, et puis pour pouvoir faire égoïstement comme chez eux, peindre les portes en jaune canari et percer des trous dans les murs si ça leur chante et là où ça leur chante.

Et ils montrent l’exemple, à F-S : tenez, sont-ils propriétaires de leur lieu de travail, modeste hôtel particulier situé par hasard dans le quartier des ministères, à Paris, et non pas à Pontault-Combault, cité des Pinsons ? ben non, ils sont locataires, eux, de l’Hôtel de Vogüé, 3.374 petits mètres carrés de planchers, oui, ils sont en location, et ils s’en portent très bien.

Reste au Cazeneuve à pousser hâtivement en coulisses – mais ils vont pas la fermer, oui ! – ces pourrisseurs d’ambiance, avec interdiction d’en sortir et de l’ouvrir ; avec leurs gros sabots et des propositions résolument enthousiasmantes à foutre la m… le feu, ils plomberaient encore un peu plus les chances des sortants, déjà que c’est pas la joie, pour rester dans l’euphémisme.

Enfin, c’est juste pour les cinq mois qui restent… ensuite, voir un de mes précédents billets : « Vous auriez pas un strapontin pour moi ?« 

Tibert