Je suis pour l’anti contre

Je fus ce matin fort tôt interpellé par un titre de la presse quotidienne nationale (« nationale » = parisienne, la presse provinciale n’étant pas nationale) : « Lundi noir de mobilisation en Pologne contre le projet de loi anti-avortement« . Voilà : avec cette histoire polonaise, nous avons une superbe superposition de deux négations, « anti- » et « contre » ; je dirais même plus, trois négations, car « noir » c’est négatif, et tant pis pour le politiquement correct, Septembre noir, journée noire, broyer du noir, voir tout en noir c’est clairement sombre, négatif. Est-ce à dire qu’ a contrario « un lundi blanc« … ?  peut-être, mais si j’avais à peindre, tel Rimbaud ses voyelles, les jours de la semaine en polychromie, lundi serait noir de noir ! donc de mon point de vue,  « Lundi noir », sans être vraiment un pléonasme, c’est un enfonçage de portes ouvertes.

Mais je me souviens vous avoir entretenus, il fut un temps, des circonlocutions ardues et par là-même confuses qu’engendrent les empilements de négations. Au passage, notons qu’à l’inverse, empiler les affirmations, les termes positifs, c’est juste inutile, voire pesant : « Lundi blanc en Pologne pour soutenir le projet de loi favorisant l’avortement« , ce serait d’abord ahurissant, connaissant les Polonais, et puis à quoi bon soutenir un truc qui roule tout seul ? autant aller bosser…  bref, revenons à nos moutons noirs, de quelle négativité parle-t-on ? ici intervient la MORALE, qui va vous indiquer le négatif et le positif.

Tenez : phobie et philie sont négatif / positif, opposés donc, mais dans quel sens ? stop, je vois que vous allez énoncer une ânerie : philie c’est positif, « on aime », phobie négatif ? eh non, ça dépend du préfixe. Questionnez la morale ! le pédophile est un pervers, un prédateur, tandis que le pédophobe… si si ça existe,  j’en connais, est un vieux grincheux qui déteste les gosses, mais après tout ça vaut mieux que l’inverse, pas vrai ? et l’haltérophile ? ni bien ni pas bien, il soulève de la fonte, tout le monde s’en fout ; moi je serais plutôt haltérophobe, par paresse. Dans un autre genre plus kafkaïen, tout négatif, l’hémophilie est affreuse, et l’hémophobie bien gênante !

Revenons à notre lundi noir et polonais : deux-trois négations ça va encore, mais pas plus ! il s’agit en fait pour le gouvernement polonais d’interdire les avortements volontaires et thérapeutiques, et il y a là un non-dit –  mais je vous le dis, c’est dit c’est dit – cela ne supprimera évidemment pas les avortements, mais ça dédouanera les Chefs là-haut de tout conflit moral (!!), et puis surtout ça contentera les catholiques bigots, très nombreux là-bas. Simplement, si ce projet de loi aboutit, les Polonaises décidées à avorter, soit feront appel à l’aiguille à tricoter, la tige de persil, l’injection d’air ou de savon liquide… toutes opérations clandestines et surtout très risquées, soit prendront le large pour aller faire ça moyennant finances et dans des conditions sanitaires correctes en Allemagne, au Danemark ou aux Galapagos… mais pas en Pologne !

Alors reformulons  : la loi en projet en Pologne n’est pas « anti-avortement » : contrairement à un tissu anti-tâches, qui lui ne se tâche pas, sinon on va rouspéter chez le vendeur, elle n’empêchera pas les avortements, tout le monde le sait bien ; elle veut juste les rendre plus difficiles, plus risqués et plus chers. Ce qui est anti-tâches en revanche, c’est la vertueuse initiative du gouvernement polonais. Ce qui illustre bien l’aphorisme oh combien vrai du regretté Léo Ferré-Graine-d’Ananar : « Ce qu’il y a d’encombrant dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres« .

Tibert

PS – J’apprends avec joie le sauvetage du site Alstom de Belfort, le gouvernement ayant décidé d’acheter urgemment (avec nos sous) quinze TGV pour rouler comme des trains Corail : bonne idée ! qui peut le plus peut  le moins etc etc… Dans le même esprit, si l’usine Aubade à Saint-Savin vient à capoter, mettre la clé sous la porte, je suggère que nos gouvernants achètent pour renflouer ce fleuron national un nombre significatif de dessous féminins, petites culottes, soutien-gorges, guêpières etc.

2 thoughts on “Je suis pour l’anti contre”

  1. « … Si l’usine Aubade à Saint-Savin vient à capoter, mettre la clé sous la porte, je suggère que nos gouvernants achètent pour renflouer ce fleuron national un nombre significatif de dessous féminins, petites culottes, soutien-gorges, guêpières etc. »
    … C’est ça Tibert ; et de les envoyer ensuite par TGV entiers en Pologne ! comme dit un vieux proverbe « L’homme est de feu, la femme d’étoupe et le diable souffle dessus… »
    Comme ça, arrivera un moment où le nombre d’IGV en instance deviendra tel à Varsovie et/ou ailleurs que le gouvernement polonais sera bien obligé de se dire qu’il y a une… couille (pardon…) quelque part (ou plutôt deux !) dans sa politique de « démographie négative » (qui avait inventé cette perle ? C’est pas Sarkozix, jadis ?)
    Bon, toutes mes excuse pour avoir été un rien libidineux ci-dessus… mais j’ai pas encore pris mon n’tit dèj et tant que ce n’est pas fait, Dieu seul sait ce dont je suis capable.
    Bisooooouuuuuus !!!!!!!!

    1. Déjeunez vite, ça craint, hypoglycémie et bouffées délirantes. Ceci dit, les Polonais ont rengainé leur lamentable projet de loi – liraient-ils ma prose ?

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