Funeste et crade République

La statue de la République, à Paris, au débouché de l’avenue du même nom et au centre de la place éponyme (ou l’inverse ?) à Paris : vous voyez ? une majestueuse femme de bronze, drapée dans de savants plis romains ou grecs. Tout un symbole : la démocratie, tout ça. Mais dégueulasse, la statue de la République, monument maculé de tags et affiches sauvages diverses, érigé au milieu d’un dallage récent qui a coûté la peau des fesses mais déjà constellé de mégots, de tags et de gommes à mâcher recrachées, bien collantes et fort difficiles à enlever. Bref, pas belle, la République.

A la « Technoparade » (110 décibels au bas mot près des chars à « musique » (boum-boum-boum, faisant vibrer les viscères, tampons d’oreilles sérieux impératifs), c’était la fête. Bière, boissons diverses et foule. On hurlait pour se faire entendre, forcément. Un jeune malin et sportif a escaladé, c’était rigolo, la statue de la République. Son quart-d’heure de gloire façon Andy Warhol. Et la foule des spectateurs de hurler, là-dessous. Ouais, ouais, allez monte !

Monté assez haut déjà – la statue culmine à 25 mètres au dessus du niveau de la dalle, tout de même, soit environ 7 étages – le gars a semblé mollir, il a fait la pause… c’est lisse, ça glisse, le bronze poli. Et après il faut redescendre, c’est souvent là que c’est le plus dur. Bref il pouvait redescendre, ça aurait dû suffire comme ça. D’ailleurs des gens suffisamment lucides lui gueulaient de descendre, « fais pas le con », etc. Mais va comprendre ce qui se beugle 18 mètres en dessous, avec le boum-boum-boum environnant… et puis d’autres, ah super c’est trop cool, lui hurlaient qu’il était pas cap’, allez si t’as des couilles, monte allez va-y quoi, etc etc… et il a voulu montrer que, oui, il en avait. Mais elles n’allaient pas lui servir plus longtemps, bien que parfaitement fonctionnelles dans sa jeunesse pleine de promesses : il a glissé… un mort à la Technoparade de Paris 2015. Plus, mais c’est accessoire, quelques milliers de bitures, surdités en rapide progrès, et orteils écrasés. Remarquez, ça aurait pu être pire, et ma foi si l’un de ceux qui gueulaient « allez vas-y monte » l’avait pris lui et ses soixante-dix kilos sur le coin de la margoulette il y aurait eu une sorte de justice.

Un récent ex-président de la République aurait aussi sec proposé une loi interdisant l’escalade de la statue de la République sans équipements de sécurité. Pas vraiment efficace, au pays où les lois foisonnent mais n’engagent à rien. Ne faudrait-il pas, plus généralement, proposer une loi interdisant à la jeunesse de se tuer avant d’avoir suffisamment vécu ?

Tibert