Les môts

Supposez, vous êtes environ à deux mètres d’un quidam, sur le trottoir. Comment l’exprimez vous ? pas en disant « je suis à deux mètres de monsieur X», c’est plat, c’est nul. Vous dites : je respecte (j’applique, je mets en oeuvre, je concrétise, j’exerce…) une distanciation sociale de deux mètres.  La distanciation sociale est à la distance ce que le référentiel bondissant est à un ballon : les Diafoirus de la langue y sévissent. Lorsqu’on ne ne nous bombarde pas d’importations inutiles, toutes venues d’outre-Manche, de clusters (de foyers) et de fact-checking (de vérifications),  on nous enfle le langage, ça fait mieux, plus sérieux.

On enfle, mais c’est du vent. L’ensauvagement ne fait pas broncher un cil au d’jeune mâle qui tabasse une nana pendant qu’un comparse filme ça aux fins de diffusion sur les réseaux-poubelles. On nous niait tout ça, mais pas du tout, voyons, tout baigne. Ainsi, le délicieux, le délicat sentiment d’insécurité a longtemps, sous la houlette des Socialistes, tenu lieu de diagnostic : meuuuh non, c’est juste l’appréhension…

On tente maintenant – faute de pouvoir soigner – on tente de nommer : c’est l’ensauvagement. De la sauvagerie ? de la barbarie, comme tente de nous en convaincre la Marine ? non non, un « processus de passage à la sauvagerie». Voilà qui illumine notre quotidien truffé d’abominables faits divers, voilà qui permet d’affronter désormais la ville et ses pièges avec sérénité. Nous l’ignorions, craintifs, lovés sur notre sentiment d’insécurité : nous voilà sachants. Ce qui change tout, admettez ! Nous sachons maintenant qu’il s’agit d’un processus, vous voyez… défavorable, certes…

Juste une question : comment ça s’arrête, un processus ?

Tibert