De la délictuosité du non-amour

Je ne vous aime pas ? c’est inadmissible, et passible de sanction pénale – exécutoire s’il y a de la place en taule, bien évidemment. Ou à la rigueur un bracelet électronique…

Oui, je vous écris ça, car je m’interroge, avec la présidentE d’Act-Up (prononcez Akt’heupe, c’est du simili-Rosbif), sur la propriété de la définition de  « homophobe« . A qui appartient la définition de ce terme ? notez au passage que tous les adjectifs sont féminisés chez Act-Up, les « militantEs » etc. Après tout, le langage est à la disposition de tout le monde, si ça les satisfait comme ça, va pour la fémininE dominantE, il suffit de se mettre s’accord.

Notez que je suis d’accord également sur une partie du message, cité ci-dessus, de la présidentE d’Act-Up, visant à dénoncer les violences anti-homos. Que ce soit en Russie, au Gloubotiskan ou en France, les homos (LGBT si ça vous fait plaisir, voir ce terme dans le Littré) ont droit à vivre en paix et à ce qu’on la leur foute, la paix ; c’est un droit élémentaire. A condition qu’ils ne se fourvoient pas dans des actions délictueuses, réactionnairophobes ou hétérophobes, évidemment. Et, notez le bien, tartiner de sang les locaux d’une association légalement déclarée, c’est délictueux.

Mais  – un billet sans « mais » ce serait un baiser sans moustache – je diverge, là, sur cette phrase : « La définition de l’homophobie n’est pas à la disposition des réactionnaires: elle continue à désigner l’ensemble des violences, discriminations, stigmatisations qui frappent les LGBT « .  D’abord, qu’est-ce qu’un réactionnaire ? mot qui fleure bon la glose PCF des années 50-60, le discours Georges-Marchaisien, « les réactionnaires de tout poil« , « les forces progressistes« , etc. Un réactionnaire ? c’est sans doute quelqu’un qui n’aime pas Act-Up. Et donc, à qui appartient la définition d’homophobie ? pas à Act-Up, pas aux réactionnaires, mais à la langue française. « Phobie » c’est le rejet, la répulsion (*). Supposez que je déteste la musique de Richard Wagner : je suis alors, pour faire court, Wagnerophobe – et alors ? pour autant que je n’aille pas mettre le feu au FestSpielHaus de Bayreuth, c’est mon droit le plus strict.

Il est en effet licite, dans notre beau pays, de penser : les pensées homophobe, Wagnerophobe, etc, ne sont pas punies par la Loi, c’est techniquement infaisable – et si vous saviez à quel point mes pensées sont coupables ! On a aussi – théoriquement – le droit de dire, mais sans « stigmatiser ». Je le dis donc, et même, tiens, je l’écris : la musique de Wagner est pompeuse, lourdingue, grossière. Et c’est mon droit de l’écrire, non mais. En revanche, si j’appellais à saccager le FestSpielHaus au nom de ma Wagnerophobie, ce serait délictueux, ce serait une incitation au délit, et, en termes à la mode, de la stigmatisation – référence cocasse à la Passion du Christ, les militantEs d’Act-Up étant peu suspectEs de piété christique.

Bon, résumons-nous : il y en a qui ne vous aiment pas, et cela vous chagrine, ou, pire, vous fâche ? il faut donc tâcher de vous faire aimer, si vous y tenez, de vous rendre aimables. A défaut, et pour autant qu’on vous laisse vivre légitimement en paix, faites-vous une raison. On ne peut pas forcer à aimer, ça deviendrait totalitaire, voire louche.

Tibert

(*) terme utilisé de manière généralement péjorative, mais la racine grecque ne l’exprime pas.

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