Un des pans danse, l'autre pas

Le Gentil juge qui a récemment mis le Petit Nicolas en examen est, depuis l’annonce de cette initiative hardie, l’objet de tas de critiques et agressions, verbales ou épistolaires, voire de menaces de mort. Ces dernières sont évidemment infâmes ; les critiques, c’est autre chose ! on a bien évidemment le droit de trouver suspects ses mobiles, d’y voir des motivations carriéristes ou partisanes, de soupçonner des manoeuvres politicardes, des téléguidages. On a vu tellement de choses, ma pauvre dame !

Mais voilà que le Premier Ministre monte sur ses grands chevaux, en appelle solennellement, à ce propos, au respect de l’indépendance de la Justice…

La lettre de menaces de mort dont je vous entretiens ci-dessus était adressée « à M. Gentil du Syndicat de la Magistrature« . Suivait une bordée d’injures assez extrêmes envers ce syndicat, décrit comme « rouge ». Erreur fatale, il se trouve, si  je ne m’abuse, que le juge Gentil n’est pas syndiqué…

Il se trouve aussi que la Magistrature compte au moins trois syndicats, le « Syndicat de la Magistrature » (SM), l’ « Union Syndicale des Magistrats » (USM), majoritaire, et FO-Magistrats… sans oublier les magistrats qui ne sont pas syndiqués. On peut donc s’amuser à situer ces 3 syndicats plus ou moins à gauche ou à droite sur le curseur politique, sinon à quoi ça servirait qu’il y ait plusieurs syndicats, je vous le demande ! à partir du moment où l’on admet la légitimité des syndicats de fonctionnaires, il faut bien admettre aussi qu’ils aient des positions politiques.

Mais bon, la question qui m’agite ici et que j’agite sous votre nez est la suivante : l’indépendance de la Justice, par rapport à quoi ?  indépendance par rapport à la vitesse du vent, la viscosité du liquide ? on ne peut pas être « indépendant point barre ». La réponse standard, vous la connaissez, elle est éculée tant elle a servi : indépendante des pouvoirs politiques. Ah oui, certes, c’est une belle maxime – un peu creuse, nous savons tous que les pouvoirs politiques, justement, ont du pouvoir.

Si le SM, pour sa part, milite clairement pour une justice « de gauche » (voir son site sur la Toile, il est effectivement bien rouge), comment ses membres disent-ils le Droit, comment peuvent-ils appliquer des lois qui leur paraissent « de droite » ? en traînant les pieds ? sereinement et sans se poser de questions ? en biaisant ?

On revient là au B-A-BA du boulot de fonctionnaire : il est payé pour servir loyalement la République. Le juge doit appliquer les lois en vigueur (*), qu’elles lui plaisent ou pas : protéger la veuve et l’orphelin, punir et empêcher de nuire les « djeunes » à scooter qui ont arraché son sac à une mémé, quand bien même ces jeunes auraient eu une enfance difficile, quand bien même il militerait pour la légalisation des vols à l’arraché commis par des jeunes qui ont eu une enfance difficile. Indépendance de la Justice vis à vis des pressions politiques, oui certes ; certainement pas quant à l’application de la Loi, quel que soit l’avis personnel qu’on peut en avoir.

Tibert

(*) encore faudrait-il que les lois soient compréhensibles, cohérentes, applicables : là nous sommes très mal barrés…