Train-train

( Ouest-France nous l’annonce, plein d’espoir : possiblement, l’immense Céline Dion, que le monde entier envie au Québec, pourrait – au conditionnel, donc si les dieux sont favorables, le carré de Vénus dans le triangle dominant de Mercure, et vu que c’est une Bélier ascendant Poisson – venir chanter au concours Eurovision cette année (le 17 mai, on a tous coché la date) ; d’ailleurs je vous devine frétillant d’impatience 😉 . Et ce canard de se dire « optimiste » : aaaah oui, Oh My God ! vivement que Céline Dion vienne chanter à l’Eurovision ! J’en suis tout émoustillé. )

Mais trêve de persiflage, vous savez tout le bien que je pense de ces foires à décibels, lasers multicolores, paillettes, girls et beuglantes débiles. Il en faut pour tous les goûts, pas vrai ? L’actualité, outre que nous voilà avec un Léon de plus – c’est difficile d’échapper à cette nouvelle papale, ça tourne en boucle urbi & orbi – ce sont les grèves, re-(re-re-)rebelote, à la SNCF, la spécialiste incontestée de la chose. Le scénario est sans surprise, de longue date : vous êtes syndicaliste dans cette institution cruciale, la Force est donc en vous (*), vous en usez sans modération. Vous repérez des périodes de congés bien touffus, vous envoyez le refrain en trois vers inoxydables : « augmentation des salaires » ; « renforcement des effectifs » ; « meilleures conditions de travail » , et vous posez comme il se doit le préavis de grève : vous tenez forcément le pays par les cojones, comme on dit en Espagne.

On a droit évidemment aux micro-trottoirs, à la télé : les voyageurs, effondrés, stoïques, amers, désabusés… y en a marreje fais avecc’est lassant je m’organise autrement… c’est toujours les mêmesje sais pas comment je vais faire… Mais immanquablement, parmi ces saynètes de rue, on nous trouve deux nanas, un jeune retraité, un quadragénaire qui sort du boulot : « ben oui, ils ont leurs raisons, on les soutient » . Vous avez remarqué ? c’est pour équilibrer les réactions, la pluralité, c’est obligatoire.

Ce coup-ci, pour les juteux houiquindes de Mai, la SNCF s’est débrouillée, usant de personnel de raccroc, pour faire rouler une forte majorité des TGV (les TER, les Intercités, vous pouvez crever). Vexés, les grévistes ont annoncé de nouvelles grèves pour début juin. Non mais ! s’agirait pas que la tradition se perde.

Tibert

(*) Ce qui n’est pas le cas si vous bossez à plier-cintrer des tubes de fer dans une fabrique de mobilier de jardin.

Sécure, c’est plus sûr

( Il faut absolument que le cadavre politique de l’ex-président Sarkozy soit traîné dans l’arène, sous les huées et les crachats de la foule : c’est super-important ! d’aucuns, nous narre Le Monde, d’ex-éminences Vertes entre autres, s’acharnent juridiquement pour qu’on la lui arrache, sa Légion d’Honneur, contestant la décision de Macronibus de n’en rien faire. Je vais vous dire : une cérémonie genre « dégradation du capitaine Dreyfus » , dans la cour de l’Ecole Militaire, ça leur ferait très plaisir. On peine à imaginer une telle haine, ça doit leur manger le foie ! Nous savons tous que ces décorations, palmes, médailles…qui gratifient, tout de même, de temps en temps, des héros vrai de vrai, sont surtout des gages de notoriété, rien de plus : l’illustre Président de la Chambre de Commerce du Tarn-et-Meuse, le dévoué secrétaire du ronflant Comité Théodule, qui a le bras long… on comptait 93.000 membres en vie en 2016 : ça fait quand même beaucoup de héros magnifiques ; on se voit trop beaux !

Mais notre ministre Darmanin, de la Justice et des Sceaux, causait, hier, énonçant de rudes vérités : « il n’y a plus de lieux safe en France, c’est-à-dire de lieux « sûrs ». J’aime beaucoup qu’il ait repris, immédiatement et en français, le terme rosbif « safe » , qui tend à s’installer abusivement (nos cousins Québecois utilisent sécure, qui ma foi correspond bien au substantif sécurité). Pourquoi pas « sûr » , en effet ? parce que c’est sans doute trop court, on ne se sent pas en sécurité, avec ce trop bref « sûr » , et puis ambigu ! (même punition pour mûr : trop bref, mûr ; mature le fait mieux, n’est-ce-pas ? quand le mur « a du fruit » , c’est qu’il est mûr ? mature ? prêt à s’écrouler, ça c’est sûr.)

De fait, et paraphrasant ces propos darmaniens : plus personne ne doit se sentir en sécurité ; c’est clairement ce qui nous est signifié. Le cocasse de la chose, si je puis dire, c’est que c’est l’ex-ministre de l’Intérieur, qui nous sort ce triste constat. Ne serait-il pas enfin judicieux, approprié, de « faire quelque chose » ?

Tibert

Défense de débattre

( Je reviens sur ce meurtre infâme, dans le Gard, d’un musulman dans la mosquée où il priait : la Justice argumentait hier largement sur le déséquilibre mental du « suspect » (il est présumé innocent 😉 ) et donc la piste terroriste est exclue. Bien… mais pas du tout ! nous clame-t-on, la famille, son avocat, les proches, les institutions musulmanes, les dépités (*) LFI, les… : on DOIT voir, compter, dénoncer, vilipender, ce crime comme un acte islamophobe, puisque commis sur un musulman. En somme, si à vélo je percute un piéton pour une raison X ou Y, c’est un accident de la route ; si c’est un musulman, c’est un acte islamophobe ! )

Et puis on a vandalisé-caviardé la devanture des éditions PUF, bien connues des étudiants parigots et des amateurs des petits opuscules « Que sais-je ? » , pour les nuls. C’est que cette vieille maison sort un bouquin intitulé « Face à l’Obscurantisme woke ». Mais c’est agiter le chiffon rouge : les vitres de la maison d’édition ont été dégradées, entre autres amabilités, par l’inscription «Féministes contre la propagande fasciste». Voilà : sortir un livre qui dérange, c’est de la « propagande » ; et puisque ça contredit la doxa Bonne-Pensée, c’est « fasciste » (prononcez fâchiste, comme fâchination, fâchicule… ). Nous avons là une excellente illustration de la conception du débat démocratique, vu du Bon côté : en somme, défense de débattre, sauf à l’unisson.

Tibert

PS – Symétrie de la conne et violente pulsion de faire taire, plutôt que de contredire : cette expo-photo, à Nîmes, d’expression féministe-radicale. Sur le titre, « Benzine Cyprine », je ne vois pas où la cyprine, produit naturel et biologique, peut rejoindre la benzine, combustible fossile ; mais ça ne justifie pas le sabotage d’une expo, que je sache.

(*) Je ne l’ai pas fait exprès, mais je la garde, celle-là.

Mai, mais

On commence par une journée à banderoles, la GCT sort ses drapeaux, bizarrement rouges, ses camions-sono, « tous-sensem-bleu-tous-sensem-bleu-ouais ! » , on interdit aux boulangers (aux fleuristes, aux staffeurs, aux luthiers…) de faire travailler leurs salariés, et l’on ne travaille surtout pas : c’est la fête du Travail. A cette occasion, si ce jour béni tombe un mardi, un jeudi… c’est plus de 1.000 km de bouchons sur les routes : y a un pont ! Ponts = bouchons (*). Les cafetiers des sites touristiques lorgnent la météo : si le temps s’annonce beau, c’est bingo ! la pompe à bière à 3,50 minimum le demi ne va pas chômer, elle.

De fait, la Loi stipule que seules peuvent bosser les entreprises pour lesquelles ça se justifie « pour des raisons de continuité de service ou de sécurité » . Parmi elles, on retrouve notamment (…) l’hôtellerie et la restauration. Donc, les restaus, bistrots, canis, rades (kebabs, fastes-foudes, auberges…), pas de problème. Les serveurs, « garçons » , serveuses, réceptionnistes, plongeurs, chefs de rang, commis de cuisine, cuistots, gâte-sauces… peuvent bosser. Question : comment approvisionner en pain frais du jour, légalement, les restaurants ? je vous le demande.

On a ainsi l’exemple d’une loi stupide. Une parmi tant d’autres. C’est malheureux de le constater, mais on paye, fort cher, nos trop nombreux parlementaires pour faire des lois : alors ils font des lois ! En revanche on ne paye personne pour dépoussiérer nos lois, pour faire remarquer que celle du 29 brumaire, an XII, est encore en vigueur mais clairement contredite par celle du 27 octobre 1978, que telle autre légifère sur les becs de gaz et pourrait sans dommage être supprimée, que deux d’entre elles sont redondantes, une seule suffirait… il y a là un boulot de dingue, salutaire, à coup sûr.

Ce faisant, on pourrait s’aviser que le dépoussiérage de nos lois pourrait s’accompagner d’un nettoyage de notre terminologie, d’une refonte de nos énormes bouquins, de notre tentaculaire corpus législatif. Le Code Civil, 3166 pages : c’est déraisonnable, non ?

Hélas, on va aussi sec assimiler ça, c’est rédhibitoire, à la mission DOGE, la fine équipe de monsieur Musk, qui prétend faire maigrir l’administration Trump à coups de tronçonneuse ; et puis la complexité, le maquis juridique, font le bonheur de certaines professions, les notaires, les avocats, les juristes, les… tous métiers qui se contrefichent de travailler ou pas, le Premier Mai. Il y en même qui vont se faire du fric sur des inculpations de fleuristes qui auront, les infâmes, fait travailler leur salariée d’épouse, ce jour-là.

Tibert, bosseur ce jour

(*) C’est ici, j’ai fait la faute exprès, une formule idiote ; le signe « = » a un sens, au choix, de constat d’une identité de nature (A = B : tiens donc, les deux entités sont interchangeables ! ou d’assignation d’une valeur à une entité : B= 7 : je dis que l’entité B vaut désormais 7 (**). Mais des trucs du genre « 3 packs achetés = 1 gratuit » ? c’est lamentable. Eh non, 3 packs achetés ne sont pas « égaux » à 1 gratuit ; c’est en fait une implication. Il faudrait l’écrire  » 3 packs achetés ==> 1 gratuit » . Comme ça, ce serait correct.

(**) D’ailleurs, en bonne programmation, l’assignation s’écrit B := 7 et non pas B = 7. C’est plus clair comme ça (***).

(***) Bon, j’arrête là.