De la propriété des mots

Un Grand Chef des Ecolos-verts-de-Vert – LE grand chef, en fait, monsieur Bayou – s’est fendu d’un mea culpa, « a fait tapis » comme on dit à Montréal au Québec. Il se confond en excuses, il « entend » (mazette, quel langage !) que le terme « lynchage » ne puisse s’appliquer qu’aux Noirs Etats-Uniens (du côté des victimes, ça va de soi, pas du côté des lyncheurs). Il avait utilisé ce terme réservé-breveté, traitant des agressions de voyous genre black-blocs sur un policier, lors de la récente marche dite « des libertés » (de tout saccager).

Ah, si le policier en question avait été Noir, alors, peut-être ? même pas, il n’était pas Etats-Unien. Donc il a été tabassé, roué de coups… mais pas lynché ! Une militante afro-féministe, madame Amandine Gay, revendique l’exclusivité du terme. Au passage, elle nous colle, forcément, de l’écriture inclusive, tarte à la crème des féministes de qualité. Donc le lynchage, c’est pour les Noir.e.s etats-unien.ne.s, texto.

Notons que le Larousse ne dit rien de tel, ne faisant pas de racisme quant au lynchage. Donc ce n’est pas monsieur Bayou qu’il faut engueuler, c’est l’équipe du dictionnaire ! notons aussi qu’il y a le lynché… et les lyncheurs ! le lynchage nécessite plusieurs intervenants, pas tous Noirs, probablement ?

Notons enfin que s’il faut emboîter le pas à madame Gay, ça va aller très loin ! des termes courants du dico mais liés en exclusivité à l’histoire des Noirs ? c’est transposable ailleurs, non ? y a pas de raison… les Juifs vont se breveter le pogrom ; les Russes, le goulag ; le génocide est réservé aux Juifs états-uniens, c’est un des leurs qui l’a inventé. Dans un autre domaine, moins sombre, la pizza n’est que Napolitaine ! non mais… quant au hamburger, « galette de Hambourg », il est allemand ! donc interdiction d’utiliser ce terme aux USA. Je m’arrête là… Les mots vivent, eh oui, et ils évoluent. On ne dit pas la messe en latin, là ! Monsieur Bayou, vous vous excusâtes à tort : un policier blanc et français lynché ? bien sûr que ça se dit, ça y ressemblait bigrement ! et ça ne fait pas offense aux Noirs états-uniens qui ont, les malheureux, subi cette « justice » expéditive.

Tibert

2 thoughts on “De la propriété des mots”

  1. … tout ça me fait penser à la polysémie et le meilleur exemple qui me vient à l’esprit est le terme mathématique « morphisme » qui prend le sens adapté à son entourage : inutile de le revendiquer ! ainsi un morphisme entre espaces topologiques sera continu, entre espaces vectoriels il sera linéaire … etc
    Il n’y a donc pas que la langue de tous les jours qui se targue de jeter aux orties quelques mots réservés-brevetés.
    Allez ce brave Tibert ne se plaindra plus qu’on ne commente pas ses propos !

    1. Merci pour ce commentaire polysémique. On s’approprie les mots, on les récupère, on les déforme, on les trahit… et c’est parfois réjouissant , pertinent, d’évolution logique (« lynché », qui n’appartient à personne depuis son invention par monsieur Lynch) ; parfois ridicule : voir « tacler », qui fait partie du vocabulaire des footeux, et qui est devenu la tarte à la crème des journaleux qui veulent signifier « contredire », « réfuter », « critiquer »… et des tas d’autres. Appauvrissement de la langue : au lieu d’une bonne demi-douzaine de verbes avec chacun un sens précis, on « tacle », allez hop.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recopiez ces symboles *