Cool, les mecs !

Tenez : ils sont comme ça tous les jours, frénétiques.

C’est normal : c’est le casino, la roulette, le black-jack et le loto réunis. On nous dit par exemple : « la société de bourse Waddel (…) a passé un ordre de ventes de 75.000 contrats «e-mini». Que sont-ils ? Des contrats à terme très liquides qui permettent aux investisseurs de gérer leur exposition à l’indice Standard & Poor’s 500. Autrement dit, cette société a massivement parié sur la baisse de l’indice. » La roulette et le loto, en beaucoup plus gros : avec des trucs comme ça, la bourse de New-York a brièvement chuté de 9 % , soit plus de 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Pfffft, en fumée- enfumés.

Ils vont nous péter une durite, ces gars-là, à s’agiter comme ça… du calme, du calme….

Bref, comme chantait Vian : « Y a quèqu’ chose qui cloche là-dedans« .

Tibert

Comportement quelque peu perturbé
Comportement quelque peu perturbé

Ode au bouclier

Yahoo-France me le disait hier, Libé-ration aujourd’hui : les attaques contre le bouclier fiscal fusent de partout, à gauche évidemment – faisons payer les riches ; quand il n’y en aura plus on avisera – qu’à droite, car c’est un thème récurrent d’attaques de la part de la gauche, et puis c’est impopulaire ! et difficile à expliquer.

L’idée de faire plutôt payer les riches que les pauvres tombe sous le sens : paye celui qui peut ! le seul ennui dans cette approche, c’est qu’il faut éviter de tuer la « poule aux oeufs d’or ». A trop ponctionner on épuise le filon, tout comme les chalutiers industriels épuisent le cabillaud – la morue fraîche, pour faire branché – en Mer du Nord. Et la métaphore du cabillaud montre ici ses limites : si le chalutier peut pousser ses recherches de plus en plus loin, quitte à désertifier les océans, le fisc français, lui, ne peut guère aller draguer à l’extérieur de l’hexagone, sauf exception.

En fait la limite de harcèlement du riche est facile à définir, suivant deux catégories : le riche mais néanmoins patriote, et le riche tout court… sachant que le riche patriote peut se découvrir moins patriote qu’on ne le pensait ou qu’il le pensait, si on l’emmerde trop. Mais en principe, le riche patriote en supporte beaucoup, surtout s’il est vraiment très riche. Il en supporte d’autant plus que s’il se démerde bien, il n’a officiellement pas grand-chose, le gros de ses avoirs est ailleurs, ou dans des sociétés à tiroirs, ou à des prête-noms : on l’a deviné, il peut se payer de bons conseillers fiscaux.

Le riche tout court, lui, n’est pas plus patriote que ça ; payer ses impôts en France ne le fait pas rêver, saliver, bander. Etant là où il est, et sachant que tout changement de lieu de vie représente un effort conséquent, des dépenses, des soucis, des sacrifices, des arbitrages parfois difficiles, il reste… il reste si on ne le ponctionne pas au delà d’un certain seuil. Quel seuil ? variable, selon l’épaisseur du cuir, du portefeuille, et le tempérament. Mais en gros, si le harcèlement fiscal lui donne plus de boutons que d’aller s’installer à Lausanne, Bruxelles ou Montreal, il déménage. A sa place, vous en feriez autant. Ah ? justement, vous n’êtes pas à sa place ? et ça vous dirait ?

Bon, un peu de psychologie, rassurons-les, ces pauvres riches craintifs : riche, soyez patriote ! préférez le fisc national ! jetez votre bouclier, il ne vous sera fait aucun mal.

Tibert

Pas belle, Babel

Extrait d’un article relevé ce matin trèèèèès tôt, donc frais pondu, dans la page-titre de Boursorama :

« Des pirates somaliens (…) se sont emparés d’un chimiquier allemand (…). Un porte-parole de l’opération EU NAVFOR-Atalante, a précisé que l’équipage du « Marida Marguerite »était composé de 19 Indiens, deux Bangladais et un Ukrainien (…). Le bateau en route pour la Belgique était parti d’Inde. »

C’est pas la mondialisation, mais ça y ressemble fichtrement ! Bon, alors, interro écrite : quelle est la nationalité du capitaine du bateau ? – réponse : ukrainien, fastoche. Par ailleurs, l’histoire ne précise pas où est immatriculé ce chimiquier, et moi je m’en vas vous l’écrire : selon le site Marinetraffic, ce « chimiquier allemand » (sic) n’est pas allemand du tout, il est immatriculé aux Iles Marshall. Il est marshallien, ce bateau. Et toc.

Et où sont-ce, les Iles Marshall ? en Micronésie (vachement loin de l’Allemagne), superficie 180 km2 au total, une poussière d’îles, capitale Majuro, bref reportez-vous à votre Wikipedia favori. Minuscule état doté d’une putain de flotte de commerce que je ne vous dis pas. C’est bien simple, il doit y avoir un bateau (cargo, chimiquier, bananier, minéralier, pétrolier, porte-containers…) par habitant. Je sais pas à quoi ils jouent avec ça, mais moi je vous le dis : c’est louche. Pas étonnant que les pirates somaliens s’y soient intéressés.

Reste à savoir combien il y a de pakistanais, maliens, cap-verdiens… parmi les pirates somaliens, dont la barcasse serait, paraît-il, immatriculée à Panama.

Tibert

Si tu n'es pas sage, Moodys sera très très méchant

On découvre de plus en plus clairement le dessous des cartes du « jeu » planétaire (façon de parler, c’est de nos moyens d’existence qu’il est question) qui se déroule ces jours-ci autour de la zone Euro.

Bon, ce n’est un secret pour personne, les Britanniques-nique-nique seraient ravis de faire un croche-pied fatal à l’Euro, de même que les Etats-Uniens : cette monnaie trublionne les emmerde. Donc on tractionne, chez les « anglo-saxons », et vigoureusement, dans ce sens. Et, coup de bol, il y a les agences de notation : toutes Etats-Uniennes, impeccable, non ? (*)  bref, Standards & Poor, Fitch, Moodys : toutes à Wall Street, appliquées – impartialement, vous pensez bien ! – à noter fort sérieusement les performances des entreprises, dont les Etats ! car les Etats, ce sont des entreprises, eh oui, ni plus ni moins. Donc, les agences de notations s’activent à dire et écrire beaucoup de mal  des Euros-péens. Que les USA soient endettés jusqu’aux racines des cheveux ne leur fait pas broncher un cil, mais les Européens, alors, les Européens, aïe aïe aïe !

Très sérieuses, d’ailleurs, les agences de notation, impeccables : la veille de la faillite en beauté de Lehman Brothers, cette banque était notée AAA+ : solvable de chez Solvable, ma brave dame !! les yeux fermés, pouvez y aller en confiance.

Bref, le Figues-haro de ce matin nous régale d’un « Moodys menace de dégrader la note de la dette du Portugal« . Vous vous rendez compte ? comme un vulgaire épicier de quartier qui se ferait rabrouer par son expert comptable. Pire, on pourrait voir ici dans ce « Moodys menace… » l’esquisse, la suggestion d’une manoeuvre qui pourrait, si l’on poussait quelque peu le trait – je prends des pincettes, hein ! – ressembler à un chantage. Combien faudrait-t-il que le Portugal crache au bassinet des bonnes oeuvres de Moodys pour éviter la dégradation de la note ? hein ? ça ne se règlerait pas avec une bonne bouteille de Porto ou quelques paquets d’Azulejos.

Tibert

(*) On peut d’ailleurs se demander pourquoi il n’existe pas d’agence de notation européenne ?? c’est dans les gênes anglo-saxons ? ça fait partie des accords de Bretton-Woods ? c’est interdit aux Latins ?

Jamais le dimanche !

Vous vous souvenez ? « … na na na na na na les enfants du Pirée« , la rengaine, Nana Mouskouri – ah non, c’était Melina Mercouri et la danse, et l’ouzo à flots (pas à flot, à flots) : « Jamais le dimanche« , 1960, de Jules Dassin, LE film grec d’avant Angelopoulos. Un tel tabac, ce film, et cette musique de film, que la serinette, ressassée ad nauseam à la radio, avait suscité un pastiche dont je me souviens encore :

« Je vous confesse / Que j’en ai plein les fesses / D’entendr’ chanter sans cesse /Les enfants du Pirée ».

Bon, pourquoi vous conté-je ça ? eh bien, camarades et amis, c’est que le plan d’aide à la Grèce, la planche de salut et à billets pour Athènes, ça c’est passé un dimanche (et allez, en musique : « ça s’est passé un dimanche / Un dimanche au bord de l’eau…« ), dimanche dernier exactement. On sait que dans le scénario du film dont au sujet de quoi que je vous cause, la dénommée Ilya, alias Melina Mercouri, la pute grecque et piréenne, ne recevait pas de michetons le dimanche, ce jour étant réservé aux amis. Eh voilà donc que l’Histoire bégaye ; ayant fait monter ses clients de la semaine – Goldman Sachs etc… – Ilya consacre son dimanche et ses faveurs aux amis de l’Eurogroupe, et notamment à la fougueuse et rebelle Angela et au très frétillant Nicolas.

Bon, passons… une deuxième raison d’intituler ce billet « Jamais le dimanche » : fuyez, mes amis, fuyez, c’est un amer retour d’expérience, les restos du dimanche. Salles endimanchées, et pour cause ! sacs à mains et cravates, bambins qui s’ennuient et folâtrent entre les tables, service interminable, malbouffe et additions salées, après-midi pâteux garantis. Le restaurant comme une fête dominicale, c’est une erreur historique ! tiens, si vous n’avez pas envie de cuisiner le dimanche :allô-pizzaïolo, allô sushis-chéris, un jambon-beurre-cornichon sur un demi de Kro au zinc du coin, mais PAS le resto LE DIMANCHE !

Tibert

Matheux, tumeurs, aussi

J’ai lu hier dans ma presse-papier – une fois n’étant pas coutume, je lisais la presse-papier, et savez-vous pourquoi ?  si vous le savez, dites-le à ceux qui l’ignorent – que le dénommé Guedj, Denis, venait de mourir. Libé-ration, notamment, du fait que Guedj, Denis, a écrit dans ses colonnes, a tartiné un article amical et révérent, mais s’est tu sur la cause de l’arrêt de vie. Pas de ces formules « longue et cruelle maladie » etc… On pouvait même entrapercevoir l’hypothèse d’une fin volontaire, mais bon, laissons à Denis G. le secret de sa mort : la mort, c’est personnel, ça ne se délègue pas. Ce que nous savons, en revanche, c’est qu’il était Pied-Noir, natif de Sétif, en Algérie, mathématicien, vulgarisateur, écrivain.

Bon et alors ? un billet pour Denis G. ? eh oui. Zut quoi, on écrit bien des tas de  billets tous plus ineptes, plus inutiles les uns que les autres, sur des individus inintéressants, voire méprisables. Alors écrivons-le : je regrette le départ de Denis Guedj, parce que j’ai aimé ses bouquins, parce que j’estimais le personnage, parce que c’était un matheux, trois bonnes raisons pour tirer mon chapeau au passage du convoi mortuaire.

Je suis heureux qu’il ait vécu assez longtemps pour voir résoudre deux des conjectures les plus coriaces, celle de Poincaré en topologie (merci monsieur Perelman), et celle de Fermat en théorie des nombres (merci à messieurs Taniyama, Shimura, Gallois, Frey, Ribet et Wiles). Bon, il reste encore la conjecture de Rieman et celle de Goldbach, mais hein, Guedj ne jouait pas dans la cour de ceux qui auraient pu s’y attaquer, mais il aimait les maths, il aimait les faire aimer, et avec talent.

Les yeux aux points cycliques… bon vent dans l’hyperespace, monsieur Guedj. On vous regrettera.

Tibert

Lassitude linguée

Las (adjectif) –> lassitude (substantif associé : état de celui qui est las).

Lisse (adjectif) : ??? rien. La lissitude ? non merci maâme Ségolène, on a déjà ricané sur votre bravitude. Mais si la surface rugueuse du bloc à poncer (« je ponce, donc je suis »… probablement en train de bricoler) permet de parler de rugosité, à l’inverse, une peau lisse ne suscite aucun substantif – de l’émotion, peut-être, oui. De même que l’obtus, le timoré, le glabre, le privé… et bien d’autres.

Et donc, par ce clair matin de pluie, je suis obligé, désirant vous entretenir de ce que je perçois du mur lisse, laqué de vert pâle et qui me fait face, de vous tourner une phrase à propos du « caractère lisse » de ce mur. Tandis que si ce p… de mur avait été rugueux, j’aurais pu vous régaler d’un « Je contemplais benoîtement la rugosité du mur vert qui me faisait face, songeant que s’il avait été lisse, je n’aurais pas été obligé de le poncer ». Voilà ce que j’en pense, moi, de ce mur, et je m’en tiendrai là, car je suis las du lisse.

Tibert

Montre suggestive

Vous n’êtes pas sans savoir que les Québecois, plus francophones que les Français – pas partout, « sipper » et « peanut » en font foi – disent salle de montre quand nous, lâchement, y allons d’un infect showroom. La montre… la vitrine, la mise en spectacle.

Bon, ce pré en bulles pour vous mettre en situation d’apprécier la forme canonique de l’euphémisme : je l’ai rencontrée, la forme canonique – bonjour madaaâme – ce matin en lisant chez Boursorama : « Des courriels suggèrent que Goldman-Sachs s’est enrichie sur l’effondrement du marché immobilier« .

Euphémisme, « suggère« , oh combien ! car immédiatement après, on lit :  » Des courriers électroniques publiés ce week-end montrent que les dirigeants de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs ont gagné beaucoup d’argent en misant sur l’effondrement du marché de l’immobilier aux Etats-Unis en 2007 « .

Montrent, ou suggèrent ? quand le PDG écrit en substance que sa boîte recommande et vend à ses clients des produits pourris, produits sur l’effondrement desquels elle a misé gros… que cela suggère-t-il ? que Goldman Sachs illustre ici, mais sans aucun humour, la célèbre blague « Comment dit-on « je t’enc… » en langage de banquier ? – Fais-moi confiance !!  »

Tibert

Faisons court

– « Elle le regardait très droit dans les yeux, sans ciller, une fine rosée scintillant sur sa lèvre supérieure, du même air à la fois narquois et interrogatif qu’elle présentait ce soir de mi-septembre où, les jeux de croquet et les parasols, les ballons et les seaux à sable une fois remisés dans l’obscurité poussiéreuse de l’appentis au fond du jardin, dans la douceur lasse et apaisée de cette fin d’été sereine et tiède, ils s’étaient laissés aller à des considérations innocemment oiseuses mais non dénuées de sous-entendus pleins d’espoir, sans doute aussi – il ne parvenait pas à s’en souvenir avec assez de précision, mais il eût juré qu’une mélodie de Gabriel Fauré, ourlée du contrechant sourd d ‘un piano feutré s’y surimprimait  délicatement, comme consubstantielle à la senteur lourde des rhododendrons qui tapissaient l’arrière-plan de la pièce d’eau, déjà visuellement fondue dans la lente tombée du soir – sous l’emprise d’une légère ébriété bienfaisante et euphorique, due à l’application avec laquelle il s’était adroitement mis en devoir de la faire boire plus que d’accoutumée, passant et repassant, le pichet d’orangeade chargée de glaçons et sournoisement alcoolisée à la main, lui proposant d’un ton tantôt badin, tantôt désinvolte, de lui remplir sa coupe, qu’elle tournait ensuite pensivement entre ses doigts fins et nerveux avant de la porter mécaniquement à ses lèvres peintes, imprimant d’un rouge carmin les bords du verre taillé, songeant secrètement qu’elle eût volontiers donné  libre cours aux tumultes de son émoi, à cette lourde et profonde houle qui lui enserrait le coeur et gonflait les paupières, comme la pluie enfle les nuages avant le bienfaisant déchirement de la première ondée, mais prête à feindre la surprise outrée – surprise qu’elle savait si bien jouer, l’ayant apprise de l’observation muette mais admirative de sa mère, toujours prompte à feindre l’indignation quand quelque compliment adroitement tourné aurait dû lui arracher un sourire bienveillant et complice – si, comme elle l’espérait avec force, Antoine, lui présentant son bras, la sollicitait pour prolonger cette fin d’après-midi quiète par quelque promenade vespérale dans le bosquet qui jouxtait la pièce d’eau ».

– Bon, alors, y baisent, ou quoi  ?

C'est un petit, petit nom charmant

On l’appelle par son petit nom, Eyjafjöll, mais en réalite c’est : Eyjafjallajokull !

… à vos souhaits. Il emm…poisonne l’air et la vie de plein de gens, presque autant que les CGTistes et les SUDistes de la SNCF. Mais lui n’a pas de conscience politique, ne fait pas sa gré-grève rituelle pour coïncider pile-poil avec les retours des vacances de Pâques : non, lui ce n’est  pas pour faire ch… le client qui s’imagine naïvement pouvoir prendre le train, c’est parce que, parce que… il a le tempérament volcanique, que voulez-vous, faut que ça sorte. On attendra donc, à l’hôtel, dans les halls des aéroports, chez l’habitant, que Eyjafjöll se calme.

Tiens, autre chose, plus littéraire – quoique… on a trouvé une photo d’Arthur, LE Rimbaud, les « semelles de vent », tout ça, en moustachu à cheveux courts, comme absent, les yeux sur la ligne bleue des Ardennes, installé comme de bien entendu à une table de bistrot, au milieu de pékins anonymes, et c’était à l’hôtel MachinTruc, à Aden (Arabie). Pauvre Arthur, bateau ivre échoué sur le sable du commerce de flingues, plume muette et passé passé par pertes et profits. Et vous savez quoi ? cette photo médiocre, granuleuse, floue, m’émeut, beaucoup.

Par délicatesse / J’ai perdu ma vie / Ah que le temps vienne / Où les coeurs s’éprennent !

pcc : Arthur R.