Un détail, des détaux

Il est un mot que vous, bonnes gens, ne pourrez plus utiliser ; mot confisqué, mot maudit dès lors que Mister JMLP, le lider maximo du FN l’eut prononcé : DETAIL !! Arghhhh ignoble, indicible détail. Ne dites pas  » ce détail du vitrail de la grande rosace de la cathédrale… » mais « ce sous-ensemble », « cet élément élémentaire », « ce point subalterne »… tout mais pas détail.

Tiens, not’ premier ministre a imprudemment prononcé l’imprononçable à propos des tests ADN (tests discutables car évidemment désagréables, voire choquants du fait de la suspicion qu’ils traduisent, excessifs souvent, mais dont l’utilité est évidente quand on affronte de multiples fraudes sur les liens de parenté) : il a dit « détail ». Gloups !! Aussitôt les choeurs de vierges du PS et des sensibilités voisines se sont insurgés, récriés, alarmés, scandalisés. Détail !! quelle horreur. C’est l’Holocauste, pas moins.

Oh les Socialistes, PCFistes, Trotzkystes, ex-Kronstadtiens, ex-GuyMolletistes, ex-Staliniens, ex-Mittérandiens, un poil de pudeur, peut-être ?? Les UMP-istes et apparentés vont bien évidemment vous lancer dans les jambes le classique « On ne donne pas de leçons quand on traîne comme vous de grosses casseroles » : l’argument est bien rôdé. Par exemple les magouilles Mittérandiennes au Rwanda, les répressions en Hongrie des années 50, voyez le topo…

Non, moi ce qui me fait pleurer, c’est qu’il est maintenant des mots interdits, tout comme « Adolf » est un prénom prohibé depuis 1945. Censure à tous les étages, cris d’horreur obligatoires. « Détail », « race », « noir » sont des mots rayés du dico. Il y a des races de mammifères, bien évidemment, mais l’homme (mammifère s’il en est, ou plutôt sa femme, surtout si elle porte des bonnets C) n’a pas de race. Noir ? pas correct, on dit « de couleur ». De quelle couleur ? euh… foncée ? Détail ? pas correct, il ne peut s’agir que d’horribles déclarations lepénistes. C’est un détail ? c’est un détail du Petit Manuel du BienPenser.

Cobrandons en choeur

J’étais tenté d’intituler ce billet « Cons bradés » mais la trivialité, le côté ordurier de l’insulte, indûment associée à ce délicieux « con », vieux mot du françoué du fond des âges, a arrêté mon bras, tel Guillaume Tell hésitant avant de décocher, non une case à cocher – y avait pas internet – mais le carreau d’arbalète destiné à la pomme sur la tête de son fils, et dont au sujet duquel on en a rien à cirer.

Non, « cons bradés » contrepétait sur « cobrandés » : délicieux néologisme né pendant que j’avions le dos tourné en terre Québecoise, où l’on nomme les petites loupiotes des ordinateurs des « DEL » (Diodes Electro-Luminescentes) quand nous autres Français bouffons du Rosbif avec nos LED (Light Emitting Diodes… vach’tement plus technique); où les « show-rooms » sont tout naturellement des salles de montre, etc.

Oui, on a maintenant accès à du cobrandé !! quel bonheur. Dire qu’on a vécu 20 siècles, after God bien sûr, sans avoir cet adjectif à notre disposition. Quand Air-France et American Express sortent une carte de paiement, c’est du  Cobrandé : on a deux parrains sur la même carte, miracle de la technique, et ça mérite un néologisme très fort, le Cobrandé. Je cobrande, tu cobrandes, etc, verbe du premier groupe, car pour les zélateurs rosbifiants il n’existe pas d’autre conjugaison, elles sont trop durailles à apprendre. Cobrandir ?? fi donc. Cobrandre ? ciel. Bientôt nous « ferons du cobranding », c’est sûr.

Quel progrès. La comarque, un mot comaque bien entendu, ou la « coétiquette », ça vous aurait eu une autre gueule, mais cobranding, hein, ça le fait !!

Redondances

J’ai lu cela, un peu partout sur des panneaux publicitaires le long des routes (les 4 par 3 disent les pros) : « Ma région elle a du talent ». Oui d’accord c’est du « parler écrit ». Oui d’accord c’est se mettre à la portée des gens.

Mais deux sujets pour le même verbe, décidément ça fait trop, ça redonde. Choisissez : c’est « elle », ou c’est « ma région » qui a du talent ?? En tous cas, aucune des deux n’a le talent de la grammaire.

L'accent perdu de la delivrance

Anglicisme (rosbif-isme) chéri des z’informaticiens, au même titre que « adresser » (il faut adresser ce problème de toute urgence) et « pluguer » – prononcez « pleuguer » – (y a qu’à se pleuguer sur la DLL machinchose), délivrer étend ses ravages. On délivre à tours de bras.
Même les journalistes généralistes délivrent,et il ne s’agit pas d’Ingrid Betancourt, hélas, mais « d’une cuisine étonnamment contemporaine » : voir le Figaro du jour, tout frais.

Journaleux, délivrez-vous des anglicismes stupides !! y a les mêmes mots chez nous, mais hélas ils n’ont pas le même sens… alors, un poil d’imagination ? hein ? ou un soupçon de rigueur lexicale ?

– PS : Pluguer ? enficher est pile-poil le bon mot, brancher sera plus vague, ou alors connecter…

Adresser ? ah ah !! traiter me paraît jouable, mais on peut utiliser résoudre, considérer, ou, horreur, utiliser des postpositions ! s’occuper de, par exemple, qui traduit parfaitement « address » avec 2 d, eh oui.

Délivrer, enfin ? « to deliver » chez les Rosbifs = fournir ! Eh oui, donc sur notre exemple, le chef cuisinier « fournit une cuisine… » ouais, pourquoi pas ? mais « élabore », « produit », « crée » … il y a du choix !

Allez, la délivrance est proche !! 

Un peu de haine

Devant fermer pour quelque temps toutes mes écoutilles z’informatiques, ce petit billet est là pour dire simplement à tous les connards, les mafieux, les magouilleurs, les escrocs, les malfaisants, les ratés vicieux, les fourbes, les enfoirés logés au Kamchatka, aux USA, en Chine, aux Iles Caïman, aux Galapagos, en Belarus, et qui m’envoient tous les jours 50 mails débiles, malveillants, bourrés de virus, fourbes, pour que je leur donne mon numéro de carte Visa, que je pollue mon ordinateur, que je prétende agrandir mon pénis, bouffer du Viagra à tous les repas, acheter des tonnes de montres à 2 balles : bref ce petit billet pour leur hurler un violent cri de haine, et leur décocher un vigoureux bras d’honneur.

Parce que, rouvrant bientôt mes liaisons, je devrai nettoyer toute cette merde lamentable.
Bon, je sais, ça ne sert à rien, mais ça soulage.

Chanteurs de rue

Ma vieille mère égrenait aujourd’hui ses souvenirs de l’occupation. C’était essentiellement des épisodes de sa vie à l’époque, à Melle – Deux-chèvres, ville célèbre pour une troisième. Et, parlant des soldats allemands qui y tenaient garnison : « en tous cas, on pourra dire ce qu’on veut des soldats allemands, mais qu’est-ce qu’ils chantaient bien ! on les voyait descendre la côte (celle qui va du centre du village à la route de Limoges, NDLR) tous les jours en chantant ».

Evidemment, « Heilo, Heilo » comparé à « avec l’ami Bidasse » …

Faisons court !

Après avoir suggéré d’envahir nuitamment Monaco un jour de fête nationale, je me trouve en un lieu privé de liaison ADSL ; d’où le caractère très laconique de mes billets !! Des billets en liaison modem à 38 kilobaud, ça se doit d’être bref.

Bref donc, dis-je, et pour prendre une image, si Balzac avait disposé d’un tout petit crayon, nous nous en souviendrions aujourd’hui comme un des maîtres de la nouvelle… le Père Goriot en 6 pages. Comme quoi, à quoi ça tient, hein, le génie littéraire : à la fourniture ou pas de crayons en nombre suffisant.

L'été

L’été avant l’été : 31 degrés Celsius hier, un 23 mai, à St Chamond -mais qui diable peut aller à St Chamond, hein ? Avec toutes leurs bombes atomiques, ma pauv’dame Michu, ils nous ont détraqué le temps. Et on n’a pas eu de printemps, et les cerises à 12 euros le kilo (5 centimes LA cerise, sans compter celle sur le gâteau (*)).

Hier aussi j’ai vu un étai qui étayait une grosse poutre en chène (en jargon une panne faîtière) qu’on avait encastrée au dessus d’un linteau, juste 10 cm au dessus : et que croyez vous qu’il arriva ? ce fut le linteau qui céda. Rien d’étonnant.
Mais c’était assez étonnant cet étai, car, là où était l’étai, c’était : ou cet étai était là avant, ou il avait été mis là tout récemment. Et si l’étai l’était avant, c’était une belle connerie (pour une çonnerie, c’est une belle çonnerie, chantait Bobie L.).
Moralité : si l’étai y était, l’été étêtait tes taies.

(*) eh oui, gâteau avec un accent circonflexe, contrairement à ce que je pensais. Merci le dico. A ce propos, une revue auto, par ailleurs excellente, s’obstine à écrire « le châssis ». Bon, des circonflexes il faut, soit, mais là c’est trop. L’accent qui signale l’élision d’un « s » a son utilité, certes, mais devant 2 « s », ça fait lourd.

Pire

Une pause dans cette actualité brûlante qui que dont quoi Nicolas Ségo Malte les manifs – BREF :

Avez-vous noté ? non sans doute, mais moi je vais vous le noter r’ici, la quasi-officialisation de l’expression « moins pire » ? Tout récemment pas loin au détour d’une phrase « ce truc est tout de même moins pire que le schmoldu à arbre à cames latéral » : Bon, il fut un temps où en Anglais, Italien, Latin etc…, toutes langues où le comparatif se construit de manière similaire, on se faisait sabrer par le prof d’un trait rouge rageur : « barbarisme ».

En rosbif : it’s worse than / it’s less ugly, bad, awful, sad …
En Italien : e peggio che / e meno male, bruto, triste …
En Latin : Pejor est / ??? forme comparative des adjectifs ; j’ai oublié, voir Gaffiot.

Donc, dérive ? eh ouais, une de plus. Il fut un temps où ce barbarisme était censé introduire une note d’humour, un clin d’oeil dans le discours, du même calibre que l’ « infractus », « lycée de Versailles », « mollrops » ou « Aréoport ». Mais de nos jours c’est devenu la norme. « Moins pire » le barbare a gagné. Moins affreux, moins moche, moins lourd, moins laid etc… ont perdu collectivement.

Et notez bien, ce n’est pas seulement un barbarisme de plus, c’est aussi et surtout un appauvrissement de la langue : « moins pire » ne qualifie en rien ce qu’il désigne, alors que « moins moche » est bien différent de « moins triste », « moins affreux » etc.

500 mots devraient suffire bientôt, on y vient ; allez, encore un effort.

Pas d'accord

Pour vous détendre, vous détourner quelque peu du torride suspense concernant le duel que vous savez entre qui vous savez, et même si vous vous en foutez, vu que de toutes façons ça ne changera pas un poil de vos convictions, mais allez savoir, une saillie de Ségo, un calembour perfide de Nico, et soudain c’est l’allégresse, ouais il l’a eue, putain qu’est-ce qu’elle lui a mis, après ça elle a plus qu’à rentrer en car à Melle (ouaf ouaf), il peut repartir la queue entre les jambes ! etc…
MAIS NON, ON S’EN FOUT.

Lalangue, comme disait Lacan, évolue, dérive ! Vous n’êtes pas sans le savoir = vous le savez, bandes de dériveurs de langue. A l’écrit, on bifferait – du moins les profs de français, les puristes, les attentifs de l’orthographe -les tournures du style :

« Où t’as mis mes pantoufles ? – je te les ai mis sur la chaise Louis XIII » (la chaise Art déco, la chaise en formica, la chaise en bambou, je m’en fous).

« Les poésies que j’ai appris dans ma jeunesse »

Mais z’à l’oral, alors là mes amis, quelle infamie !
Bon « Où t’as » c’est affreux, mais c’est plus rapide que « Où as-tu « , d’autant plus que « Où as-tu » ça fait phonétiquement « Wouaatu », pas terrible… mais c’est d’autre chose qu’il s’agit : l’ACCORD, enfin quoi !

J’ai mis la cravate sur le dossier… la cravate que je t’ai misE sur le dossier !!!

Les poésies que j’ai apprisEs dans ma jeunesse.
Eh ouais ! Donc ce soir, au lieu d’attendre anxieusement la banderille qui tue, faites-donc le compte de fautes d’accord des participes passés de chaque côté – et votez, évidemment, pour le/la candidat(e) qui aura le moins mauvais score. Après tout, c’est un critère de choix qui en vaut bien d’autres.