11 11 18, la faute à qui ?

Les abrutis qui ont décrété que l’armistice de la Grande Guerre serait sonné à 11 heures le 11 du 11ème mois, plutôt que l’avant-veille au soir par exemple, ont probablement permis à quelques poilus de plus de crever pour rien. Remarquez, 1.500.412 ou 1.500.413 ça ne fait pas lourd de différence, c’est l’épaisseur du trait, comme on dit. Et tant pis pour l’épaisseur du trait.

C’était la faute à Bismark et à la déculottée de 1871, la faute à Sedan, Badinguet, l’Alsace-Lorraine kidnappées, etc. Faut-il commémorer cela ? oui, certes, pour redire que ce fut, le  11 11 18, la fin officielle d’une infâme boucherie plutôt que le constat d’une victoire après 4 ans et plus de massacres et d’Europe tourneboulée.

Certains, hier, ont voulu profiter de ces commémorations pour vilipender, siffler etc… le volontaire désigné qui était venu là, c’était son boulot, pour rappeler ces faits d’Histoire, qui était venu en bagnole, en haut des Champs-Eysées et en costard-cravate, solennel et compassé, nous demander de nous rappeler – de ne pas oublier, en fait. Ils ont eu tort, c’était une faute de goût, qui ne fait absolument pas avancer le débat ; pire, ils étaient hors sujet.

Mais ce dont il faut se souvenir, c’est que les gars d’en face, ceux aux casques pointus, en avaient bavé abondamment, eux aussi, et pour les mêmes raisons ; qu’ils en avaient autant marre que nos poilus, de cette hécatombe, et qu’au total ils ne l’avaient pas tellement perdue que ça, cette guerre.

Ce dont il faut absolument se souvenir, surtout, c’est que les politiciens ne furent absolument pas à la hauteur de leur tâche dans les négociations de paix qui ont suivi ; qu’ils ont commis une connerie majeure en élaborant le Traité de Versailles de 1919 ; que désigner l’Allemagne comme seule responsable des dégâts, lui infliger une telle humiliation et des réparations aussi énormes était d’une grande petitesse, d’un consternant manque de clairvoyance. Monsieur Clémenceau, en particulier, qui pourtant sut imposer un armistice « assez tôt » plutôt que la poursuite d’une victoire totale jusqu’à Berlin (*), par son acharnement à faire payer et agenouiller l’Allemagne, a été l’un des géniteurs, si l’on peut dire, de l’Adolf H. qui prit le pouvoir dans les années 30 à Berlin, etc etc.

Il faut dire que Clémenceau, en 1871, avait 30  ans : il l’avait vécue auparavant, lui, l’humiliation de la défaite  – à Versailles, justement – et, hélas, caramba, il la voulait, sa revanche ; éclatante, la revanche. Il l’a eue ; on connaît la suite…

La grande leçon du 11 11 18 à 11 heures ? c’est qu’il ne faut jamais confier naïvement, aveuglément, son destin à des politiciens, aussi photogéniques soient-ils, et quelle que soit l’élégance de leur moustache.

Tibert

(*) La droite française le surnomma même, en ces circonstances, le « Perd la victoire »… voir Wikipedia et consorts, si ça vous branche.