Fantasmes, doxa et « sentiment de… »

J’ai lu hier avec intérêt un « décodage » des « Décodeurs » du Monde, décodage qui a suscité une avalanche de commentaires des lecteurs – plus de 260 au dernier compteur, sachant que moult réactions ont été censurées. Le titre : « Islam et « agressions vestimentaires« , le grand emballement des faits divers ».
En gros, les fins analystes du Monde décortiquent les derniers évènements relatifs à de supposées agressions motivées par des tenues féminines jugées choquantes – aux yeux de certains musulmans, selon la rumeur publique. Ils expliquent, démonstrations à l’appui, que l’on se monte à tort le bourrichon pour des histoires qui ne relèvent pas de l’intolérance religieuse ni de pression idéologique. Au coin d’une phrase, on tombe ainsi sur un « très probablement… » : c’est imparable, « très probablement », c’est la preuve par A + B.
Intolérance islamiste , donc ? meuuhh non, nous explique une femme victime d’agression, « Un premier jeune nous a mal parlé et puis les choses ont rapidement dégénéré…« . Comment a-t’il mal parlé, qu’a-t-il dit, ce « jeune » (terme consacré) pour que les choses dégénèrent ? a-t-il sifflé impoliment ? les a-t-il traitées de radasses ? on ne le saura pas, mais c’est « très probablement »  tout autre chose que ce que la presse mal embouchée a relayé… un mauvais regard, des mots déplacés, quoi….

Voilà : avec les Décodeurs ça décode, mais dans le « bon » sens, celui de la Bonne Pensée, dont participe activement  Le Monde. A contrario, je pense à cette copine enseignante qui, en 1972, comme ses collègues femmes, avait demandé une dérogation pour pouvoir travailler en pantalon – jupe ou robe étaient alors obligatoires, eh oui mesdames, c’était machiste et sexiste, indéniablement  –  tandis que de nos jours les consignes de l’Educ’Nat on viré de 180 degrés : pudeur pudeur, rien qui puisse choquer, rien que des pantalons ! Par quel cheminement lâche en sommes-nous venus à cette inversion des interdits ? Tenez, revoyez ce film polémique, intitulé « la journée de la jupe » : Adjani-prof de lettres y mourait malencontreusement, ayant vainement réclamé sa Journée, allez, pouvoir mettre une jupe, rien qu’un jour par an – en souvenir du bon vieux temps.

Tibert