Détruire les fractures

Le timbre rouge va disparaître ; selon la tradition orale, collé sur une enveloppe confiée à la Poste via les boiboîtes jaunes, il permettait de l’envoyer (l’enveloppe) en 2 jours maximum au fin-fond du Tarn-et-Meuse. Terminé, nous dit-on ; il n’y aura plus que des lettres lentes, vertes, paisibles, genre « y a pas l’feuu auu laac ! » avec l’accent du Léman. La Poste, toujours plus peau-de-chagrin (*), va remplacer ça par du traitement électronique, vous pensez bien !

Mais voilà : on / ils se trompent de cible. De deux choses l’une : ou bien vous avez une connexion au Houèbe, un mobile moderne ou un ordi, et vous savez utiliser la messagerie de votre bouzine : vous envoyez des emails ! c’est rapide, gratuit, et ça marche. Pourquoi faire appel à la Poste ? Ou bien vous n’y comprenez pas grand-chose, l’informatique et vous ça fait deux, Windôze vous fait horreur, alors vous écrivez des lettres, comme au bon vieux temps… lettres que vous postez ensuite avec un timbre vert, puisque c’est du vert, maintenant. Et, si ça vous chante, une violette séchée dans l’enveloppe, ce que l’email ne sait pas faire – pas encore, mais on y travaille. Ça va mettre deux jours ? eh bien ça mettra deux jours. Quand c’est pressé-pressé, on téléphone…

L’Insoumise-Française Manon Aubry (bizarrement, rien à voir avec madame 35-Heures « Quand c’est flou, y a un loup » ) a thouïtté un truc sur le sujet : « Alerte disparition de l’envoi du courrier par la poste remplacé par… un email ! Ou comment continuer à détruire nos services publics et la fracture numérique avec ! » . Si ce n’est pas de la confusion mentale, qu’est-ce ? la Poste qui veut détruire la fracture numérique ! On aura tout entendu, cette année. Voyons, madame… enfin…

Mais la même madame Aubry (Marion) énonce là, tout de même, un truc utile : le projet de la Poste pourrait amener à faire payer les lettres – des courriers électroniques, en fait – passant par ses pattes : l’invention de l’email payant, en quelque sorte. Ce que la Planète entière n’a pas réussi à faire, les PTT françaises y réussiront peut-être.

Notez, les cyber-cafés le font depuis longtemps : on paye pour lire / envoyer ses emails. C’est là sans doute l’évolution qui pourrait VRAIMENT sauver la Poste, donner une nouvelle motivation à nos chers préposés. Oubliez ceux qui ont Internet chez eux, c’est mort ; la vraie bonne clientèle, ce sont les réfractaires, les « fracturés-numériques » , les anciens, les solitaires en quête de chaleur humaine. Donc, une pompe à bière derrière le guichet de la buraliste, des flacons sur les rayonnages, des ordis en libre service (payant), une ou deux aimables monitrices pour aider pépé à naviguer sur le Houèbe et rédiger son courrier, des flippers, un billard, un juke-box, des fléchettes comme chez les Rosbifs…… voilà qui va revitaliser les centre-villes de nos mornes bourgades. On pourrait pimenter ça avec des hôtesses… mais ne dérivons pas. Il faudra bien entendu revoir les horaires, décaler vers le soir, les week-ends…

Et c’est là que le bât blesse ! j’entends d’ici les protestations : et mes 35 heures ? et mes congés-maladie ?

Tibert

(*) Dans mon bled, la poste est fermée le lundi ; les autres jours, c’est selon… selon la vitesse du vent, les congés de maladie et les aléas des rotations de postes, c’est le cas de le dire. On peut devoir faire 25 km (pas à vélo ! les côtes sont redoutables) pour aller poster une lettre un peu urgente, de village – zut, la poste est fermée ici aussi – en village : ah tiens c’est ouvert ! Ou comment faire la peau aux services publics, notamment et en priorité là où il n’y a plus guère que ça pour donner un semblant de vie.

2 thoughts on “Détruire les fractures”

  1. Détruire les fractures qu’il dit…
    Ouf ! Ce fil-ci, au moins, est rétabli. J’ai eu une poussée de sueurs froides en pensant hier soir vous adresser mes voeux de bonne année, bonne santé et tout ce qui les conforte. Le lien était HS. Non, « il » ne nous aurait pas joué ce tour de mauvais goût ! Meuh non, femme de peu de foi : ce n’était qu’une suspension pour maintenance, nouvel an oblige…
    Au plaisir de vous lire encore, toujours aussi affûté, grinçant et mal pensant, très bonne année à vous.
    Bien égoïstement.

    1. J’ai moi-même eu quelques sueurs froides avec « bad gateway » : ma passerelle était mauvaise ! mais un redémarrage opportun d’un serveur lointain a résolu le problème. Le serveur lointain, voilà l’ennemi ! quoi de plus proche, naturellement, qu’un serveur ?
      Et merci de vos voeux ! je tâcherai de rester grinçant et mal pensant : que des bonnes résolutions, donc.

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