Les AV, après les GES

Je vais vous épargner l’éloge funèbre de JPE, Jean-Pierre Elkabbach : d’autres le feront, n’en doutez pas. A cette occasion, revoyez donc les bonnes feuilles des entrevues, à la grande époque du PCF des années 70, de JPE avec Georges Marchais : c’est ce dernier qui crève l’écran, indéniablement, monstre de mauvaise foi, provocateur, grande gueule, hâbleur… comment un tel spécimen, un tel « énergumène » a-t-il pu accéder à la tête de son parti, c’est une tragique erreur de casting. Remarquez, de nos jours, notre Lider Maximo et insoumis autoproclamé, le Mélenchon, c’est pas mal non plus ! )

Et puis je tique à lire cette amorce d’entrefilet (payant) de Ouest-France : monsieur Cosson, ancien maire d’Hillion (un bled des Côtes d’Armor, dans le 2-2), et actuel député apparenté au MoDem de monsieur Bayrou… va demander à la mairie dudit bled (attention, c’est du billard à trois bandes, là, accrochez-vous) d’agir en justice contre « un film qui serait orienté politiquement et de nature à nuire gravement aux intérêts de la commune » . Il s’agit du film « Les algues vertes » , inspiré d’une BD, elle-même inspirée de faits réels, patents, historiques, mettant en cause la pollution mortelle du littoral du 2-2 par lesdites algues. Celles-ci, dont l’origine scientifique est bien documentée – les nitrates, en excès dans les eaux de ruissellement – et qui tapissent certaines plages de la baie de St-Brieuc, dégagent en pourrissant de l’hydrogène sulfuré, gaz hautement toxique. Un cheval, entre autres, en est mort…

Mais bon, vous savez tout ça… ce qui interpelle, là, c’est qu’on est revenus à l’époque de la censure ! quand Tante Yvonne – madame De Gaulle – faisait interdire, 57 ans plus tôt, le film « La religieuse » , de Rivette, film irrévérencieux envers l’Eglise Romaine. Et donc, Les algues vertes serait un film « orienté politiquement » : c’est dingue, non ? comment peut-on, comment monsieur Jolivet peut-il faire un film « orienté politiquement » ? on se demande par quelle aberration perverse.

C’est pourtant notoire, le cinéma, depuis ses tout débuts, a vu produire des films « orientés politiquement », et c’est bien normal, c’est le reflet des idées, à moins de supprimer les « mauvaises » idées. Films contestables ou pertinents, pesants navets de propagande (« Le Juif Süss » ), estimables oeuvres (« Z » , « La guerre est finie » , « L’aveu » , trois films où Yves Montand fait de la politique), monuments du 7ème art (« Alexandre Nevski » ), réquisitoires humanistes (« L’affaire Dreyfus » de Polanski) ou critiques grinçantes et transparentes (« L’ivresse du pouvoir » , de Chabrol), le cinéma produit des trucs « orientés politiquement » , à droite à gauche et au milieu ; c’est très bien comme ça. Reste aux élus bretons soucieux de contrer les thèses du film « Les algues vertes » , à démonter, argumenter, contredire, prouver… que ce film est mensonger. C’est ça la démocratie : on peut s’exprimer, débattre. On est tout ouïe.

Tibert

PS – Le titre ? AV, Algues vertes ; GES, Gaz à Effet de Serre. Les AV produisent des gaz, pas des GES, non : du H2S.