Des canards et des miettes

Je lis dans le Parigot, au cours d’un article militant contre les sites de vente de fringues bas de gamme (du chinois, essentiellement) et rapidement jetables : « Le gouvernement déclare la guerre à l’ultra fast fashion, cette « mode jetable »  » . C’est exact, les Chefs là-haut froncent les sourcils et entendent y mettre le holà, par exemple avec une taxe ! une de plus. Louable effort contre les chemisiers à 6,99 euros et les shorts à 4,49 qui finiront fissa-fissa à la poubelle. Mais notez comme c’est écrit : la locution française mode jetable est entre guillemets ; celle en rosbif ne l’est pas, pas même en italiques (les italiques ci-dessus, c’est de moi). En somme, c’est le monde à l’envers ; c’est notre langue qui est bizarre, qui a besoin de guillemets.

Et puis La montagne, le canard des volcans éteints, du Clermont-foot et des équipes de rugby, tartine ceci : « Pourquoi les écologistes veulent interdire la pêche dans certaines villes » (j’explique : les pêcheurs « sportifs » attrapent, puis relâchent magnanimement les poissons pris… ils sont blessés, ces poissons, ils souffrent (?), certains en meurent, bref ça peut paraître aberrant). L’argument n’est pas idiot (*), car pêcher ainsi ne sert ni à nourrir sa petite famille, ni à préserver la ressource piscicole. Mais voyez comme ce titre est libellé : ils veulent interdire, les écolos ! pas « demander l’interdiction » , pas « faire interdire » , pas « protester contre » : non : ils veulent interdire. Non mais, qui c’est qui commande, ici ? si vous entendez parler d’écologie punitive, en voilà un échantillon.

Enfin et pour la bonne bouche, cet entrefilet du Fig’ragots sur les élections européennes : madame Toussaint (EELV) ne veut pas que monsieur Glucksman (PS, ou similaire), madame Aubry (LFI) aillent débattre sur le plateau de CNews, ce pelé, ce galeux. « N’y allez pas, malheureux.ses, vous y perdrez votre âme.e, ils vont vous marabouter.e ! » . Amusant paradoxe, l’ARCOM pourra ainsi reprocher à CNews de ne pas respecter l’équilibre des plateaux d’invités entre droite-gauche-extrême milieu et tutti quanti, mais comment faire ? c’est du boycott, de l’ostracisme, pour obliger Cnews à changer de logiciel, en quelque sorte : remplacer M. Zemmour par M. Besancenot, Mme Maréchal par M. Mélenchon, M. Bock-Coté par Mme Sandrine Rousseau… aaah là oui, on débattrait, sur CNews ! on s’y bousculerait. Qu’est-ce qu’on est bien, entre soi !

Tibert

(*) Reste à inventer des hameçons magnétiques et indolores : on fait avaler aux ablettes, tanches… des boulette de ferraille ; les voilà magnétisées, et schtack ! on ferre. Un peu lourd à digérer, peut-être…

Occuper, meubler…

( Un article édifiant sur la misère des structures sportives à Paris… qui encourage la bidouille, le marché noir, les combines, les sous-sous-locations de salles, les effectifs bidon, et les copinages auprès des instances de la Mairie chargées (*) des attributions de structures. Voyez les chiffres : « 1,4 complexe sportif pour 1 000 habitants, là où la moyenne nationale se situe à 4,6 structures sportives pour 1 000 habitants » , énonce Le Parigot. En fait la disparité est pire, vu que la « moyenne nationale » englobe justement Paris, le plus gros morceau, et le plus minable. Mais attendez, va y avoir les J.O. : ça va tout changer, pendant 2 mois. Sportif, Paris ! )

Et puis cette amende astronomique de 1,84 milliard d’euros infligée par l’U.E. à Appeul, convaincu de se garder abusivement son pré carré de la zizique en ligne. Il existe des plate-formes moins chères qu’Appeul (rien de très étonnant, vu les prix élitistes pratiqués par la Pomme-Entamée) mais Appeul fait en sorte que rien ne permette au « consommateur » de zizique de le savoir ; c’est en substance ce qui est reproché à cette boîte. Gageons que la peine infligée n’ébranlera pas la solidité financière de cette entreprise, qui a les reins solides – sans moi : je ne lui ai jamais versé le moindre centime, vu sa politique de « bande à part » et ses prix, abusifs à mes yeux. Mais c’est un point de vue tout personnel, j’en suis bien conscient.

Ce qui me donne par ailleurs à songer, croisant ou côtoyant dans la rue, les transports, un peu partout, des gens aux oreilles garnies d’écouteurs BlouTousse, et cachant sans doute dans une poche l’indispensable cellulaire branché sur un quelconque robinet à « musique » du Houèbe. Parfois on entend clairement les boum-boum-boum, lancinant et pénible tempo, dont on profite nolens-volens : les basses passent facilement à l’extérieur, tandis que le consommateur de sons se détruit les tympans. Et de me demander où est ce besoin de non-disponibilité ? pourquoi faut-il se saturer les oreilles ? Mais quand on traite d’une augmentation dramatique du nombre d’obèses chez nous, c’est en quelque sorte du même ordre : la malbouffe évidemment, des frites-mayonnaise, des trucs industriels trop lisses, des machins trop sucrés, et ces échoppes à bouffe toute prête un peu partout, pour se caler-meubler l’estomac, éviter le moindre creux. Bref, l’individu actuel, bien au chaud dans son enveloppe, supporte de plus en plus mal la vacuité.

Tibert

(*) « chargées de » et non « en charge de » : la première expression est française, et plus concise ; l’autre, devinez.

« Sentiment » de propriété

( Un correspondant m’envoie la photo d’une étiquette de fromage… ça vient de chez Lideulle… de la fourme d’Ambert AOP, comme il se doit sous sa fo(u)rme habituelle (*), une très épaisse galette ronde, couleur crème marbrée de bleu. On a droit au ronflant label « Saveurs de nos régions » , miam… et puis on y lit un peu plus loin que c’est fabriqué, hélas, avec du lait pasteurisé ; poursuivant la lecture, c’est du « lait origine France » (forcément, c’est à Ambert, alors ?…) et puis « fabriqué par les Fromageries Occitanes, à Saint-Flour » … ah ? pourtant Saint-Flour et Ambert ? le Livradois et le Cantal ? ça fait 120 km, bon, admettons. Mais on a aussi l’identité de l’entreprise qui a fait le boulot (quel boulot ?) : FR 31.582.001, soit l’entreprise n° 1 de la commune répertoriée 31.582, traduction Villefranche-de-Lauragais, dans le 3-1, la Haute-Garonne. Ce patelin est à 400 km d’Ambert. Là, franchement… certes on peut cuisiner une choucroute à Saint-Brieuc, une fondue savoyarde à Biarritz, mais zut quoi, là c’est de l’AOP, du protégé, fabriqué local-de-chez-Local, en principe. Bref : si c’est ça l’AOP… autant acheter du camembert du Gâtinais, ou du gruyère breton. )

Et puis cette histoire de 2 types « patibulaires, mais presque » qui vivent en caravane à la lisière d’un bled du 3-5, en Bretagne, et considèrent que le chemin communal qui passe devant leur terrain est privé, à eux ! Le maire a bien tenté de leur expliquer que c’est communal : collectif, allez quoi, soyez sympas… peine perdue. Les gens qui passent devant serrent les fesses, intimidations, menaces… se lassent, changent de parcours : ça marche, l’intimidation ! Les gendarmes, alertés : « meuhh non ils sont pas méchants » . Le traditionnel « sentiment d’insécurité » , donc… pas grave, hein ? alors on subit, on endure… mais voilà : un mort à coups de batte de base-ball, et un blessé, les imprudents passagers d’une voiture qui a osé emprunter la voie « communale-privative » et klaxonné !

Mais il y a une morale : force reste à la Loi de la République, que nul n’est censé ignorer. On les a coffrés, finalement, les deux « propriétaires » abusifs et violents, non mais… ! Comme quoi un simple homicide suffit à ce qu’on l’applique, sans crainte, avec fermeté.

Tibert

(*) Un peu de culture ne nuit pas. Là où la grosse majorité de nos voisins utilisent le « caseum » latin, cheese, kaese, kaas, queso, queijo… nous autres franco-italiens avons la forme (le moule où l’on coule et laisse égoutter le caillé) qui donne fourme, formaggio, fromage… ah ! merci maître Capellaut !