Délices et brevets oubliés

En l’absence de tout commentaire sur mon dernier billet « De la propriété des mots », et ayant eu à gamberger abondamment au cours d’une de mes insomnies fréquentes et nocturnes aux alentours de 3 heures du mat’, je me suis avisé que j’avais à tort, tout en prenant bonne note de la pétition de propriété lexicale, sémantique et historique des termes « lynché », « lynchés », « lynchée » et « lynchées » – mais pas du terme « lynchage » –  par une active et vindicative militante afro-féministe (*), virgule, employé l’expression « roué de coups » !

Que n’ai-je pas écrit là ! mea culpa, donc. J’explique : le supplice de la roue, qui remonte à la nuit des temps, c’est à dire probablement à l’invention de la roue, a donné le terme « roué ». Roué de coups se dit de celui qui, ficelé en croix sur une roue, a reçu les coups du bourreau, en général à l’aide d’une barre de fer. Coups mortels à coup (sic) sûr mais – tout le sel de la chose est là – à plus ou moins longue échéance (quelques heures à deux-trois jours), consistant à briser menu les membres et causer des lésions et hémorragies internes. Ceci, sur des mâles exclusivement, du moins en France, où l’on jugeait la position du supplicié, fi donc ! indécente pour les femmes. Et ce jusqu’à la fin du 18ème siècle, c’est-à-dire que la roue et le lynchage ont été largement contemporains !

On s’avisera donc, afin d’éviter de froisser l’AMSR, « Amicale Mémorielle des Suppliciés de la Roue », de s’abstenir d’employer le terme « roué », qui appartient à ce douloureux chapitre de l’Humanité : ce serait offenser la mémoire de ceux qui, gnagnagna…

Tibert

PS – Tentant une fois de plus de trouver hier l’introuvable vaccin anti-grippe 2020 (j’ai pourtant mon bon d’octroi prioritaire, juste « ein stuckpapier »), j’espérais que le déblocage de 1,2 million de doses du stock stratégique gouvernemental inonderait enfin les pharmacies. Que nenni ! Dialogue avec une pharmacienne :

La potarde : "C'est réservé d'abord aux pensionnaires des EHPAD"
Moi : "Ah bon ? ils n'ont pas encore été vaccinés ?
Elle : "Eh non !"
Moi : "C'est n'importe quoi !"
Elle " : "En effet !"

Chouette, non ? ça laisse bien augurer du prochain et complexe processus de vaccination à 5 étages.

(*) Supposez qu’elle soit écologiste, ça donne du « afro-écolo-féministe ». Et végétarienne ? ouh là là… Quant à la hiérarchie des termes, à vous de voir.

De la propriété des mots

Un Grand Chef des Ecolos-verts-de-Vert – LE grand chef, en fait, monsieur Bayou – s’est fendu d’un mea culpa, « a fait tapis » comme on dit à Montréal au Québec. Il se confond en excuses, il « entend » (mazette, quel langage !) que le terme « lynchage » ne puisse s’appliquer qu’aux Noirs Etats-Uniens (du côté des victimes, ça va de soi, pas du côté des lyncheurs). Il avait utilisé ce terme réservé-breveté, traitant des agressions de voyous genre black-blocs sur un policier, lors de la récente marche dite « des libertés » (de tout saccager).

Ah, si le policier en question avait été Noir, alors, peut-être ? même pas, il n’était pas Etats-Unien. Donc il a été tabassé, roué de coups… mais pas lynché ! Une militante afro-féministe, madame Amandine Gay, revendique l’exclusivité du terme. Au passage, elle nous colle, forcément, de l’écriture inclusive, tarte à la crème des féministes de qualité. Donc le lynchage, c’est pour les Noir.e.s etats-unien.ne.s, texto.

Notons que le Larousse ne dit rien de tel, ne faisant pas de racisme quant au lynchage. Donc ce n’est pas monsieur Bayou qu’il faut engueuler, c’est l’équipe du dictionnaire ! notons aussi qu’il y a le lynché… et les lyncheurs ! le lynchage nécessite plusieurs intervenants, pas tous Noirs, probablement ?

Notons enfin que s’il faut emboîter le pas à madame Gay, ça va aller très loin ! des termes courants du dico mais liés en exclusivité à l’histoire des Noirs ? c’est transposable ailleurs, non ? y a pas de raison… les Juifs vont se breveter le pogrom ; les Russes, le goulag ; le génocide est réservé aux Juifs états-uniens, c’est un des leurs qui l’a inventé. Dans un autre domaine, moins sombre, la pizza n’est que Napolitaine ! non mais… quant au hamburger, « galette de Hambourg », il est allemand ! donc interdiction d’utiliser ce terme aux USA. Je m’arrête là… Les mots vivent, eh oui, et ils évoluent. On ne dit pas la messe en latin, là ! Monsieur Bayou, vous vous excusâtes à tort : un policier blanc et français lynché ? bien sûr que ça se dit, ça y ressemblait bigrement ! et ça ne fait pas offense aux Noirs états-uniens qui ont, les malheureux, subi cette « justice » expéditive.

Tibert