Par délicatesse… (*)

On me demande, dans les cercles proches, pourquoi je n’écris pas un billet sur cette affaire de rave-partie dans un village du 3-5 (notez, pas bien loin de Feue la ZAD de Notre-Dame-des-Landes)  la veille et le jour du changement d’année. C’est une histoire qui choque le bon sens, et plein de monde, et pour cause.

Comment justifier qu’on colle à 21 h 02 une prune de 135 euros au quidam retardataire et sans justificatif, quand 2.500 personnes se dandinent mollement d’un pied sur l’autre pendant des heures – nocturnes, les heures – collés serrés, possiblement chargés de dopes diverses, et sans masques, avec une sono qui secoue les tripes et rend sourd jusqu’aux pavillons alentour, face à des gendarmes désarmés, incertains (**) ? Eh bien, ça ne peut se justifier, sauf à constater cyniquement, une fois de plus, qu’il est plus commode, moins risqué et plus rentable de faire ch… le citoyen moyen, civilisé et solvable que le marjo agressif et en bande.

Disons-le, les fonctions régaliennes de l’Etat partent en quenouille et à vue d’oeil ; on peut ainsi braver la loi assez peinardement, dès lors que a) l’intégrité physique des fautifs pourrait être mise en danger par l’action des forces de police (on brandit aussi sec à gauche l’antienne menaçante des « violences policières », la plupart du temps à rebours des faits ; b)  même si l’on se fait gauler, c’est quasi sans conséquence, la Justice étant elle aussi paralysée : retards, engorgements, aveuglement sur l’état du pays, empathie et Bonne-Pensée la plombent efficacement.

Tenez, une juriste argumentait hier, à la télé : tant que les teufeurs (les fêtards, en français) se dirigeant en convoi de bagnoles vers le lieu « secret » de la fiesta, n’avaient pas passé 20 heures, on ne pouvait rien faire, ils étaient dans la légalité !  Mais notez bien, on savait farpaitement ce qu’ils allaient faire… donc, sachant qu’un fanatique armé d’un couteau de cuisine vient égorger un prof’, et vu que la détention d’un couteau de cuisine n’est pas interdite – ben quoi, c’est pour émincer les petits pois – on ne fait rien ! on attend que le délit ou le crime soit constitué. C’est comme ça que ça fonctionne. Eh bien, c’est triste à dire, mais en mai 2022 on débattra abondamment de cette démission patente de l’Etat.

Tibert

(*) C’est du Rimbaud, bien entendu, et c’est de circonstance :
Oisive jeunesse, à tout asservie,
Par délicatesse, j’ai perdu ma vie.

(**) C’est de l’Aragon, mais sans Castille :
… ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désarmés incertains…

2 thoughts on “Par délicatesse… (*)”

  1. Félicitations au « gourou » des « cercles proches ». Eh oui le quidam à besoin de penseur. Tels Zemmour ou Onfray, Tibert ne pourrait-il pas nous offrir sa version des faits sur les plateaux ? … sûr, ça demanderait du travail !

    1. Je ne suis qu’un humble citoyen, pas un gourou, et JAMAIS-JAMAIS sondé, questionné, choisi pour être juré, membre de « comité citoyen », et autres structures propres à permettre à l’Etat de planquer ses raideurs (*) et son irrésolution derrière un semblant de démocratie directe. Quant aux faits, ils ne sont connus, c’est bien connu, que via les infos diverses et variées – des tas de sources différentes – car je n’y étais pas, à la rave-partie, je déteste la techno et le bruit excessif. Ma « version des faits » n’est donc que le reflet de ce que j’en ai compris à la synthèse de ces compte-rendus, et n’a rien d’original : ce qui interpelle, dans cette histoire, c’est le choix du « laisser faire ».
      (*) Comme dit la blague, « avec l’âge, les raideurs se déplacent« .

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