Peaux de saucissons

Hier jeudi 5 décembre j’ai acheté deux beaux saucissons artisanaux – excellents, une tuerie, selon les termes en vogue chez les chroniqueurs gastronomiques : mon boucher n’était pas en grève. Alleluïa.

L’épicier non plus, qui vendait ses salades et ses boîtes de petits pois, et puis le pharmacien, les deux boulangers, le bistrotier d’à côté qui tirait des mousses derrière son comptoir. Les guichets de l’autoroute n’étaient pas en grève, et j’ai fait le plein de gasoil (*). L’usine d’injection de pièces plastique fumait… bref : des Français bossaient.

A la radio, en revanche, c’était sens unique : les grévistes, les grévistes, la grève, la grève… durera, durera pas ? grave question, et d’évoquer les mânes de 1995. Voilà qui va faire de la copie, là, coco. Mais personne n’a interviouvé mon boucher, pourtant remarquable avec ses saucissons, ni moi d’ailleurs. J’aurais pu déclarer deux-trois trucs dans le micro baveux du journaleux, mais je suppose que ça aurait été coupé au montage : l’antienne standard c’était d’encenser la grève et de faire ksss-ksss.

Deux-trois trucs donc, pas plus… Premio,  traiter d’abord le plus gros, hiérarchiser les problèmes, pas tout en même temps ! Un truc aveuglant, évident, un éléphant dans un couloir : les Français sont plus qu’excédés des grèves SNCF-RATP, depuis des lustres, à tout bout de champ, pour un oui ou un non, une grille de roulements pas trop chouette, un pet de travers, paf ! les Français privés de train, de métro.  Un pays « de merde » brocardé partout à l’étranger, invivable, quasi légendaire. Il est essentiel et urgent de faire la peau au « système SNCF », au « système RATP », usines à prises d’otages. Il est d’autres régimes spéciaux, certes, la Comédie Française, les clercs de notaires… il peuvent attendre deux-trois ans de plus, nous survivrons. Oui les régimes spéciaux sont  inégalitaires et largement injustifiés de nos jours, mais il y a des petites pailles, et des grosses poutres !

Deuxio, si l’on s’attaque, ENSUITE,  à la refonte de la retraite… on débat, on écoute, on prend le temps. C’est super-important, anxiogène, vital. Le parlement, le patronat et les syndicats – minables syndicats, archi-minoritaires ailleurs que dans l’administration – n’y suffisent pas. Les GJ ont bien contraint Macronious et ses ouailles à descendre de leur cheval et dans l’arène, à débattre avec les Français, à les entendre : c’est un excellent exercice ! ça assouplit les articulations et ça permet de coller au réel. Il faut continuer, et surtout pour un sujet comme celui de la retraite. On va perdre un temps fou ? ben oui, c’est comme ça… mais les bruits et les n’importe quoi qui entourent le projet actuel sont insupportables.

Tibert

(*) Je sais, je suis un pollueur, affreux ! ma bagnole pollue, particules fines NO2 gnagnagna. J’ouvre donc une cagnotte de de financement populaire (oups ! de crowdfunding) pour m’acheter enfin et au plus vite un modèle vertueux. Mon n° de compte bancaire : 45678HGJ7643-347.  C’est à vous.

3 thoughts on “Peaux de saucissons”

  1. « … J’ouvre donc une cagnotte de de financement populaire (oups ! de crowdfunding) pour m’acheter enfin et au plus vite un modèle vertueux*. Mon n° de compte bancaire : 45678HGJ7643-347. C’est à vous. »

    … Allons bon ! manquait plus que ça. Je donne déjà pour la SPA, les Chiens d’Aveugles, les Chats de Syros, Greek Krisis, les Orphelins d’Auteuil… pour ne citer qu’eux. Et je ne sais pas qui a divulgué mon adresse à une qcq Sté de prospection pour le recrutement de philanthropes dégoulinants d’abnégation, mais hier matin, j’ai reçu – outre les deux ou trois sollicitations désormais quotidiennes depuis deux mois : Petits Frères des Pauvres, Téléthon pour les malheureux Balkany, Institeur Pastut, etc. etc. –, une supplique pour… les enfants sioux Lakota (**).
    Je vais finir par ouvrir moi aussi une souscription charitable pour mon propre compte, parce si ça continue comme ça, toute ma retraite et mes quelques malheureux droits d’auteur vont y passer et je n’aurais plus que les Resto du Cœur pour dernier recours !
    Enfin, j’aurai au moins appris qq chose : Joyeux Noël, ça se dit « Christ Tĥúŋpi » en lakota.
    Mais je ne suis pas sûr de mon accent.
    Amen.
    T.O.
    (*) P.S./Ma Mam’zell’ Clio à moi, elle est de 2004 et 160.000 Kms +. Avisss aux connaisseurs : elle va bientôt devenir modèle « Collector » ! Et pas plus fière pour ça.
    (**) Authentique. Si-si. Et à chaque fois, chantage affectif : stylos bille dorés à la feuille, étoiles en plastoque façon plaqué-or pour parsemer ma nappe de Nowëll, cartes de vœux fleuries ou enneigées accompagnées de leur enveloppes polychromes, etc. etc. Tiens, au fait : ça fait bien longtemps que je ne reçois plus rien des Artistes Peignant de la Bouche et du Pied ? Y font grève ??

    1. Ouais, je reçois les mêmes lourdes incitations à ouvrir mon larfeuille, et – bonne remarque – les artistes du pied ou de la bouche ont dû mettre la clé sous la porte, pas rentable. Je reste de marbre, poubelle aussi sec, sinon je dépose le bilan moi aussi. Mais vous ne dites rien de ce vaste sujet : comment réformer ce putain de pays pour en huiler potablement les rouages, sans chaque fois révulser les syndicats de fonctionnaires, de la SNCF, de la RATP et de lutte des classes ? si vous avez une idée…

  2. Préparez les mouchoirs : des idées, j’en ai eu des pannières pendant ma vie active. Mais il y avait celles qu’elles étaient trop idéales et qui m’ont fait courir des risques déraisonnables – dire que la France fut jadis le pays de la Révolution… – ; les autres, que je n’ai jamais protégées parce que je ne suis pas comme ça et que je dois ce que je suis aux écoles et autres facultés de la République, qui m’ont élevé gratos (enfin, avec l’aide de mes pôpa/moman aussi ; ce serait trop injuste de les oublier…) et que ça vaut bien un ou deux renvois d’ascenseur ; les autres, donc, on me les a allègrement piquées et certaine ont désormais une belle carrière derrière elles. Mais à 76 ans, je ne vais pas aller risquer les quelques jours tranquilles qui me restent sur les barricades, à me prendre des pruneaux assaisonnés sauce lacrymo dans la gueule par des jeunes cons de keufs mal léchés dont je pourrais être l’aïeul ! Gavroche avec un déambulateur, franchement, ça la foutrait mal, non ?
    T.O.

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