Accroche toi Jeannot !

Une histoire qui donne à penser…  à penser que si la justice passe, c’est souvent en fonction du déroulé des faits, pas en fonction du type de délit, du modus operandi. Une victime qui réagit mal, pas comme elle devrait ( !! ) et c’est la bavure. Un truc qui passerait traditionnellement en Correctionnelle  – si la Police fait une enquête qui aboutit, ce qui est loin d’être le cas général – se retrouve alors aux Assises : c’est con !

Tenez, ces deux « jeunes » qui à St Denis, dans le 9-3, opéraient dans les vols à l’arraché sur leur scooter… quelle banalité, un vol à l’arraché ! mais la victime en est généralement choquée, traumatisée, car c’est un acte brutal, soudain, prédateur – d’autant plus que les voleurs, courageux mais pas trop, ciblent de préférence des femmes, les « vieilles » étant plus faciles. Facile… on repère une mémé, son sac à la main, on s’approche en vitesse, et le passager du scooter chope à la volée la courroie et tire un bon coup. En général, l’effet de surprise et la violence de l’action font que le sac passe d’une main à une autre. Fait divers, statistiques de délinquance, plainte au commissariat… routine. Chacun sait qu’il faut avoir son sac en bandoulière, sur la poitrine, ou au moins côté murs, pas côté chaussée – facile à dire.

Mais si la « mémé » s’accroche, si sa volonté de résister, sa révolte, sa pugnacité l’emportent, le scooter peut traîner sa victime sur plusieurs dizaines de mètres ; ou bien le déséquilibre créé dans ce mouvement provoque un accident mortel – le cas que je cite ici.

Alors ? alors on a droit à « homicide ». Pas la même musique, car là il y a forcément enquête et recherche des auteurs ; et puis les Assises. Et, à juste titre, aux Assises on punit sans états d’âme ces agissements de crapules, sans la moindre circonstance atténuante ; on a affaire à des individus immatures, sans humanité et malfaisants.

Le Courrier des lecteurs concernant ce fait divers laisse passer quelques perles, du style : faut être bien con pour risquer sa vie et s’accrocher à un sac à main où il n’y a que 60 euros ! Cela rejoint les ineffables thèses sur les limites de l’action de la Police, thèses sur lesquelles je me suis fendu d’un précédent billet  (ne pas provoquer, en intervenant, un désordre plus grand que celui auquel on s’attaque). Et, à y regarder froidement, en observateur objectif et sans empathie, ça se défend… ça se défend si l’on professe que nous vivons dans la jungle, sans espoir d’en sortir, et qu’il faut juste survivre, sauver sa peau.

Le problème, c’est que les victimes ne voient pas la situation d’un oeil froid, avec du recul : elles sont DANS la situation, dans l’urgence, dans la violence. C’est une « question de dignité », dit une des intervenantes du Courrier des lecteurs. Et je le crois volontiers : on ne pense pas à épargner sa vie, on réagit face à une agression.

Alors, évidemment, on pourrait proposer de faire en classe des exposés aux « jeunes » sur les risques du vol à l’arraché – faites pas ça comme ça, les mecs, c’est trop risqué – ou passer des spots à la télé pour expliquer aux braves gens que face à un vol à l’arraché, il vaut mieux lâcher bien gentiment son sac… mais le fait est que chaque victime qui ne lâche pas son sac risque sa peau !

C’est là que je voulais en venir : que la victime se cramponne ou non à son sac, et avec ou sans mort, ce n’est pas du « vol« , le type qui pique dans la caisse pendant qu’on regarde ailleurs ; c’est du « vol avec violence avec mise en danger de la vie d’autrui« . J’ignore si c’est comme ça que ça se formule en termes juridiques stricts, mais selon moi ça y ressemble.

Tibert