Pour rester Normal

(Note liminaire : hier je lisais qu’à Nantes un policier a reçu un coup de barre de fer sur la tête, et, je cite l’entrefilet : “des individus auraient enlevé le casque d’un commandant de police et l’auraient jeté à terre pour le frapper à coups de barre de fer“. Moi je sais pas, mais dans un état normal ça s’appelle tentative d’homicide volontaire, non ? et  on engagerait des poursuites, non ? … ah… on me fait signe en régie, non non, c’est normal. Ah bon, c’est normal.)

Mais passons, je voulais vous parler de la Normalité satisfaite : i l paraît, nous dit-on, il paraît que la France va mieux. Aaahh, ça va mieux. C’est Normal qui le dit, notez. Il est aisé, d’ailleurs, de deviner par quelle grâce nous allons mieux : c’est de son fait, c’est par son action résolue, lucide et tout et tout. Rien n’indique qu’il compte en tirer quelque profit personnel, c’est en toute modestie. Pensez-vous qu’il songe, Normal, à repiquer au truc dans un an  ? allons, qu’est-ce qui vous fait penser ça ?

Le point d’indice des fonctionnaires repart à la hausse : c’est une coïncidence.

Les professeurs des écoles (le primaire) : ils vont toucher une super prime. Coïncidence, vous dis-je.

La moitié des ménages ne paye pas d’impôts (par contre, les autres, ça douille un max) : eh bien on va encore baisser les impôts pour la moitié qui n’en paye déjà pas. C’est fortuit, évidemment.

C’est une pluie de coïncidences heureuses, la France va décidément mieux. Et qu’est-ce que le Père-Noël, pardon, Normal va encore nous apporter dans sa grande hotte ?  j’entends d’ici les retraités faire de grands gestes des bras, et nous et nous,  ça fait trois ans, on a eu environ 1 euro cinquante en trois ans. Ah oui, Père-Normal, n’oubliez pas les petits souliers des retraités, pour qu’ils votent comme y faut. Un petit coup de pouce aux pensions de vieillesse, et des tournées de poignées de mains dans les maisons de retraite, oubliez pas d’aller voter, madame Machut : le truc Normal, quoi.

Tibert

Corbeil : les fruits de la confusion

Je sais, le titre fait un peu journaleux, tant pis. Si je trouve mieux d’ici la fin de mon billet, promis, je change ce titre.

Le Parigot nous dés-informe sur un conflit à Corbeil dans l’Essone : le Conseil Municipal y a voté hier, malgré les protestations de nombreux parents d’élèves venus assister aux délibérations, l’attribution de la pleine gestion des cantoches de la ville au groupe de restauration Sodexho, qui si j’ai bien compris, avait déjà auparavant la charge de fournir les repas, mais se voit ainsi habilité à gérer les restaurants scolaires de A à Z, dans le cadre de ce qu’on nomme une “délégation de service public“. On passera sur la possible manoeuvre de l’équipe dirigeante de la mairie (tendance LR), qui aurait tenté de décourager les “manifestants” en abordant le vote de cette question en toute fin de séance, plutôt tard donc…  mais la véhémence des parents d’élèves explique peut-être cela, je ne sais. L’essentiel est ailleurs.

Le Parigot titre en effet : “Les parents ne digèrent pas la privatisation de la cantine“. De fait, les témoignages rapportés accusent la mauvaise bouffe, ou en quantité insuffisante, ou les deux : “cela fait quatre ans que nos enfants se plaignent, nous disent que ce n’est pas bon, qu’ils ont faim en sortant de table...”. La Sodexho était donc clairement critiquée pour la qualité de sa prestation , mais la mairie en était-elle consciente ?

Et voilà l’article du Parigot : la privatisation de la cantine est ici montrée du doigt, “les parents ne digèrent pas la privatisation gnagnagna...”.  C’est encore ici en filigrane l’équation idiote “Service public = fonctionnaires”. Pense-t-on que l’embauche de fonctionnaires territoriaux pour faire tourner les restaurants scolaires va garantir une bonne bouffe abondante ? mon oeil ! Il y a plein de contre-exemples. Dans cette affaire, il y a trois conclusions à tirer :

1) il y a, à la mairie de Corbeil, un type (ou une nana) chargé(e) de  contrôler la qualité des repas fournis par Sodexho, et qui ne fait pas son boulot. Il y a un cahier des charges ? il doit être respecté, si la prestation n’est pas correcte elle doit être dénoncée. Ou alors le cahier des charges est mal fait – ça arrive….

2) Sodexho, si vraiment la bouffe est mauvaise depuis 4 ans, est effectivement mal placée pour emporter cette délégation de service public ; ou alors la mairie a serré les boulons pour ce nouveau contrat ? ou alors il y a du copinage ? va savoir.

3) Embaucher, embaucher des fonctionnaires territoriaux, c’est simple, ça marche du feu de dieu, ça permet de “piloter à vue”, et c’est la solution de facilité. Les impôts locaux vous coûtent un bras, vous avez sur les bras, justement, des employés à   faire fonctionner utilement et au mieux – où à faire des batailles navales sur leurs ordinateurs, quand ils ne sont pas à prendre leurs congés de maladie. La délégation d’un service public au secteur privé, ce n’est pas l’abandon de ce service public, ce n’est pas de la “privatisation” : c’est juste – quand c’est fait sérieusement, rigoureusement – de la meilleure gestion.

Et on en reparlera, de la fonction régalienne de la gestion des cantines scolaires.

Tibert

Il jouait du violoncelle debout…

… et pour moi ça veut dire beaucoup, parce que c’est tout sauf facile. Ou alors en étirant démesurément la “pique” de l’instrument ? ça manque de stabilité, ça va osciller, bonjour les couacs ! Tenez, pour l’ “intro” du dernier mouvement de la Neuvième, de Ludwig Van B., une tripotée de violoncelles joue à l’unisson l’amorce lente du thème, dans les tons très graves… vous voyez faire ça debout, vous ?

Bref je suppose – je n’y étais pas – qu’ au concert anniversaire du premier mois de Nuit debout, nombreux furent les musiciens amateurs ou pas qui se procurèrent une chaise, un tabouret, un cageot, pour pouvoir jouer potablement. Orchestre debout ? les piccolos les saxos les violons les percussions les choristes d’accord ; les gros calibres sûrement pas. Mais bon, c’était une belle initiative, même si le répertoire piquait résolument dans les “saucissons”, les morceaux archi-rebattus. On a gentiment épargné au public “Carmina Burana”, la “Petite musique de nuit” pourtant tout indiquée pour l’occasion, et le super-saucisson des saucissons, le  Boléro de Ravel, qui est désormais libre de droits, ayant atteint les 70 années de limite d’âge : la SACEM a fini de se faire des couilles en or avec le Boléro de Ravel.

C’est bien sympathique tout ça : quand les mouvements politisés se mettent à la musique, on est déjà un peu moins sectaire, doctrinal, suffisant, donneur de leçons – un peu moins con, en somme. La musique c’est difficile, ça enseigne la modestie, ça apprend à écouter les autres, à faire avec… parce que si l’on entonne “Viens Poupoule” en Si bémol majeur pendant qu’à côté on joue “Ne me quitte pas” en Ut mineur, ça donne un bel exemple de ce que donne la politique aujourd’hui : de la daube.  Vive donc l’Orchestre Debout, avec, soyons sympa, les violoncelles assis.

Tibert

PS : Ceci étant, j’avoue n’avoir rien compris à l’  “Etat d’urgence” et à ses subtiles modulations : les manifs, les rassemblements massifs – et leurs casseurs, of course, une manif sans casseurs c’est comme la Huitième de Schubert, ça a comme un goût d’inachevé –  c’est autorisé, pendant l’état d’urgence ? bizarre.

Mort aux autres !

Il est des enfonçages de portes ouvertes qui réjouissent, tout aussi réjouissants que…
Monsieur de La Palice est mort,
Est mort devant Pavie,
Une heure avant sa mort
Il était encore en vie.
Ici on nous présente un sondage renversant : pensez, les Français sont opposés à la suppression de l’ISF !!

Mais citez moi donc UN type qui, non soumis à un impôt, souhaiterait qu’on le supprimât pour les autres ?  altruisme admirable, improbable…

Détaillons : sur 36 millions de foyers fiscaux  – théoriques, la moitié ne payent rien – 300.000 payent l’ISF, soit 0,8 %.  C’est l’épaisseur du trait… peu de monde, en somme. Et, c’est humain, les 2/3 des autres veulent absolument qu’on le garde, cet impôt qui n’est pas pour eux. Enfin, surprise ééénorme, les jeunes sont les plus virulents ! Tenez,

  • les 25-34 ans : 73% (salauds de riches, moi qui bouffe des patates)
  • les 35-49 ans :  71% , à peine moins violents,
  • les 50-64 ans : 70%, et toujours pas de Rolex en vue
  • Les 65 ans et plus : 61% ; indulgence de l’âge, et l’on est beaucoup plus concernés.
  • Les jeunôts de 18-24 ans : 54% seulement. Quand je serai grand je serai riche !

On vit dans un pays de symboles, de grigris égalitaristes : on a incendié hier une Porsche à Nantes. Voiture de richards ; la bagnole est juste un tas de ferraille – techniquement très bien foutu, quand même – elle n’y est pour rien, mais elle est haïssable. Ce genre de geste de primate jaloux s’apparente à un pet sonore pendant l’air de la Mort de Didon, de Purcell ; ou, tenez, dans la même veine : “Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver“. Bouuuh les riches ! D’ailleurs Normal-Moi n’ “aime pas les riches” : cette phrase plus-démagogique-que-ça-tu-meurs aide entre autres à se faire élire (ré-élire, ça, on verra).

Avec l’ ISF, on pend ainsi symboliquement à la lanterne les aristos qui ont de la thune, plus de 1,3 Million d’euros, vous imaginez ? pour un ménage qui a bossé 40 ans et plus, 650.000 euros chacun de “fortune” dont en général 85 % dans leur(s) baraque(s) ? c’est un symbole fort que de les taxer, ces “riches”. C’est d’ailleurs pourquoi des ménages se décident à divorcer :  l’ISF  n’est pas pondéré par un quotient familial. Joseph + Roberte ont à eux deux 1,9 million ? ils payent. Joseph divorce de Roberte : à eux deux ils ont exactement autant de fric qu’avant – moins les honoraires d’avocats – mais ils ne payent plus, ils ne sont plus “riches”. Certes, ça crée d’autres problèmes…

Voilà : les Français veulent qu’on fasse payer les riches (*). L’article que j’ai cité plus haut énonce que la France est seule à faire ça, que c’est un impôt contre-productif, du genre se tirer une balle dans le pied ?  ils s’en foutent, c’est bien fait, d’autant plus qu’eux ils ne le payent pas ! Et puis seul un ménage sur deux paye l’impôt sur le revenu : ça aussi c’est un symbole fort de notre démocratie, de l’effort “citoyen”. TOUS les Français contribuent à l’effort national ; les uns pour raquer, les autres pour en profiter.

Tibert

(*) La bonne surprise, finalement, c’est qu’il reste un tiers de Français qui évidemment ne payent pas l’ISF mais ont la lucidité de constater l’imbécillité de cet impôt.

Qui a du Décoince-Tout ?

Relevant hier soir les inévitables “incidents” (en fait, guérilla urbaine bien structurée pour casser) qui ont accompagné les nouvelles et dernières manifs anti-Loi Travail, ayant constaté comment les photographes de presse  étaient à l’affût d’une bavure policière bien saignante à faire monter en mayonnaise, m’avisant que ladite bavure – pas du “bon” côté, c’est un policier qui a eu a droit à une fracture crânienne – n’a donné lieu à aucune montée en mayonnaise dans la presse…

… considérant le blocage “debout sur les freins” des syndicats contre ce projet de loi, je dois dire que là madame El-Khomri a dû lancer (sans le savoir ?) un pavé dans la mare-marmite-marigot  syndical. A entendre monsieur F.O., JC Mailly, remonté comme un coucou, c’est bien l’ordre établi, confortable et ronronnant, qui est menacé. Pensez, on pourrait faire valoir des accords entreprise par entreprise, quand de nos jours ce sont les “organisations professionnelles représentatives” (nos bons vieux syndicats bien installés dans leurs pantoufles et leurs 8 % de taux de syndicalisation, what else ? ) qui négocient les accords dits “de branches”.  La fin du monde… on n’aurait plus forcément besoin d’eux, ils seraient contournables !

Mais bon, ceci m’inspire une réflexion de fond : Quel que soit le gouvernement qui ose toucher ces points trèèèès chatouilleux, “avantages acquis”, statut des fonctionnaires, primat et rentes de situation des syndicats installés… ça déclenchera la guerre. On se rappelle monsieur Juppé “droit dans ses bottes” en 1995, et le  Grand-Chef moustachu CGT ironisait là-dessus hier, car ledit Juppé  a dû battre en retraite : les cheminots ont eu sa peau. Alors, les moulinets de bras des candidats aux présidentielles de 2017, les “je casse tout et je reconstruis“, les “il faut réformer ce pays“… j’entends d’ici Dalida, “Paroles, paroles, paroles...”.

C’est clair, par la gauche ou par la droite, en plus social ou en plus libéral – et par simple souci d’efficacité et pour que ce pays ne crève pas – il faut en finir avec cet archaïque système syndical, totalement sclérosé, vieux de 70 ans et qui nous tue. Mais ici si je dois citer quelqu’un, ce ne sera pas Dalida, mais plutôt Churchill – qui certes chantait moins bien : “de la sueur, du sang et des larmes“.

Tibert

Conne ivences journalistiques

Monsieur Finkielkraut occupe beaucoup beaucoup les médias (c’est médias en français francisé, mais ce serait media en latin puisque c’est du latin, medium, pl. media). Non que ce soit lui qui brasse excessivement l’air et nous pompe l’oxygène : il fait son boulot, pense et exprime ce qu’il pense, anime ou nourrit entre autres des émissions de radio – dont “Répliques” le samedi matin sur France-Culture, qui devrait vous intéresser – bref il fonctionne. Il fut, il y a peu, chahuté et viré à “Nuit Debout”, ce happening  vespéral et très parisien (*).  Il en tira des conclusions verbales claires (“gnagnagna, petite conne“), sans doute excédé par une militante hostile et véhémente ; puis il s’exprima là-dessus – en exclusivité, ce que je regrette – dans le Figaro du 19 avril. Je n’ai pas lu l’article : il fallait payer, alors payer pour lire un contenu globalement déjà connu, non merci.

Mais là où ça devient rigolo, c’est que le Monde revient sur cet article : au Monde, ils ont payé pour lire, ils ont les moyens, ou entre journaux ils s’arrangent, et ils ont lu l’article de Finkielkraut dans le Figaro. Et, chouette, ils tartinent dessus ! va-t-on savoir, gratos, ce que le Figaro nous cache des déclarations finkielkrautesques ? des clous, l’article est payant, je suis coincé.

Bref j’ignore toujours, sinon les positions grosso modo, du moins le verbatim de  l’article de Finkielkraut dans le Figaro, et ça me chagrine. Reste à espérer qu’un jour à “Répliques”, qui s’écoute gratuitement,  Finkielkraut (**) reviendra sur ce “papier” ; ou alors, ultime espoir, que le Monde Diplomatique nous régale d’une reprise de cet article ?  Si vous passez le soir tard sur le terre-plein de la place de la République – à  Paris, ça va sans dire – il semble, il paraît, amis radins, qu’on distribue gratuitement cet estimable périodique à Nuit Debout.

Tibert

(*) Vous vous demandez, perplexe, qui émerge, qui pilote, qui sont les têtes pensantes de Nuit Debout ? voyez cet article du Figaro, peu suspect d’apprécier ce mouvement. A vrai dire l’article en question met clairement en cause le “Monde Diplomatique”, cité  cinq fois. Notez, ça expliquerait la grande tendresse du “Monde” pour Nuit Debout.

(**) Tenez, une astuce pour vous éviter la pénible épreuve d’écrire 17 fois “Finkielkraut” : vous mettez AF à la place. Et puis, le billet terminé, ficelé, vous faites un “chercher-remplacer” sur AF : d’un seul coup d’un seul, un magnifique “Finkielkraut” sans coquille dans votre texte, et sans effort.

Excusez, y a erreur

Je lis ça dans le Figaro (haro à rôts) et, oh joie, cet article n’est pas payant (mais embrumé de pub, faut bien qu’ils vivent…) à propos d’un affreux fait divers : trois jeunes surdoués et désoeuvrés (la MJC a brûlé, y savent pas bien lire et y z’ont pas de thune) déchiffrent dans la presse un encart de pub pour un serrurier “Installation de portes blindées etc” ; l’annonce cite un nom, disons, arabo-sépharade : BenMachinChose ou ElTrucBidule… c’est-y arabe, c’est-y juif ? va savoir. Eux y savent : c’est forcément un Feuj, on va marquer le coup, on a la haine, d’sa race, etc etc.

Ils l’appâtent avec un prétendu devis de porte, le font venir et le tabassent : ils ont un surin, une bombe lachrymo, bref c’est sa fête, le malheureux serrurier s’en sort vivant mais assez abîmé. Je laisse la parole au Figaro : “ (Ils) s’étaient mis en tête, étant donné la consonance juive du nom de famille, d’agresser l’homme en question… qui n’était en fait pas juif.”

Ah les cons ! fallait le dire ! y a maldonne (comprenez, si ç’avait été un Juif, pas de problème ! ) Mais bon, errare humanum est, pas vrai ? on va pas les accabler, ces petits – des mineurs, en fait. Donc on les a placés sous contrôle judiciaire, bouuuh c’est très vilain ce que vous avez fait là, vous devriez avoir honte. Risquons-nous à les nommer : Jean-Paul, Serge et Thibault, mais rassurez-vous, les prénoms ont été changés pour des raisons évidentes 1) de minorité, 2) de correction politique, 3) pas d’amalgame ni de stigmatisation.

Comme vous voyez, on est bien protégés. J’oubliais : la fille en jupe “trop courte” qui s’est fait mettre la tête au carré par trois autres filles pour lui apprendre la décence… j’en frémis : en jupe trop courte ET juive, elle était foutue.

Tibert

Le roi, le géant, et puis quoi ?

Les seules nouvelles que la presse daigne nous communiquer en titres concernent le décès à cinquante-huit balais du chanteur états-unien Prince. Et mort mystérieuse par ci, et surdose par là, et son avion a fait demi-tour, hommages unanimes, quel talent, quelle perte, un multi-instrumentiste de génie, musicien de génie (plein de trucs de génie), quelle bête de scène, il aimait la France, le géant de la pop…

Oh, oh, là, on se calme. Michael Jackson “le roi de la pop”, Prince “Le géant de la pop”, qu’est-ce qui va rester aux autres ? les adjectifs, les hyperboles vont manquer. Déjà que David Bowie nous a quittés dans une envolée de superlatifs, où va-t-on ? on va crever les nuages. Du calme !
Ce type, là, Prince Rogers Nelson, a brûlé la chandelle par tous les bouts : naturellement, il meurt jeune, c’est assez normal, prévisible, pas de quoi pousser des hurlements. A contrario, tenez, prenez Elisabeth II : quatre-vingt-dix balais, et encore tous ses chapeaux aux tons chatoyants : la reine tout court, et la reine des chapeaux. Elle s’économise, elle, elle dure. Et, soit dit en passant, elle évite de chanter trop fort, et elle articule : des phrases en anglais qu’on comprend, c’est assez miraculeux.

Je sais, Prince mort, c’est dur, je compatis. Ce qui me rappelle l’anecdote de Desproges, qui à la mort de Brassens en avait perdu l’appétit, tandis que pour celle de Tino Rossi il avait repris du cassoulet. Moi, je vais vous dire : si j’additionne tout le fric que j’ai dépensé pour les trois éééénormes vedettes mondiales qu’étaient Prince, Jackson, Bowie, j’arrive à zéro + zéro + zéro = la tête à Toto. Si encore ces types avaient chanté des textes intelligibles, je ne dis pas, mais moi le yaourt, la bouillie sonore, j’évite. Parlez-moi d’amour, ah dites-moi des choses tendres, mais sans hurler, et distinctement, merci.

Tibert

Après la Journée de la Jupe…

… le “hijab day” ? ça le fait tellement mieux en anglais ; en français ça ne vaut pas un clou, “la journée du voile” (islamique, what else ?) et si Isabelle Adjani avait exigé, au cours de ses négociations bidon avec la Police dans le film éponyme, un “Skirt Day”, peut-être l’aurait-on prise au sérieux, peut-être ne serait-elle pas morte d’avoir réclamé l’impossible, peut-être (*) y aurait-il un Skirt Day chaque année à l’Educ’Nat’ ? un jour, pas plus, il est si impudique, mesdames les profs, de vous balader autrement qu’en pantalon dans votre bahut, n’est-ce-pas ; alors, un foulard en plus, on n’est plus à ça près… tiens, la burqa, ça vous tente (canadienne) ? on peut planquer un max de trucs là-dessous, même des femmes.

Bref, des étudiants de Sciences-Politiques invitent très gentiment leurs collègues à se coiffer volontairement d’un foulard, pour un jour, “pour voir” (pour voir l’ostracisme ambiant, ce que ça fait, comme on est bien, comme on est libre, etc). Ils / elles leur montreront comment le mettre, ce foulard, comment bien cacher les cheveux ; c’est ça qui est important, cacher les cheveux. Le diable est dans la chevelure des femmes. Notez au passage comme sur la photo d’illustration au document d’invitation la femme en foulard est mignonne : on n’a pas pris la plus moche !

Mais  dans cette optique, et pour vous faire une idée d’un tas de trucs très cool, allons-y pour… (en anglais si vous y tenez : en français c’est d’un commun…) : le Kippa Day, la Journée du Turban Sikh, le Jour de la Sainte Médaille de la Bonne Vierge, celui de la ceinture d’explosif factice, le Moustache Day,  The French Hare-Krishna Day (crâne rasé, sari orange, pieds nus évidemment, et les mini-cymbales pour rythmer les psalmodies), la Journée de Boudha… on évitera bien sûr – rien d’irréversible, c’est juste pour voir – les initiations d’un jour à la circoncision, à l’excision, à l’anneau bovin dans la pointe du nez et autres modifications corporelles plus ou moins teintées de religiosité.
Le sinistre là-dedans c’est que les lois sur la laïcité  on été promulguées pour endiguer l’empiètement de TOUTES les religions sur l’espace public : à ma connaissance il n’y en a qu’ une qui occupe le terrain médiatique. C’est dommage, tout de même. Que font les autres ?

Tibert

(*) Je vous ai fait une anaphore, là : “peut-être… peut-être…” comme “Moi Président gnagnagna…” : c’est beau, non ?

Voyage au debout de la nuit

La Nuit debout  ? c’est pour moi – avec des minuscules, ne nous prenons pas la tête – un bout de nuit à “partir en piste”, vaguer et puis par exemple refaire le monde, accoudé au zinc d’un bar, “devant la bière allemande“. La nuit debout, c’est ce très beau poème chanté de Léo Ferré, “Monsieur Richard” :

Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles
A certaines heures pâles de la nuit
Près d’une machine à sous, avec des problèmes d’hommes
simplement
Des problèmes de mélancolie
Alors, on boit un verre, en regardant loin derrière la
glace du comptoir
Et l’on se dit qu’il est bien tard…

Ils regardent loin loin derrière la glace biseautée du comptoir, les habitués des Nuits debout, et c’est ma foi sympathique et rassurant  de voir comme il est possible et profondément démocratique de libérer la parole nocturne (sauf que Finkielkraut s’y est fait insulter et jeter hier soir ; la place de la République n’est pas ouverte à tous et la démocratie s’y montre très orientée ; on n’est pas prêt à y entendre des voix dissonantes, vive l’unisson, c’est plus simple). Reste à trouver, entre deux nuits et plein de cafés, le temps de dormir un chouïa, militer, tracter, coller des affiches, préparer des banderoles, participer aux réunions, quand il ne s’agit pas pour certaines chapelles plus radicales de confectionner des cocktails inflammables et de s’approvisionner en barres de fer et en cagoules, pour aller à certaines heures pâles de la nuit casser des vitrines, allumer des poubelles, exploser des abribus, affronter des flics las de leur nuit, justement, ces flics qu’on avait acclamés et remerciés au lendemain des attentats de Charlie. Va comprendre…

Va comprendre… les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, c’est à dire hors de leur formatage politique, de leurs techniques d’entrisme et de leurs solutions téléphonées : “grève générale”, “étudiants-travailleurs”, eux qui pour beaucoup n’ont jamais mis les pieds dans une boîte. Et l’on invoque, la nuit, debout,  la “convergence des luttes”, et l’on convoque la Sainte Grève Générale, et l’on rejoint des deux pieds les “justes revendications” des cheminots SNCF, ces damnés de la terre 😉 …

Le tout sous les yeux attendris de madame Taubira, qui dit sa profonde joie, et des journaliste du Monde, qui boivent visiblement du petit lait. Et ça invoque les mânes, ça ranime la flamme. Esprit de Mai 68 es-tu là ?

Tibert