… et vice versa, ne l’oublions pas !

Je ne vois pas au nom de quoi on peut interpeller et mettre en garde à vue le vendeur de mobiles de Mulhouse qui invectivait monsieur Finkielkraut, disons A.F., samedi dernier à Paris : 1) la victime des horions n’a pas porté plainte, ni personne en son nom, à ma connaissance ; 2) c’est un discours de haine, certes (il traite A.F. de haineux, mais visiblement c’est çui qui l’dit qu’y est ), et puis débile, relevant de vieilles superstitions religieuses, punition divine, enfer… des sornettes.

On est sous le coup de l’émotion, là, on veut réagir à ce flot de vindicte : très bien, manifestons notre solidarité avec un intellectuel très probablement insulté et agressé, a) parce qu’il est Juif, nobody’s perfect, même pas moi – b) pour ses positions politiques envers Israël… mais le suspect dont je traite ici, lui, n’a pas insulté A.F. verbatim en tant que Juif – ce qui tomberait illico sous le coup de la Loi. On l’entend beugler – entre autres amabilités – « barre toi, sale sioniste de merde », et c’est là the point, comme on dit outre-Manche, c’est là le hic…

… le hic, donc, car le Monde met dans le mille du sujet avec cet article des Décodeurs  – que je vous recommande – « aux origines du glissement de vocabulaire de « juif » à « sioniste »  : le suspect aurait en quelque sorte articulé « sioniste » en pensant « juif  » – hypothèse que renforce l’adjectif « sale », classique duo de l’insulte, comme belle lurette ou Réaumur-Sébastopol. Le Monde, donc, nous explique que « sioniste » est utilisé en lieu et place de « Juif », je cite :
« L’antisémitisme, apparenté au racisme, est puni par la loi. Mais l’antisionisme, en tant que critique d’un projet politique, ne l’est pas. D’où un usage de plus en plus répandu du terme « antisionisme » pour parler en réalité d’antisémitisme, voire de « sioniste » pour « juif ».

Dont acte : d’aucuns se planquent derrière le terme sioniste pour dénigrer le Juif, et le type de Mulhouse en est peut-être – il pourra sûrement s’en expliquer. Mon propos va plus loin, et j’inverse le discours : il est tout aussi injuste d’assimiler toute critique du sionisme à de l’antisémitisme ! car dès lors il n’y a plus de critique du sionisme : c’est le baillon ! en ce sens je ne suis pas d’accord avec Macronious énonçant (voir l’article du Monde) : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme ». Eh non, et moult partisans de la paix au Proche-Orient, de la solution dite « de deux états » – si tant est qu’elle soit encore envisageable – critiquent le sionisme tel qu’il se montre dans sa forme actuelle, et avec de solides arguments. J’aurais préféré une formulation telle que « Nous ne céderons rien à ceux qui sous couvert d’antisionisme manifestent leur antisémitisme ».

D’ailleurs, de l’eau à mon moulin, les Décodeurs citent, dans le droit fil de mon propos, le député LREM Sylvain Maillard, président du groupe d’études sur l’antisémitisme de l’Assemblée nationale : « On doit pouvoir continuer à critiquer la politique de l’Etat d’Israël ». Je ne dis pas autre chose, et en même temps fustigeant le caractère infect de l’anti-judaïsme.

Tibert

2 thoughts on “… et vice versa, ne l’oublions pas !”

  1. … Vous connaissez bien entendu la tactique des seiches pour échapper à leur(s) prédateur(s) ? Elles leur balancent une pleine giclée d’encre à la gueule pour masquer leur fuite…
    C’est ce qu’on appelle « faire diversion » et selon toute apparence, nos avortons politiques n’ont encore rien trouvé de mieux pour leur préservation. Et « l’encre » prend ici une valeur hautement symbolique !
    Je n’ai aucune sympathie pour ce vendeur de téléphones portables – bien au contraire ! – mais que je sache, il n’a nulle part été mentionné le mot « juif » dans les insultes qui lui sont reprochées…
    Il a parlé de sionisme, ce qui est une doctrine politique et non pas un religion ou une origine ethnique. Et la confusion entre sionisme et antijudaïsme* ne doit surtout pas être entretenue, n’en déplaise à notre cher Résident de l’Irrépublique, qui semble oublier qu’il est – ou plutôt devrait être ! – le président de TOUS les français, sans distinction de race, de sexe, de religion, d’opinion, etc. etc.
    Par contre, comme je le soulignais dans un billet précédent, ce simple incident, soigneusement battu en neige et/ou monté en épingle (comme vous préférez) tombe à point pour détourner une opinion publique on ne peut plus volage des choses importantes – sinon sérieuses – qui continuent d’agrémenter du jaune printanier des jonquilles et autres boutons-d’or nos chers rond-points chaque samedi ; surtout quand il y a menace de scandale en vue au plus haut niveau. On ne cesse donc de nous prendre pour de niais imbéciles.
    « Tempus varietur », disaient les anciens. Ouais. Mais ça dépend de où et quand !
    T.O.

    (*) Je ne parle pas d' »antisémitisme » parce que jusqu’à nouvel ordre, les arabes sont aussi sémites que leur cousins juifs me semble-t-il, non ? … Pour le reste, le Parquet s’est « auto-saisi » de l’affaire ai-je lu qqpart, puisqu’il n’y a pas eu de plainte de A.F. lui-même. Et de quoi qu’y s’mêlent ceux-là ? « S’autosaisir… » ? Ce n’est pas ce qu’on désigne ordinairement par « masturbation », ça ? Oooouuuhhhlàlà, que c’est vilain !!!!! Eux aussi vont aller en enfer ; c’est Monsieur l’abbé qui l’a dit au caté.

    1. S’autosaisir… et en plus ça rend sourd, entretemps. Ce qui me rappelle Georges Bataille : « je me saisissais comme un singe « . Sacrée langue, n’est-ce pas ? Ceci étant, je ne vous suis pas sur vos suppositions d’enfumage, de montage en épingle ou de battage en neige, au choix ; je constate simplement sur cette affaire Finky une saine réaction des Français – la manif de refus du racisme – mais un zèle inapproprié, excessif, de la justice, et qui pourrait tomber à plat, faute de munitions. Et on est d’accord, antisémitisme n’est pas du bon vocabulaire, la cible réelle n’est pas celle qui est nommée : on vise dans les coins. Perso j’utilise anti-judaïsme, comme vous savez, mais autant pisser dans un violon, ou on peut flûter, au choix, l’amalgame continuera, le pli est pris. Comme l’amalgame judaïsme / sionisme, qui arrange plein de gens, et dans les deux sens.
      Cerise sur le Paris-Brest : avec cette affaire on est partis pour juger non sur ce qui a été dit, mais sur le non-dit supposé : on est mal barrés.

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