Fronts et sauces républicaines

(Note liminaire : il y aquelques jours, le Fig’N’importe-Quoi titrait en Une : « Nouvelles manifestations contre les retraites« . C’est en fait « Nouvelles manifestations contre la réforme des retraites » qu’il fallait comprendre : en gros, l’inverse de ce qui était développé ensuite, vous comprenez ? parce qu’un titre, faut faire COURT, coco ! on s’en tape si ça veut dire l’inverse, ou rien du tout.

Mais, à nos moutons…qu’est-ce qu’un front républicain ? chers auditeurs, vous le savez comme moi : c’est une initiative qui amène deux formations politiques, qui d’ordinaire se foutent impitoyablement sur la gueule, à se serrer les coudes car la République est en danger, rien que ça. Et il paraît qu’à Brignoles, dans le 8-3, le front-machin, là, eh bien, il a craqué. Il a craqué, disait monsieur Ayrault. Il a craqué, eh oui : il n’a pas pu empêcher le FN de passer. UN élu FN aux cantonales ? la République est en danger.

Il existe en fait (*) plein de fronts du même métal ; fronts moins scintillants que le prestigieux Front Républicain, car la République n’est pas menacée, juste un peu chahutée. « Je te laisse Coulommiers, tu me files Avranches« , «  Tu mets un poil d’écolo dans ton programme et je te rameute mes voix« , etc. Des fronts-tambouille… un front PS-EELV au printemps 2012 a ainsi permis aux écolos-verts, moyennant certaine bucolisation du programme du PS, de faire front avec ledit PS et bénéficier ainsi de sièges bien douillets au gouvernement ou dans les diverses assemblées, malgré des scores électoraux minables, voire calamiteux. Voilà, ça sert à ça, un front normal.

Le front « républicain », lui, l’estampillé, sert en clair à empêcher le FN –  qui tourne régulièrement autour de 16-18 % des préférences des Français – de figurer dans les diverses instances représentatives : ce sont des 16-18 % pas valables, contrairement aux scores des micro-partis façon EELV ou NPA, qui sont, eux, des 2-4 % valables. Et pourquoi pas valable ? parce que, clament les autres, le FN, lui, n’est pas républicain ; extrême-droite, fasciste, un tas de noms d’oiseaux, mais pas républicain. Populiste, disait il y a peu madame Hidalgo : populiste DONC pas républicain. On appréciera la logique simple et implacable, s’agissant de deux « mots-valises » dont on peut faire des pages et des pages d’interprétations.

(Au fait, dans la même interviouve, Madame Hidalgo avançait que le FN n’avait «  jamais joué dans l’espace républicain« . C’est évidemment un gros mensonge : le FN a bien eu un groupe à l’Assemblée dans les années 1986, avec 35 élus (grâce à monsieur Mitterand et la « proportionnelle », qu’on se dépêcha vite de remballer, c’est trop dangereux).

Bref : le « front républicain » est un faux-nez, un euphémisme pour « front anti-FN » ; madame Le Pen le nomme front « UMPS », et c’est ma foi un raccourci qui se vérifie bien. Si le FN « joue si peu dans l’espace républicain », c’est que, justement, le système uninominal à deux tours + le « front républicain » ont jusqu’ici à peu près réussi à l’empêcher de « jouer dans l’espace républicain », où s’ébattent tous les partis auto-proclamés républicains. « Républicains », ah ça oui, avec leurs cumulards même-pas-honte, leurs professionnels recuits de la politique, leurs vieillards indéboulonnables et cramponnés à leur hochet, leurs intègres Ministres du Budget, etc. Elle peut dormir sur ses deux oreilles, la République, tant que le Front Républicain fonctionne.

Tibert

(*) « en fait« , c’est l’actuelle tarte à la crème du langage parlé. En fait ça n’est pertinent que dans 10 % des cas, mais les « en fait » (pas les amphèt’s), ça meuble, ça permet de temporiser, ça importance le discours, ça le fait mieux, en fait.

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