Quand ça matche ça locke

Vous avez un smartphone, ou un « ordifone », bref un téléphone évolué, et celui-ci, en toute discrétion, indique au monde entier que vous êtes là, parce que vous le valez bien et que vous avez coché la case « géolocalisation ». Vous êtes là ! exactement là, à 15 mètres près (49 pieds et 2 sixièmes, environ, si vous chaussez du 39). Braves gens, je suis là, sachez-le !

Eh bien, Tinder va vous permettre de trouver l’âme frère/ soeur, ou le bon coup (à tirer), selon votre état d’esprit. Au lieu de regarder autour de vous, découvrir des visages, des attitudes, des sourires ou des gueules de nazes, Tinder vous permet de rester obstinément les yeux rivés sur votre sfartmone, votre fartsmone, votre machin là dans la main que vous manipulez compulsivement et qui ne vous quitte plus. Tinder : vous likez ? (liker, prononcez « laïquer », verbe du premier groupe, sinon ce serait trop compliqué, t’imagines, laïquir, laïquoir…). Si vous appréciez, si il / elle vous plaît et réciproquement, vous allez matcher ! en français, ça colle entre vous, mais la colle c’est assez désagréable, alors on matche. Et Tinder vous l’annonce en musique : « « It’s match ! Vous et Chloé (*) avez indiqué que vous vous plaisez. » Et, ça c’est top, c’est trop cool, Chloé est aussi dans votre zone de géolocalisation – tiens si ça se trouve, c’est la meuf en face de vous sur le banc, là,  qui manipule compulsivement son sfortmane, les yeux rivés sur l’écran de l’engin. C’est plus de la rencontre, c’est du match ! On devrait réécrire le scénar obsolète et cu-cul de « Brève rencontre » (sur un quai de gare anglais le soir dans les fumées des locos à vapeur et les années 40) avec des mortsfanes et Tinder, on l’intitulerait « Short dating« , on y mettrait du cul, évidemment… bon, ça serait moins romantique.

Ah, j’oubliais : si ça colle, oh pardon si ça matche assez longuement entre Chloé et vous, allez donc tous deux alourdir pieusement – c’est ridicule et vous le savez – les grilles de parapet du pont des Arts à Paris (pas le pont Georges-Pompidou à Bruyères-les-Gonesse, attention !) d’un « cadenas d’amour », alias un love lock : la grille  cédera sous le poids cumulé de la stupidité moutonnière, qui sait, mais vous vous en foutrez, c’est la mairie qui répare et qui paye. Le cadenas d’amour : tout un symbole, deux êtres ficelés ensemble, nolens volens, les yeux rivés sur leurs sfartnomes respectifs, à la recherche, qui sait, d’un éventuel autre Tinder-match.

Tibert

(*) Pour des raisons de sécurité, Morgane a été ici rebaptisée d’un prénom fictif.

PS – Je vous le livre comme ç’est venu : un beau titre du « Parisien » du jour, qui n’a aucun sens, d’ailleurs – « Disparition de Julia : la gendarmerie exclue l’hypothèse de la fugue« . La gendarmerie est exclue !!  on n’exclut aucune hypothèse.

( Quelques heures plus tard… la fôte d’ortografe a été corrigée : « la gendarmerie exclut… ». Merci Le Parisien ! )