Grévisse sans fin

Allez, c’est dimanche, l’air est doux (mais le fond de l’air est frais), on va se faire une séance de pinaillage, façon vieux schnock radoteur. Je lisais dans une revue régionale de l’Ouest, assez élitiste (2.900 exemplaires tout de même) axée sur la consommation, style « ne nous laissons pas entuber, mes frères », je lisais donc, dis-je,  une vengeresse chronique sur un conflit avec un fournisseur d’accès Internet (en abrégé FAI), vous savez, celui qui a un nom de jeune fille, et qui nous montre cette jeune fille en robe décolletée, rouge, à tous bouts de champ. Appelons-le Aline. Bref, voici, je lis sans sourciller « … et peut-être à la suite d’un malentendu, Aline a refusé de lui faire profiter de cette offre, et le client s’est acheté lui-même blahblahblah« . Bon, je continue ma lecture, mais dans un coin de mon pauvre cerveau (voyez tout de suite la planche de BD, la loupiote qui s’éclaire dans une bulle au dessus de ma tête) une alarme retentit, et… je m’arrête, je reviens, je tourne autour… et elle est mal foutue, cette phrase !!!

Voyez, c’est pernicieux, parce que c’est à peine visible. Mais « … refusé de lui faire profiter de… » c’est mauvais ; c’est « … refusé de LE faire profiter de cette offre » qu’il eut fallu écrire.

« Je le fais pistonner à ce poste » : oui certes, grammaticalement ça ne se discute pas. Personne ne penserait à écrire « je lui fais pistonner ». C’est du direct, du C.O.D en jargon des pédagos.
Je lui écris une lettre = j’écris une lettre à lui. Evidemment, écrire à… ça se comprend bien comme ça. Ce n’est plus du C.O.D. C’est de l’indirect, ça madame.
Je fais profiter qui ? lui , de cette offre : C.O.D. de nouveau. Donc « je le fais profiter ». Que ce soit d’une offre d’Aline, on s’en bat l’oeil, ça ne change rien.
Bon, c’est clair, donc, il y a un loup dans « lui faire profiter de » ; mais pourquoi ça ne saute-t-il pas aux yeux comme « dont au sujet duquel je vous cause » ? Eh bien, cher lecteur, c’est là que le bât blesse. Implicitement, on entend « à lui » … eh oui, c’est du parler écrit qui refait surface : « je le fais profiter, à lui (putaing, cong, diraient les toulousains), de cette offre mirifique ».

Et wouala, ici finit ce billet carrément pénible, j’en conviens.

2 thoughts on “Grévisse sans fin”

  1. je te signale que la 14ème édition du « bon usage » de feu maurice Grevisse vient de sortir, rajeunie et toujours publiée en Belgique aux éditions Duculot

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