Début de débat

Juste un début, justement : Le Monde nous  livre gratoche le début d’un article sur le terme ensauvagement. Article dont on pourra imaginer la suite, toujours gratuitement, ou bien qu’on pourra lire in extenso en s’abonnant ou en l’achetant… et le débat, donc, s’amorce en nous informant que, je cite, la droite radicale se réjouit de la banalisation du mot « ensauvagement ».

Je ne sais pas si elle s’en réjouit, la droite radicale, mais on lit en filigrane que Le Monde, qui n’en est évidemment pas, de la droite radicale, ne s’en réjouit pas !  affreux, ce terme, donc… madame Lecolle, enseignante-chercheuse universitaire en Lorraine, abondamment citée dans cette amorce d’article, écrit en effet ceci : Quand Darmanin reprend le terme, il n’a pas besoin de préciser “ensauvagement de qui, de quoi ?” [ Darmanin disait : ensauvagement d’une partie de la société, ce qui n’est en effet pas très précis, NDLR ] On pense automatiquement “banlieues, immigration, etc”. Ce ne sont pas les mots qui disent ça, mais ceux qui se les sont appropriés qui les ont chargés de ce sens.

Eh oui, en somme, les mots appellent les mots, comme lorsqu’on entend Réaumur on complète in petto par -Sébastopol ; et « une partie de la société », ça se prolonge ensuite dans certaines oreilles mal construites avec « banlieues, immigration, etc ». Les gens ont l’esprit mal tourné, non ? pourquoi, mais pourquoi grands dieux ne suppose-t-on pas qu’il s’agit des bourges des beaux quartiers, de la France rurale et paisible, des têtes chenues ? Ah c’est terrible, ces présupposés… tsss.

Bref il va falloir, pour désigner ces formes de délinquance insolente qui gangrènent des quartiers non identifiés, pratiquées par des populations inconnues, trouver un terme qui ne stigmatise pas, qui ne se prolonge pas tacitement du mauvais côté. Le mieux, tiens, serait qu’on ne désigne pas : ça ferait plus propre. Ou alors, un terme anglais ? (*)

Tibert

(*) Et voilà ! ils font du suburbs-bashing  !

 

4 thoughts on “Début de débat”

  1. Ouais, comme vous dites Tibuche : les mots appellent les mots ! Et dans une société comme la nôtre, qui s’enivre à tours de bras de blabla stérile – à défaut d’agir ! -, rien de tel qu’un néologisme bien senti ou qu’une alliance de mots inattendue et/ou antinomique pour pouvoir briller dans les dîners mondains…
    Un néologisme… ou une expression d’autant plus promise à un vif succès audiovisuel que son sens est complètement abscons*. Mais ça fait tellement docte…
    Du côté des néologo-barbarismes, j’ai déjà dénoncé ici les horribles « dangerosité » et autres « contagiosité » ; l’odieux « ensauvagement » ne déparera pas le lot… pour ne citer que ces trois-là ! Cependant, comme vous le soulignez à juste titre, à changer le sens des mots, on perd sa liberté. J’en lisais un post d’un commentateur du Net il y a peu à propos de la « déflation » verbale qui nous guette, tout comme nous guette désormais une autre déflation, monétaire celle-là : il y a une inflation/déflation du verbe comme il y a une déflation (en cours !) de la monnaie ; c’est du pur Weimar ; à force de dire tout et n’importe quoi, il y a une perte de confiance totale dans la parole des gens qui nous gouvernent… (ou plutôt qui sont censés le faire !) qui fait assez penser à la perte de confiance dans la monnaie-papier ; laquelle approche à grand pas avec les nouveaux chômeurs et certaines aberrations du style « salaire minima pour tous ». Ou comment être payé, non plus seulement à ne rien faire, mais purement et simplement à consommer. Soit encore l’être humain réduit à sa plus simple expression : destructeur…
    Je ne sais pas pourquoi, mais tout ça me rappelle un scandale qui s’était produit aux USA dans les années 60, et plus exactement à Detroit : certaines usines d’assemblage de bagnoles produisait des exemplaires jusqu’à l’épuisement de leurs stocks de pièces détachées. Parmi ces modèles, beaucoup sortaient donc souvent des chaînes partiellement inachevés par manque de certaines pièces ; ce qui n’avait aucune importance puisque de toute façon, ils ne seraient jamais mis en circulation : on les immergeait au fur et à mesure dans les Grands Lacs (où il faisait de superbes HLM à poissons et crustacés, par ailleurs…) ; le but étant tout simplement de maintenir les cadences de production, histoire d’éviter un krach général de l’industrie automobile américaine et le mahousse chômage qui ne manquerait pas de s’ensuivre.
    On marche sur la tête entend-on de plus en plus souvent dire ça et là… Oui-oui ! et ça ne date pas d’hier : c’est, de par sa nature-même, tout le système qui est corrompu. Depuis longtemps, sinon dès le départ. Et les excès de langage n’en sont qu’un symptôme parmi d’autres…
    T.O.
    (*) … s’emmerde ici !

    1. Ah, vous n’aimez pas ensauvagement ? pourtant c’est plus harmonieux que sauvagisation, sauvagerisme, sauvagerisation, etc. Moi je pense que c’est bien trouvé, littérairement s’entend ! avec le « en… » qui annonce une démarche en progrès. C’est d’ailleurs là que le bât blesse, car les sauvageons sont bien là depuis pas mal de temps déjà ; il s’agissait juste de s’en aviser, ce qui est difficile avec des « peaux d’sauss » devant les yeux et en regardant ailleurs. Et, pour préciser ma pensée, si « ensauvagement » évoque irrésistiblement les banlieues, les cités et l’immigration, ça se fonde bien sur quelque chose, non ? Les Ritals diraient : La colpa di chi ?

  2. Ce n’est pas « l’ensauvagement » en soi que j’aime ou que je n’aime pas, c’est cette façon crétine de forger des néologisme à tout bout-de-champ pour s’éviter d’avoir à chercher si les mots pour ce que l’on veut dire – quand il y a VRAIMENT quelque chose de nouveau à dire ! – n’existent pas déjà… ce qui est le plus souvent le cas ; pensons à De Gaulle et à ses archaïsmes délicieux, résultats d’une culture tout à fait exceptionnelle ! Je ne sais pas si vous vous êtes jamais intéressé au vocabulaire du français médiéval ? C’est d’une richesse ahurissante – surtout par rapport aux 150 mots qui composent le vocabulaire moyen ordinaire du français (individu) d’aujourd’hui – et c’est véritablement un chagrin de voir tous ces termes désormais et définitivement désaffectés ! Je ne puis m’empêcher de penser que l’appauvrissement du vocabulaire est parallèlement symptomatique de celui de la pensée… (voir mon com précédent) et que c’est là que ça devient grave… (voir plus bas), pour ne pas dire désespéré !
    J’y songeais d’autant plus en lisant il y a peu toute une rafale de « posts » sur le site officiel de la Ville de Roubaix. Une nénette de là-bas y balançait ses « réflexions » sur la vie d’aujourd’hui, et le seul qualificatif qu’elle y employait (ou plutôt suremployait), c’était « grave » : Tout était grave-ci et grave-ça, à longueur de pages et à tout propos. Mais dîtes-moi : elle a ou aura un jour une carte d’électeur, la débile en question ?? Y’a de fortes chances, ouais ! Après ça,on s’étonne qu’on arrive à élire un magistrat suprême à la tête de la France, avec à peine 23% – soit pas même le quart – des voix des électeurs ! Encore notera-t-on que le corps électoral lui-même ne représente qu’une partie de la population !
    Bref : pour me remettre, je me suis offert – en solde, neuf à pas 10% du prix du neuf et c’est à peine si ça les vaut… – le dernier Oùestlebecq, « Soumission », dont nous parlions précédemment, je crois. C’est à la hauteur des précédents et je ne saurais trop vous conseiller de le lire en plein air, ou tout du moins dans une pièce bien aérée…
    La faute aux miasmes.
    Encore ne dis-je rien de la trame « psychologique », qui aurait légèrement tendance à reproduire des précédent(e)s (« La possibilité d’une île »…).
    En outre, il y a tellement de références à notre « contemporanéité » qu’en moins de 5 ans (2015), certains « détails » sont déjà complètement obsolètes ! Bref : si vous vous sentez légèrement dépressif, à proscrire absolument ! à moins que vous ne soyez fasciné par l’état de la bite du narrateur… ou des mycoses de ses orteils : je parlais de « miasmes », ce n’est pas par hasard.
    La littérature d’aujourd’hui, c’est comme les rasoirs BIC : à jeter tout de suite après s’en être servi. Et pour ce qui est de raser…
    T.O.

    1. Oui, Houellebecq s’intéresse fort – Il n’est pas seul, notez – à son appendice caudal, au long de ses bouquins ; de fait il prête cet intérêt romancé au classique « narrateur », qui lui ressemble assez. Et notez aussi que moult « boîtes à livres » sont ouvertes et prêtes à recueillir les trucs qui vous ne bottent plus, ou pas du tout. Perso je fréquente celle du bourg qui est proche, et ça fonctionne.

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