Ateliers Nationaux, le retour

A quel âge faut-il cesser de travailler ? Vaste sujet. Question de vocabulaire d’abord : « travail » est sinistre – instrument de torture, déprime du lundi… parlons donc d’activité.

On ne devrait jamais « partir en retraite » d’activité, retraite de Russie-Cigale-Galbé-Bérézina. Ceux qui ont la chance de faire de leur passion leur activité (leur travail) ne me contrediront pas – et surtout s’ils sont morts : à 80 balais, Picasso peignait, Tazieff arpentait les volcans, Béjart réglait des ballets. Et ça ne leur pesait pas. Sans doute nos hommes politiques (j’emploie « hommes », mesdames, et vous en faites partie) ont-ils la même conception de leur activité, au vu de leur répugnance à raccrocher !

Mais venons-en aux faits : on avance, dans les milieux bien informés, que le bouchon serait poussé très bientôt à 41 annuités de boulot. Fort bien, allongement de la durée de vie, baisse des effectifs cotisants… admettons.

Sauf que ça ne fonctionne pas. J’ai déjà glosé sur le sujet, et je parle en connaissance de cause : les boîtes ne veulent pas des vieux – sauf les vieux qui dirigent les boîtes, bien entendu, ne scions pas la branche sur laquelle, etc.

Cette attitude assez infecte de considérer comme poubellisable le salarié vieillissant fait partie de l’air ambiant, c’est « tendance » de manière persistante, et ça ne changera pas en trois mois. Deux possibilités s’offrent donc à nous :

– soit on botte le cul des vieux PDG anti-vieux, des DRH jeunistes, et la Loi les contraint (les incite, pour parler correct) à ne plus empiler les « séniors » (on dit sénior, c’est du latin, c’est indolore) dans les charrettes à licencier ou à placardiser.
– soit le gouvernement se donne les moyens d’utiliser les vieux jusqu’à ce qu’ils aient atteint les 41 annuités fatidiques : regroupons les vieux pour les occuper à des tâches d’intérêt général ; ça c’est une idée qu’elle est bonne ! d’ailleurs ça s’est déjà fait.

Ne citons pas les camps de concentration, car justement on s’y débarrassait des vieux au préalable, avec les bouches inutiles pour faire bonne mesure, gosses, malades… c’est d’ailleurs peut-être depuis les camps de concentration qu’est restée cette manie détestable qui perdure aujourd’hui, d’éliminer les vieux.

Non, citons plutôt les Ateliers Nationaux de 1848, grâce auxquels les Parigots peuvent aujourd’hui arpenter la gare St Lazare (pour Montparnasse, c’est râpé, on lui a fait la peau depuis). C’est une noble cause nationale qui devrait nous mobiliser : je vois d’ici les affiches du style « Mon vieux, oncle Sarko (pointant l’index) a besoin de toi », ou « Vieux, rejoins les Chantiers 3ème âge du Président ! », ou encore dans le style « Grand Bond en Avant », forêt de drapeaux au vent, cannes et déambulateurs.

Reste à trouver des chantiers : oh ça, ça manque pas ! Tiens, depuis qu’on parle de boucher le trou de la Sécu, il y aurait assez de bras pour ça. Et en cas de panne de chantiers, on pourrait les occuper à monter au cocotier.

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