Discret assassinat du composteur

On se gargarise, là-haut chez nos Chefs, de nous « redonner du pouvoir d’achat« , le pouvoir d’achat y a qu’ ça !. Eh bien, tenez, un exemple probant : un couple de mes amis voyageant de Paris-Gare de Lyon à Montpellier (*) avec des billets SNCF normaux a eu un mal fou, d’abord à trouver un composteur – il semble qu’une mystérieuse épidémie les décime – puis à passer les tout neufs portillons à lecture optique qui commandent l’accès au train à quai, comme à Roissy. Avec l’aide d’une préposée soupçonneuse (« Vous les avez achetés en France, ces billets ?« ), ce fut cependant possible.

Mais désirant racheter par Internet des billets fissa-fissa – c’est l’ouverture SNCF de la chasse aux offres Prem’s de Noël – ils ont constaté qu’il était obligatoire de les prendre sous forme « e-billet« , électronique et nominatif. Ahhh ? eh non, il n’y a plus la case permettant de choisir un bon vieux billet-carton. C’est bien fâcheux, car de ce fait on ne peut plus revendre son billet en cas d’empêchement, sur TrocDesTrains.fr, Kelbillet.com ou autres. Cerise sur la gênoise, c’est 35 euros prix plancher, alors que c’était 25 il y a peu : + 40 % d’augmentation, merci la SNCF et le pouvoir d’achat !

C’était donc fini, le billet-carton « anonyme » ? mes amis ont résolu d’aller les acheter à la gare (*), aux guichets. Vingt minutes de poireau, et ils purent s’entendre dire par un Chef – le guichetier ne le savait pas ! – que oui, ou plutôt non, c’est terminé le billet Prem’s en carton : ç’en est fini de la possible revente, et de l’anonymat du voyageur. La SNCF s’est bien gardée de communiquer sur la chose, évidemment. Et les plates-formes de revente de billets vont pouvoir se mettre au chomdu.

Détail rigolo : dans leur train, mes amis ont entendu le contrôleur – il n’a pas contrôlé, en fait – demander aux passagers de « respecter leurs places » ! eh oui… l’informatique… facile, le chef de train a le plan de l’appareil, les sièges occupés, les noms, les cartes de réduction, les tarifs – il pourrait en savoir beaucoup plus s’il en avait le droit, sauf la marque de mon slip, que je garde secrète – et peut viser pile-poil le suspicieux du 7-92 qui a payé avec une carte Militaire ou Famille Nombreuse. Mais ce rebelle, ce mauvais Français du 7-92 est allé se vautrer dans un carré vide en bout de voiture : vous pensez, le train était rempli à peine à moitié ! Avec des fers aux pieds, peut-être ?

Tibert

(*) … à Montpellier-St-Roch, la gare, quoi. Pas cet ersatz de hangar-TGV planté au milieu de nulle part et des herbes folles à 6 km du centre-ville, avec bien entendu parking et navette payants ! 30 minutes gagnées sur le trajet vers Paris ? une heure de perdue à  regagner la ville : c’est le progrès, mais si, mais si, puisqu’on vous le dit.

9 thoughts on “Discret assassinat du composteur”

  1. Ayant eu ce même problème, j’ai contacté Kelbillet.com et Trocdestrains. Kelbillet n’était pas encore au courant mais Trocdestrains m’a répondu :
    « C’est malheureusement une triste réalité que la SNCF s’est bien gardée d’annoncer.
    En effet, depuis le 27 septembre 2018 la SNCF ne délivre plus de billets classiques cartonnés non nominatifs mais uniquement des e-billets nominatifs pour tous les billets non échangeables et non remboursables sur les TGV, Intercités et TER (Prem’s essentiellement mais pas uniquement).

    Nous vous invitons à signer la pétition lancée par une utilisatrice qui demande à la SNCF de permettre le changement de nom des E-billets SNCF non échangeables et non remboursables:

    https://www.change.org/p/guillaume-p%C3%A9py-sncf-pour-permettre-le-changement-de-nom-des-billets-prem-s-sncf
    ……… »
    Bien sûr j’ai signé. Mais à quoi bon, c’est le pot de terre contre le pot de fer.

    1. Merci Margarita pour ces précisions, et ce lien vers une pétition. Il est en effet débile qu’on ne puisse pas donner, vendre (sans profit !) ou échanger un billet de train : qu’est-ce que ça peut foutre à la SNCF que ce soit Pierre ou Paul qui voyage, du moment qu’il est en règle ? c’est d’ailleurs peut-être un abus de pouvoir de leur part. Encore une entorse – « pour notre sécurité », bien entendu – à nos libertés, et en catimini.

  2. M’enfiiiinn !!! Z’avez pas encore compris que bientôt, on pourra plus pisser sans que nos gouvernants soient au courant… pour notre bien, bien entendu ! Y’a qu’à voir les montres désormais « connectées »… Si vous dépassez la moyenne nationale en matière de fréquence de miction*, vous serez désormais directement aiguillés vers le centre d’urologie le plus proche, que ça vous plaise ou non ! « Votre prostate nous intéresse… », pour parodier le slogan d’une banque célèbre il y a… fort longtemps !
    Vous voyagez beaucoup ? Pas normal, ça ! Faut qu’on sache où et quand vous allez ailleurs que dans vos propres rails, des fois que vous seriez un dangereux terroriste (pléonasme…)
    Et puis, le progrès, c’est encore un truc tout relatif : y’a une décennie ou deux, on a voulu installer une ligne de métro directe entre Toulouse-Centre (Place du Capitole) et l’aéroport de Blagnac, histoire d’économiser le temps et le stress. Ben, le Syndicat des Taxis de la ville « rosse » s’y est fermement opposé, biscotte leur(s) perte(s) de recette probable(s) ! Total, vers les 16h30/17h (heure de départ de la plupart des zincs pour Paris), on pouvait mettre plus d’une heure pour joindre le Capitole à Blagnac en taxi ! C’est à dire à peine moins longtemps que pour faire Blagnac-Paris par les airs… et à condition qu’il n’y ait pas de bouchons !
    C’est très drôle – et invraisemblable ! – le nombre de choses et/ou de services auxquels on ne peut déjà plus accéder faute d’ordi ou de portable… Et bien entendu, l’informatique ne se trompe JAMAIS ! Voir l’anecdote de ce père et de sa fille récemment mis en garde à vue parce qu’en passant à une caisse automatique d’IKEA**, ils n’avaient pas vu que les couvercles des bwâtes « Tu-perds-Ouah !-reeeuuuh » qu’ils avaient « bipées » étaient étiquetés indépendamment des conteneurs idoines. D’une superbe logique dans la connerie : bientôt, faudra biper les bocaux en sus et à part des cornichons !
    Ce monde devient complètement frappadingue.

    * … Surtout en cas de « Miction Impossible » !
    ** Note d’humour d’un internaute au sujet des « excuses » officiellement présentées par IKEA à ses malheureux clients « Vos excuses sont comme vos meubles : en carton ! »

    1. Le tragique dans l’affaire Ikea c’est le caractère mécanique et inhumain qui envoie deux personnes en garde à vue pour des couvercles de plastoc considérés à tort (?) comme étant liés à leurs récipients respectifs – ce que j’aurais moi-même supposé !
      Mais on n’est pas au bout de nos mauvaises découvertes : l’informatique peut presque TOUT maintenant, suffit d’être assez inhumains pour nous y coincer. « Brave New World », comme on dit.

  3. C’est une question de fond de notre société qui est posée là, et on pourrait interpeller les Vieilles Barbes que nous payons grassement à soupeser la Constitution et les Lois : avons-nous le droit, oui ou non, d’acheter, de détenir et d’utiliser un produit anonymement (sauf les armes de guerre, les explosifs, bref les trucs à risque, etc) ? je peux encore – ça ne durera peut-être pas – me procurer incognito une boîte de petits-pois en payant en liquide et l’utiliser comme bon me semble ; alors un billet de train, en quoi ça diffère d’une boîte de petits-pois ? la sécurité ? mais si la sécurité était lune raison valable, il faudrait contrôler les passagers des trains – de tous les trains !- exactement comme dans les aéroports ! et c’est loin d’être le cas. Imaginez le RER à Chatelet avec des portiques et des tapis d’inspection comme à Roissy… l’apocalypse ! en fait la SNCF veut simplement faire la peau aux reventes de billets, qui la dérangent, faire plus de fric, et automatiser un max, et ne s’en vante pas, évidemment.

    1. Madame Bardine, merci pour ce commentaire éclairé. Mais je vais vous dire : même les paiements en liquide nous seront bientôt interdits, et donc adieu la confidentialité de la marque de mes slips ! Il va nous rester le troc, mais uniquement par le bouche à oreille : par internet, LeBonCoinCoin, kijiji etc… c’est fliqué. L’avenir est radieux, non ?

  4. … Bon sang ! Moi qui ai pas mal bourlingué dans les années 60/70 dans l’ex-URSS, je ne crois pas me souvenir qu’on y ait jamais été autant fliqué et espionné… Et pourtant !
    Il y avait un bouquin qui m’avait bien fait rire, c’est « Le communisme est-il soluble dans l’alcool ? »*, recueil de bonnes histoires qui couraient dans ces années de plomb dans le prolétariat soviétique (on se venge comme on peut !)
    Réactualisons la question : l’informatique est-elle soluble dans l’alcool ?
    Hélas… je crains bien que non.

    (*) Philippe et Antoine Meyer, le Seuil ; 1ère édition 1979.

  5. Ben ouais, pour gouverner, faut des infos sur le peuple : impôts et banques ne suffisent pas, alors on rajoute des caméras. Puis on rajoute des tickets nominatifs : ça vous étonne ? … quand vous allez acheter une sucette au coin de la rue pour votre petit-fils, vous trouvez même sur le ticket de caisse qu’on vous remet l’heure à laquelle vous l’avez achetée ! … on veut des infos …

    1. Et quand on paye la sucette avec sa carte « sans contact », hop, le banquier sait qui a acheté, quoi, quand, pour combien, et chez qui. Si de plus on lui communiquait la bande vidéo de la boutique, il saurait si on s’est gratté le nez. C’est le respect de la vie privée façon 2018.

Répondre à Margarita Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recopiez ces symboles *