On sait que “Dieu” ne se dit pas – ne se représente pas, ne s’invective pas etc… – dans certaines religions, notamment la religion juive, sauf à doses homéopathiques. On ne prononce pas Son nom, le tétragramme YHWH, c’est interdit. Bon, si ça leur va comme ça… moi, YHWH, je peux vivre sans.
Il y a un autre nom qui est imprononçable, c’est le pentagramme L-O-B-B-Y. Vous avez dit “lobby” ? le lobby de l’hôtel Meurice ? pas de problème. Le lobby des limonadiers ? des marchands de canons ? des cigarettiers ? des labos pharmaceutiques ? des taxis ? des céréaliers ? les lobbies qui hantent les couloirs de l’Europe à Bruxelles, les lobbies des lobbyistes ? bien entendu. Lobby, oui oui. SAUF lobby juif, ah non, pas çui-là.
C’est un truc qui n’est pas. Qui ne se peut pas. Impossible, aberrant, scandaleux. Mais l’AIPAC aux Etats-Unis, qu’est-ce ? euh… un “groupe de pression visant à soutenir Israël…” (voir la page wikipedia en anglais consacrée à cet organisme : “The American Israel Public Affairs Committee is a lobbying group that advocates pro-Israel policies...”. Eh oui, “groupe de pression” en anglais, c’est lobby.
Mais en France le terme “lobby”, flanqué de l’adjectif “juif”, “lobby juif” ou “groupe de pression juif”, on ne peut pas le dire. Pourquoi ? euh… les juifs sont sans doute les seuls à ne pas avoir le droit d’animer des groupes de pression. Tenez, le CSA cherche des noises à Sud-Radio parce que lors d’un débat, un auditeur a émis l’hypothèse que monsieur DSK aurait pu bénéficier de l’aide des Juifs, bref, d’un lobby juif.
Certes, le CSA argumente non seulement sur la terminologie employée, mais aussi sur la façon insistante dont cette question a été abordée. Certes, il y a différentes façons de dire une même chose. Mais constatons-le, on est désespérément accro’ à 39-45 par chez nous ; on ne loupe pas la moindre occasion de seriner le jingle-épouvantail : “les heures les plus sombres de notre histoire” ; de même qu’un tram affrêté pour transporter un groupe de Roms provoque aussi sec des cris d’horreur et des références à la rafle du Vel’ d’Hiv’ ou à “Nuit et Brouillard” – excusez du peu, ne manquent plus que les pyjamas rayés, “Arbeit Macht Frei” et les fumées des crématoires – de même “lobby juif” déclenche des clameur d’indignation : c’est Céline, Vichv, Gringoire et les Croix de Feu tout à la fois.
Il serait peut-être temps de constater que la guerre 39-45 est terminée, qu’Hitler est mort depuis deux tiers de siècle, et que le contexte a changé. Allumez donc la T.S.F sans crainte, les patrouilles vert-de-gris bottées de noir ne passent plus dans la rue ; il n’y a plus de brouillage ; “Ici Londres…”, “les carottes sont cuites” : c’est fini tout ça.
Tibert
