Charlie la lie

Soyons clairs : la liberté d’expression ne se taille pas en rondelles. Le dessin dégueulasse qui brocarde nos voisins Italiens après les centaines de victimes du dernier tremblement de terre là-bas a farpaitement le droit de s’étaler aux devantures des kiosques à journaux. Symétriquement, nous avons tout autant le droit de ne pas acheter cette livraison crapoteuse, cette râclure d’humour et de déclarer que c’est une sombre merde : Voilà qui est fait. On est toujours Charlie, rapport à la liberté d’expression, mais ce coup-ci je me sens transalpin.

Tibert

3 thoughts on “Charlie la lie”

  1. … Hello !
    L’air de rien, vous posez à propos de Charlie une question qu’on ne peut pas approcher aujourd’hui sans se faire suspecter immédiatement de sympathies pour la Marine (pas celle à voiles…) ; savoir : a-t-on le droit de tout dire et de tout montrer ; voire de se foutre de tout ? Ca me rappelle « On a le droit de rire de tout, mais pas avec n’importe qui… » (P. Desproges, je crois…)
    Ben, le problème est bien là. Et j’en veux pour preuve la dégradation de toutes les valeurs – quelles qu’elles soient – à laquelle on assiste aujourd’hui, sous prétexte d’une sacro-sainte « liberté de penser » dont les véhicules se multiplient avec les « progrès » de la technologie ! Or, avant de parler de « liberté de penser », encore faudrait-il qu’on ait appris à penser ! Tout n’y est pas à respecter : contrairement au bon goût qui, comme chacun sait, reste la chose du monde la mieux partagée, « penser » correctement n’est pas un don inné dont une bonne fée généreuse saupoudrerait avec équanimité tous nos berceaux sans exception… Penser, ça s’apprend et ça s’apprend à travers tout ce que la vie nous fait traverser, pas seulement sur les bancs de l’école ou de la fac. Pire que ça : il y a des leçons de « penser » qui tombent sur un sol fertile, et d’autres sur des cailloux. Et parmi celles qui germent, il y a les bonnes… et les mauvaises ! Et pour finir, penser, ça doit être sans arrêt remis en question. Je ne vais pas vous refaire le coup des Evangiles ; ça y est expliqué bien mieux que je ne saurais le faire, et pas besoin d’être croyant pour appréhender le message : il est universel !
    Bref : j’ai toujours été un fervent partisan de la défense de cette (pseudo) liberté, mais je dois avouer que l’âge venant, je rougirais d’avoir à défendre aujourd’hui ce que je considérais comme allant de soi quand j’avais quarante ans de moins… Ben oui ! la pensée, comme la liberté, c’est pas une nana taillée dans le marbre en chlamyde immaculée dont les plis restent à jamais figés dans le vent des siècles ; penser doit s’adapter aux conditions et aux nécessités du Temps (ou « des temps ») ; tout comme la liberté, c’est un combat jamais éteint où tout doit être constamment remis en question. Dès que la pensée s’arrête, elle se momifie instantanément : j’y songeais l’autre jour en re-parcourant pour la Xème fois Marc Aurèle et ses « Pensées pour moi-même ». Qu’est-ce qui reste (ou qui dure) et qu’est-ce qui a changé depuis Marc Aurèle ? Ben, rien sur le fond. Mais presque tout sur la forme, c’est à dire essentiellement sur la façon dont la « pensée » naît et se transmet aujourd’hui : instantanément et sans (presque…) aucune frontière ni limite, dans un maëlstrom d’information(s) où le pire côtoie le meilleur…
    Au fond, la réponse à ma question réside dans le titre de Marc-Aurèle, « Pensées pour MOI-MÊME » : ne laissons jamais les autres (quels qu’ils soient !) penser à notre place – le siècle écoulé nous a suffisamment donné d’exemples à quelles aberrations ça pouvait conduire ! – ; pensons TOUJOURS par nous -même, sans jamais négliger de confronter le fruit de ces pensées à la réalité (notre réalité ?) et d’en tirer les conclusions qui s’imposent… sans oublier, bien entendu, que tous les actes qui résultent de nos pensées les incarnent, les matérialisent et les pérennisent dans la réalité et qu’aujourd’hui plus que jamais, le battement d’une aile de papillon à Tokyo, etc. etc.
    Je retourne à mes poireaux, qui crèvent de soif sous la canicule : il faut cultiver notre jardin.
    Ca aussi, c’est penser…
    T.O.

    1. L’air de rien, comme vous l’écrivez, il vaut mieux avoir le droit de tout dire et de se foutre de tout, sachant que ça peut avoir des conséquences – donc qu’on est responsable de ses dires ; et il faut, quand on se paye salement la tête des Italiens victimes d’un tremblement de terre, s’attendre à se faire traiter de salopard – en revanche ça ne justifiera jamais les frères Kouachi, évidemment. Si le dessinateur de Charlie s’en tenait à des dessins ignobles « pour lui », personne n’y verrait rien à redire… mais ce serait bien morne, et ma foi je préfère vitupérer Charlie quand il dérape, c’est plus humain que de se nourrir d’une presse où la censure règne – et la censure règne déjà très clairement sur certains sujets. Mais, surtout, ne stigmatisons pas !

  2. Tout à fait d’accord sur le principe : c’est d’ailleurs ce que j’essaie d’expliquer plus ou moins adroitement dans mon commentaire ci-dessus. C’est sur la forme que je m’interroge… Je fais partie des tous premiers lecteurs de « Hara-Kiri » (depuis son numéro 1… , que j’ai toujours qqpart dans mes archives), avant qu’il ne devienne « Charlie Hebdo » en nov. 70 suite à une couverture sur la mort de De Gaulle (« Bal tragique à Colombey : un mort ») publiée en miroir à la couverture sur l’abominable drame de St Laurent du Pont qui avait fait 144 victimes la semaine précédente… – Or, j’ai été plus d’une fois choqué par la façon dont certaines « vérités » y étaient présentées : on a le droit de tout brocarder, mais il ne faut jamais oublier à qui on s’adresse et la façon dont va être reçue cette vérité ; c’est ce qui compte ; tout le monde n’est pas armé de la même façon devant l’émotion – ce « ketchup » de l’information dont TOUS les médias assaisonnent leur matière première pour nous la faire mieux avaler et en faire de l’Audimat ; au travers des images, notamment… – et certaines choses complètement inoffensives pour les uns peuvent devenir radicalement meurtrières chez les autres. C’est un postulat que les meneurs extrémistes de tous bords ont compris depuis longtemps et qu’ils en se font pas faute d’utiliser ; nous en avons malheureusement des exemples jour après jour, particulièrement en ce moment. Au point que certains « spectateurs » ont demandé d’eux-mêmes – et apparemment obtenu – qu’on ne publie plus à perte de vue les portraits hilares de certains « terroristes » coupables de dizaines et de dizaines de morts (sans parler des blessés, marqués durement et pour toute leur vie dans leur chair : j’en suis.) ; publications trop propices à une certaine forme morbide du culte de la personnalité…
    Bref. Bien sûr la censure n’est pas la solution. Quoique-quoique… je vous invite à aller lire l’article sur l’addiction aux jeux informatiques publié aujourd’hui dans la lettre « Insolentiae » de Charles Sannat (sur le Net) et la façon dont on peut par la suite – fort difficilement… – lutter contre cette addiction une fois installée chez les enfants… mais aussi chez les adultes !
    Quel rapport ? Eh bien, c’est fort simple : dans ce cas précis – et de plus en plus répandu – il n’y a QUE le sevrage d’efficace… Soit la privation absolue, durant une période plus ou moins longue, de toute incitation/ excitation électronique.
    La censure radicale, quoi…
    Avant d’en arriver là, il serait peut-être bon de s’interroger sur les limites de cette prétendue liberté d’informer ; être libre n’est pas, n’a jamais été pouvoir dire et faire n’importe quoi !
    Je sais, je vais passer pour un vieux con aux yeux de certains pseudos-« progressistes ». Mais je m’en fous que vous croiriez jamais à quel point : mépriser les imbéciles, c’est l’essentiel de ma liberté à moi !
    Amicalement à vous !

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