Quid d'un musée de l'affreuseté

Je sais, affreuseté ça ne s’utilise pas à tous les coins de rue et d’ailleurs cet imbécile de Correcteur Orthographique de mes deux me somme – soulignant le mot d’un friselis rouge accusateur – de rectifier le tir. Va te faire voir eh pauvre Correcteur, affreuseté ça fonctionne : c’est le caractère de ce qui est affreux.

Que je vous dise : visitant Vichy avec des amis étrangers, nous nous arrêtâmes face à l’ex-Hôtel du Parc – devenu un immeuble d’habitation – devant lequel a été érigée une stèle de marbre noir en mémoire des méfaits de l’Etat Français dans la déportation des Juifs. Hors cette plaque, rien ne vient rappeler ce que fut l’Hôtel du Parc dans la période 40-44, Pétain-Laval-Darnand e tutti quanti. Et mes amis visiteurs, qui connaissent assez bien cette période des HPSNH, de me dire : y a t-il un Musée de la Collaboration ? Ben non, je ne crois pas.

Il y a bien à Phnom-Penh un musée de l’horreur Pol-Potiennne, il y a des Musées de l’Holocauste, un musée de l’esclavage, des musées consacrés à diverses abominations de l’Histoire… mais pas de musée de la Collaboration. Il y a eu récemment et temporairement, et vice-versa, une exposition à Paris (forcément à Paris) aux Archives Nationales sur la Collaboration de 1940 à 45, et c’est fini, clos, plié.

Vous me direz, il y a des Musées de la Résistance un peu partout. Et traitant de Résistance on y aborde aussi la collaboration, non ? sinon c’est un peu borgne, comme vision… certes. Justement, c’est un peu borgne, la seule Résistance, ou unijambiste, voire les deux. Il y a aussi la collaboration – et entre les deux, les Français qui soupirent et attendent que ça aille mieux. La collaboration c’est un sujet qu’on doit pouvoir aborder maintenant, sans crainte de remuer la gadouille glauque, les choses sont assez tassées, les belligérants de l’époque disparus ou apaisés.

Ils ont raison, mes amis étrangers mais avisés : on devrait monter un vrai musée consacré à la collaboration. En commençant par en montrer les racines, de l’anti-bolchévisme à l’anti-sémitisme et à la chimère paneuropéenne en passant par l’anti-Anglo-Saxonisme. Evidemment ce ne serait pas un musée de Bisounours, certes non, et il y aurait de rudes réalités à exhumer. Mais par ces temps de battage de coulpe comminatoire, d’injonctions à la repentance occidentale, aiguë et unilatérale, ça ne détonnerait pas, je pense.

Tibert

2 x 3 x 3 x 37

Trente-sept étant un nombre premier je n’irai pas plus loin. Donc, 2 x 3 x 3 x 37 = 666, vous aviez bien calculé. Il se trouve, je n’invente  rien, qu’une pauvre mère ayant enterré sa fille tout juste jeune adulte, dut suivre, éplorée, un corbillard de la région niçoise dont l’immatriculation comportait les trois chiffres “666”. Et ce fut un choc pour elle, fervente croyante. Car Saint-Jean, le plus allumé des évangélistes, celui qui forçait un peu sur le joint, dans son “apocalypse” verset 13-18 écrit ceci (en grec ancien !! ) : “Que celui qui a de l’intelligence déchiffre le nombre de la bête. Ce nombre représente le nom d’un homme, c’est : six cent soixante-six”. Et toc ! Sauf que certains transcripteurs  ont écrit 616. Mais bon…

Je me suis beaucoup amusé à la lecture de la page Wiki consacrée au Nombre de la Bébête. Tenez, 666 c’est aussi entre autres tentatives d’interprétations, MAOMETIS = 40 + 1 + 70 + 40 + 5 + 300 + 10 + 200, en donnant à chaque lettre d’un alphabet (que je ne pratique pas) un poids et en additionnant (pourquoi toujours additionner ? pourquoi pas utiliser le logarithme décimal ou le reste de la division entière par 5 ? ). Je gage que vous vous en divertirez aussi, estimée lectrice, ami lecteur.

En attendant, de même que les anciennes immatriculations [ 999 PPP 99 ] évitaient les “422 CON 75” ou les “718 CUL 69” il semblerait sage que dans les préfectures on neutralise, non la Bête, c’est hélas impossible, la Bête est en nous, mes frères, repentons-nous et frappons notre coulpe car la fin est proche (*), mais son nombre – a fortiori pour un corbillard ! Boycottons 666, et tiens, dans le doute, 616 aussi, on ne sait jamais. Et 999 : à l’envers, tiens donc. Et puis tous les détails. Le Diable est dans le détail.

Tibert

(*) à vrai dire, la fin n’a jamais été aussi proche. Et depuis que j’ai écrit ça, encore plus proche.

PS : je n’y résiste pas : la peur du nombre 666, ça s’appelle hexakosioihexekontahexaphobie. A vos souhaits !

HPSNH comme mantra

Ce matin tôt je lis la presse en-ligne , et je tombe sur une grosse colère du Grand-Premier-Secrétaire-en-Chef du PS, le sénateur Cambadélis, “Camba” pour les happy few qui lui tapent sur le ventre. “Camba” vitupère le Secrétaire d’Etat Alain Vidalies, lequel préfère, face à la menace islamisto-terroriste, des contrôles de sécurité aléatoires plus nombreux et efficaces, quitte à ce que ça soit “à la gueule du client” – comprenez : on va tout droit vers le délit de sale gueule, ça craint. Et c’est là que ressort l’incantation : les Heures les Plus Sombres de Notre Histoire. Aïe aïe aïe ! c’est quoi, les HPSNH, label déposé pour l’horreur absolue ?

– La révocation de l’Edit de Nantes ? Très grosse ânerie, des conséquences terribles. Les Français contre les Français. Les guerres de religion, déjà.

– La guerre de cent ans. Cent ans de tueries, ça le fait, non ?

– L’occupation de la France par les Grands-Bretons, avant que Jeanne la Pucelle ne les jette.

– La révolution de 1789, la Terreur. Affreux. Les  guerres de Vendée… terrible.

– La guerre de 1870, la déculottée, la perte de l’Alsace-Lorraine, Bazaine en déconfiture, la subséquente Commune de Paris, on bouffe des rats, on fusille à tours de bras et à la Villette, Adolphe Thiers le boucher… pas mal, non ?

– la guerre de 14-18, 1,5 million(s) de jeunes mâles français tués, des multitudes d’estropiés, mutilés, gazés, de gueules cassées, de veuves éplorées. THE boucherie. Comme heures sombres, alors là…

– meuh non vous l’avez compris, les HPSNH c’est forcément, pour nos chères Bonnes Ames, 39-45 ; 39-45 y a que ça de valable. Des heures qui ont duré environ 5 ans, soit dit en passant. La collaboration, le national-socialisme à l’oeuvre, les convois d’extermination vers la Prusse-Orientale ou la Haute-Silésie, les tickets de rationnement, les patrouilles Schleu dans nos rues paisibles… c’est vrai que ce fut affreux. Elles sont là, nos HPSNH (le reste c’est du pipi de chat, ou il faisait plus clair, c’est clair). Et surtout, et surtout, ce fut, et c’est là l’horreur suprême, l’émanation et la concrétisation des plus pires des idées : des idées d’extrême-droite, auprès desquelles les délires paranos et inhumains de Pol-Pot et de Staline, les fatwas condamnant tous les “infidèles” à se convertir, se soumettre ou mourir sont des gamineries. Comme quoi il y a des degrés dans l’horreur et la sombritude.

Moi je m’inscris en faux contre cette conception : 39-45 après la déculottée initiale de Mai 40, c’est la Résistance, c’est Radio-Londres, De Gaulle qui se rebelle, le CNR, Jean Moulin et Manouchian, ce sont les Français qui ont refusé de se résigner, ceux qui ont abrité et caché des Juifs, ceux qui ont espéré revoir leur pays libre, et il y en a même qui ont agi pour ça.

Tibert

Politicogéographie enfantine

Hier j’entendais deux gamins, l’un Canadien du Québec, l’autre lui expliquant qu’il habitait “en Asie“. Où ça ? demande le premier. A Singapour, dit le deuxième. Singapour ? je connais pas… c’est comment ? c’est grand ?c’est grand comme le Canada, mais c’est plus petit.

Certes ! ce n’est pas faux, même si litotique (litotesque ? litoteux ? litotard, tôt ou tard ; bref, c’est une litote). Singapour, 716 km2, mais ils en gagnent tous les jours, avec leurs digues à la hollandaise ; Canada, 9.984.670 km2, et ça leur suffit. Songez qu’on pourrait caser environ 13.870 Singapour au climat équatorial et homogène (5,4 millions d’habitants) dans un Canada qui est seulement 6,7 fois plus peuplé, tellement ça caille dans le Nord…  et qui aurait du coup une population – en partie frigorifiée – d’environ 74.900 millions d’habitants, soit 74,9 milliards, autant dire 11 à 12 fois notre population mondiale actuelle : je préfère ne pas y penser. Ainsi Singapour est-il un “petit” état ? ben non, c’est un état tout court, avec tous ses attributs, et c’est ce que signifiait dans un humour involontaire le deuxième gamin. Il suffit de savoir de quoi on cause… limite plus grand que le Canada, d’ailleurs, vu que Singapour a décrété il y a 50 ans qu’il faisait sécession tout seul comme un grand d’avec la fédération de Malaisie, tandis qu’au Canada on fait encore allégeance à.. . la reine des Grands-Bretons, Elisabeth II – qui se cramponne pour battre le record de longévité de Victoria, et elle va y arriver, tant pis pour Charles !  – ce qui fait un peu tarte, vous en conviendrez.

On parle d’extrêmes, là… un confetti super-peuplé face à une gigantesque surface quasiment presque vide, sauf à la lisière Sud. Moi ça me rebute les extrêmes, je préfère le moyen ; la moyennitude ça me va. Mon pays est moyen, très très moyen, je sais, mais bon. Et puis nous on a les fromages et le pinard, et toc !

Tibert

 

Taxis tabacs et crème de jour

Dans le coeur de nos Grands Chefs les taxis sont, on le sait, les plus chéris d’entre les Français, l’objet de leur sollicitude la plus attentive. Mais pas que ! (j’adore cette expression, NDLR). Car les buralistes leur disputent âprement les faveurs et les câlins de nos grosses-légumes. Tenez, le “paquet neutre”, cette initiative pour éviter que le Cow-Boy Barlmoro sur son emballage cartonné fasse du gringue à l’amateur de clopes au bureau de tabacs du coin… eh bien, le “paquet neutre”, le Sénat vient de le renvoyer aux calendes helléniques. Pourquoi ? parce que les buralistes n’en veulent pas. Et si les buralistes n’en veulent pas, c’est comme Uber pour les taxis, c’est Non, point-barre ! ; et la République française de claquer des talons.

Je lis ça, là, cette réjouissante information pour les futurs cancers des poumons, ce matin tôt sur le Parisien-du-Matin, et ma foi comme il y a un développement à cet article passionnant je clique sur le titre. Maigre, le développement ! Deux lignes très laconiques, et puis ce cartouche :

Article Parigot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il me faut donc, pour pouvoir lire la suite d’un “chapeau” journalistique squelettique, répondre à un petit questionnaire façon QCM : quel genre d’emplâtre me mets-je sur la margoulette ? “Select (sic) toutes les réponses appropriées“, entre le “Soins corps (hydratant, tonifiant, etc)” avec une belle faute d’accord, le “Soins cheveux” etc. Les vendeurs de crèmes fous et marquéteux associés ont encore frappé, munis de leurs gros sabots.

C’est de vaseline qu’il faudra s’oindre, je le crains, si ce genre de pratique se répand ; la violation de notre vie privée glissera mieux.

Tibert

De la perruque

C’est lyonnais, paraît-il, comme les gônes (les minots des Marseillais), les godiveaux (les chipolatas des Parigots) et Gnafron, le pote à Guignol. “Faire de la perruque” (l’édition lyonnaise du Figaro écrirait faire du perruquing), ou simplement “la perruque”, c’est utiliser le temps dû à son employeur et les moyens de son entreprise pour des tâches personnelles. Rien à voir donc avec le coulage : ponctions sur les biens de la boîte, ce qui en français s’appelle du vol… la perruque c’est innocent, indolore et très commun.

Vous êtes soudeur ? vous apportez au boulot le cadre de vélo de votre gamin, qui a besoin d’un point de soudure ; si vous êtes cantonnier municipal dans la bonne ville de Grognons-sur-Bezouille, vous faites un petit détour avec le tracto-pelle de la ville pour aller dépanner un pote qui a besoin d’araser une butte derrière son garage… le gasoil, le temps de travail, l’emploi de l’engin ? c’est cadeau (*). Sympa, l’employeur, merci la mairie de Grognons-sur-Bezouille !

Au fait, pourquoi je vous écris tout ça ? et d’où ça vient, la perruque ? bonnes questions. A la première je répondrai que ces temps-ci j’observe des masses de perruque autour de moi… que de perruques ! et à la seconde, je vous donne le latin “pilus” qui deviendra poil, pillucare etc… et puis la perruque capillaire relevant du maquillage, du relooking (merci le Figaro-Madame) en douce, la perruque s’y apparente par son caractère de petite bidouille personnelle maquillée en bon boulot franc du collier. Tenez, cultivez-vous, lisez donc cette instructive  page Wiki sur le sujet.

Hélas, et bémol d’importance à la sympathique perruque : les retraités en sont privés. On ne peut pas être et avoir été…

Tibert

(*) Allez, tout ça c’est à la bonne franquette. Echanges de bon voisinage… je vous aplanis votre terrain, vous me mettrez 2 cartons de boîtes de haricots verts prélevés sur les réserves de la cantine scolaire. Tombés du camion, eh oui.

Ainsi vit l'été

Ce matin je roulais – sans avoir bu, avec ma ceinture, sur le côté droit de la route et dans les limites de vitesse imposées, soit : 30-50-30-70-90-50-70-30-50-70-90-70-50-… (complétez la série), et écoutant la radio, ce qui sera bientôt interdit, tant c’est accidento’gégène d’écouter la radio en conduisant : songez, vos oreilles ne sont pas braquées sur les panneaux routiers.

Bref c’était Europe 1, pub-nouvelles-pub-nouvelles etc (complétez la série). Et entre deux pubs j’entends que le 14 Juillet, hélas, comme d’hab’, a donné lieu à des débordements (festifs, qu’allez-vous chercher !), et que les incivilités (sic) ont atteint le score record de 721 voitures cramées, soit +23 % par rapport aux statistiques précédentes.

Moi je pensais que les statistiques ethniques étaient interdites ? il semblerait que non. Et puis, voyez-vous, brûler intentionnellement une (des) voitures(s), c’est une incivilité, ce n’est pas (plus) un délit. Ah ces jeunes, etc, il faut bien qu’ils s’amusent.

D’ici que la rafale de Kalachnikov soit taxée d’incivilité, il n’y faudra que quelques années. Pensez, des bricoles comme ça…

Tibert

 

Marronnier, marronniers

Ce soir les journaux télévisés vous régaleront, comme d’hab’ en cette soirée d’une journée classée noire de chez Noir “dans le sens des départs” (d’où, les départs ?), de scénettes prises sur le vif et sur les aires d’autoroutes : “ah c’est dur c’est sûr, les bouchons, mais bon… on est en vacances gnagnagna…“, et autres dialogues convenus entendus ad nauseam.  Cinq-cents kilomètres de bouchons (“moins que prévus”, avec une faute d’accord, note Le Parisien) et des bagnoles alignées comme à la parade sur les files de circulation, 5 mètres toutes les 30 secondes de temps en temps, et sous le soleil, évidemment. Le marronnier, quoi… ça meuble les JT.

Tout ça comme tous les ans à cause des locations “du samedi 13h au samedi 12 h” ou approchant. On est pourtant à l’ère internet, on peut covoiturer souplement, on pouvait il y a peu trouver un simili-taxi UberPop au pied levé, on vend sa vieille bécane sur www.labonneoccase.fr, etc… mais on ne sait pas négocier des locations du mardi 15 heures au lundi 18 heures. Ah si, chez Air-B-and-B ça se fait les doigts dans le nez, mais c’est une boîte américaine, chez nous on sait pas faire.

Pourquoi on sait pas faire ? parce que, eh fleur de nave, on veut pas faire ! du samedi 13 h au samedi 12 h ça fait pas de trou dans les rentrées d’argent : carton plein !! la saison touristique à fond à fond à fond. Laisser ma bicoque vide 36 heures ? vous rigolez ?

Bon, moi si j’étais le gouvernement je taxerais les loueurs qui font que du samedi au samedi. Ou je filerais une prime aux loueurs qui se décideraient à un peu de souplesse. Histoire d’en finir avec les bouchons, les marronniers sur les bouchons, les micro-trottoirs sur les aires de repos autoroutières…

…et, tiens, je m’aperçois que l’an dernier j’avais écrit à peu près la même chose. Comme quoi : premio ce pays est décidément indécrottable ; deuxiémo moi aussi je fais dans le marronnier, ça devient grave.

Tibert

Ils nous montrent le chemin

Les taxis ont gagné contre UberPop, grâce il est vrai au soutien énergique, indéfectible, exemplaire, du gouvernement – le ministère de l’Intérieur en première ligne. Les coups de menton du Premier Valls ont puissamment aidé, nous en restons impressionnés. Pensez : ces vauriens de patrons sans foi ni loi qui prétendaient employer au noir toute une armée de taxis-du-moment recrutée parmi les innombrables conducteurs de leur bagnole entre un point A et un point B… en garde à vue ! ça n’a pas été long, ils ont jeté l’éponge, écoeurés, les UberPop.

D’autant plus impressionnés, nous sommes, qu’il s’agit dans cette lutte épique et rondement menée de préserver un service public de qualité, indispensable, efficace, et que le monde nous envie : la corporation des taxis, la fille aînée de la France, chérie entre toutes, par la population et plus encore par nos dirigeants.

Faisons un rêve : si l’Etat mettait autant d’énergie à poursuivre et châtier, disons, au hasard… les fauteurs de tags ! (*) comme nos rues et nos édifices seraient propres et avenants ! comme on y verrait clair à travers les vitres des bus ! et tiens, les cambrioleurs, les voleurs à la tire, à l’arraché, à la roulotte, les receleurs, les dealers, les souteneurs, les arnaqueurs, les…  il y a du pain sur la planche, monsieur le Premier Ministre, et d’autres coups de menton à exécuter – vous faites ça si bien. Et, quelle efficacité ! les choses vont changer, on le sent bien. Demain je pourrai, serein, laisser mon vélo le long d’un mur, sans antivol.

Tibert

(*) je pense à Caligulaminus, le soldat romain qui a espionné le village gaulois d’Asterix et bu la célèbre potion magique, essayant sa nouvelle force, ici et là, juste pour voir… et ça marche !

 

Le "selfie" comme mise en abîme

J’emploie des guillemets pour “selfie”, car ce n’est pas ma langue. Perso, je déplore que l’Académie Françouése n’ait pas proposé un néologisme sympathique signifiant “autoportrait réalisé avec l’appareil-photo frontal (plus mauvais, en général, que son homologue dorsal, NDLR) de son téléphone-cellulaire-évolué, tenu à bout de bras ou à l’extrêmité d’une tige“. Ce pourrait être un “mirophone”, un “narcisse”, bref avec un peu d’imagination… mais je t’en fous, nous voilà avec un anglicisme de plus, et idiot, avec ça. Pas le terme, “selfie”, bof, ça fonctionne, mais la pratique, idiote, narcissique et invasive.

Non que se prendre en photo (très médiocre, la photo) avec une célébrité quelconque soit inintéressant ; ça permet de se souvenir de cet événement. Tenez, j’ai croisé sur le quai de la gare de Bourg-Saint-Maurice, il y a quelques lustres de ça, l’Abbé-Pierre, qui attendait dans sa longue pélerine une correspondance vers Chamonix ; manque de bol, ni le smart-faune ni le selfie n’avaient été inventés, encore moins la canne à selfie. Total, je me souviens bien de cette rencontre, mais c’est juste dans ma tête. D’ailleurs je n’avais aucun appareil-photo sous la main. Il m’est cependant loisible, muni de mon logiciel de retouche-photo favori, de faire un petit montage sympa me mettant côte à côte avec l’Abbé-Pierre sur le parvis de la Grande Arche ou devant la pyramide de Khéops, ça a une autre gueule qu’un quai de gare, et ça fonctionne pareil !

Un qui sait utiliser le selfie, tenez, c’est ce type, Amran Hussain, un ex-candidat travailliste britannique (sûrement un Ecossais), qui est photographié ou se fait photographier faisant un selfie sur la plage sanglante de Sousse en Tunisie, plage qui n’est pas Omaha-Beach, mais quand même ! trente-huit assassinés, dont une grosse majorité de ses compatriotes… bref, ce type est portraituré se prenant en selfie, avec en arrière-plan les restes du carnage. On pense irrésistiblement au triple-autoportrait de Norman Rockwell, mais là c’est nettement de plus mauvais goût. Sans égaler toutefois dans l’ignominie le répugnant “selfie à la tête tranchée” réalisé récemment à Saint-Quentin-Fallavier.

Voilà qui plombe sévèrement le selfie, cet obscène miroir de nos bas penchants. Ce qu’écrivant, je repense à la gêne ressentie il y a peu, lors des obsèques d’une proche parente ; je n’étais pas en première ligne, si je puis dire, et j’ai estimé possible, utile, de prendre des instantanés de la cérémonie et des proches. Franchement il est malvenu de faire ça ouvertement ; on se sent obligé à la discrétion, presque à la clandestinité. De fait, les très-proches, les en-première-ligne, ne prenaient aucune photo ; ça ne leur serait pas venu à l’esprit, tant ça aurait paru incongru, indécent. C’est d’ailleurs pour ça que je ne prendrai aucune photo de mon enterrement, c’est trop intime.

Tibert