On se marre (aux canards)

… aux canards qui ont oubié de brancher le correcteur orthographique, syntaxique, etc – ou bien c’est l’effet vacances, les relecteurs sont à la page plage ?

De bien beaux échantillons ce jour. Tenez, on se fait, lisant la presse sur la Toile, l’impression du pêcheur qui remonte dans ses filets, non des merlus ou des daurades, mais des tongs fatiguées, des godasses détruites et de vieilles cafetières perçées de rouille.

Le Parigot-aujourd’hui, quand il reste un peu de place rédactionnelle une fois le football traité in extenso, nous régale généralement de faits divers franciliens. Là, ils ont poussé un peu plus loin, s’aventurant jusqu’à Besançon. Et, ma foi, le chroniqueur sportif devait être de permanence hier soir, il semble que c’est lui qui a traité le sujet « Benoît Poelvoorde insulte Besançon« . Il se trouve que cet acteur belge, une fois, dit s’être fait suer à Besançon durant un tournage, ayant oublié sa liseuse, son recueil de sudokus, les 8 tomes des « Thibault », l’exposé de la démonstration du théorème de Fermat, son jeu de tarots. Ou bien c’est simplement qu’il a de l’humour, accordons-lui ça, et il a voulu faire un clin d’oeil à son collègue Jamel Debbouze, qui avait eu un petit accrochage du même genre avec les citoyens de Montbéliard, ville voisine. Bref, monsieur Poelvoorde se fend d’un « Les gens qui survivent à Besançon ont mon respect« . Boutade, vanne, évidemment ! les Bisontins, eux, s’en foutent, il faut bien vivre quelque part ; et si monsieur Poelvoorde ne veut pas s’installer à Besançon ils n’en feront pas un fromage. Mais les canards adorent faire mousser ce genre d’évènements minuscules. Et ça donne «  l’acteur tacle à son tour une ville franc-comtoise, Besançon…« . On tacle les villes, maintenant, le ballon entre les jambes, sans doute… c’est vraiment moderne.

Et puis monsieur Sarkozy a quelques raisons de penser qu’ « on » veut sa peau, et si possible avant 2017, car de nombreux signes concomitants montrent comme une sorte d’acharnement autour de sa personne et de ses amis. Je parie un paquet de cahuètes que certains seraient ravis de le voir plonger comme un vulgaire Berlusconi. Et le Figaro remporte à cette occasion l’Oscar de la coquille du jour. Le Directeur-Adjoint de la Rédaction, sous le titre « La gauche veut-elle tuer Nicolas Sarkozy ? » estime (je cite) …que la décison du Conseil Constitutionnel [invalidant les comptes de campagne du candidat Sarkozy, NDLR] est un pavé dans la marre de l’UMP.

Je comprends qu’à l’ UMP on en ait marre, et y a pas de quoi se marrer. En voilà une qu’elle est digne de figurer à la prochaine livraison du Canard enchaîné, tapie (*) dans sa mare, mais je les ai devancés, nananè-re !

Tibert

(Celle-là je l’ai faite exprès, vous vous en doutez)

Bien lassée de sa gap year…

Le Figues-à-rôts est une mitrailleuse à anglicismes inutiles – enfin, inutiles… utiles à saboter notre langue, et à introduire massivement des expressions états-uniennes. Remarquez, ce ne sont pas les seuls, les diverses « avant-gardes » sociétales ou réputées telles nous arrosent d’anglicismes sournois ou provocateurs à jet continu, je vous cite juste la Gay Pride (la-les fierté(s) homo(s)), les Femen dépoitraillées aux slogans exclusivement en anglais sur leurs pâles nichons, « Act Up« , parce que Down ça ne le fait pas, etc.

Dimanche j’ai voulu acheter un polar d’occase dans un vide-grenier de rue… de la collection « Berges obscures », je crois. Et le vendeur de commenter : « ouais, c’est excellent, mais attention, c’est un peu dark« . Dark ? vous voulez dire « noir » ? « sombre » ? « glauque » ? lui répartis-je, pourquoi dark ? bref on n’a pas conclu l’affaire.

Après la street-food ( la bouffe de rue) et la fashion week (la semaine de la mode) voici le temps de la gap year. La semaine dernière nous eûmes droit à une grande tartine figaresque sur les bienfaits de la gap year. La gap year, très chêêre, qu’est-ce ?

C »était encore récemment une année sabbatique, mais on a changé tout ça. On a une gap year… « gap » c’est le trou, l’intervalle, c’est donc, n’est-ce-pas, une année-trou. Un trou, on peut y mettre ce qu’on veut, mais avant qu’on y ait mis quoi que ce soit, c’est creux, ça bée, un trou. Béée, béée, fait le trou. L’année sabbatique – et a priori bien sympathique – était, elle, la promesse de voyages au long cours, de réalisation d’un projet cher à tous points de vue, de buller longuement, assidûment, en regardant passer les nuages, de se mettre à la sculpture sur bois, au mandarin, au Mandarin-citron…

La gap year c’est l’année béante, et en anglais, en plus. Je vous demande, la gueule que ça peut avoir… le seul avantage, certes, oui, concédons-le, c’est que ça fait, blanc compris, 8 caractères, tandis que « année sabbatique », alors là… interminable ! 16 caractères, le double. Et quand on est journaliste et qu’on a horreur des mots, de la parole, de la langue, économiser 8 caractères, ça justifie toutes les trahisons.

Année sabbatique : le sabbat, la mise en retrait, la parenthèse, et surtout pas un trou. Mais, je sais, certes, en 16 caractères interminables : on n’en voit pas le bout. Vous vous rendez compte ? c’est ça qui serait chouette, l’année sabbatique dont on ne verrait pas le bout.

Tibert

Blackfoot, Wabash et les Bisounours

L’Europe s’offusque ces jours-ci des révélations sur le programme « Prism« . Prism ? le programme d’espionnage opéré par la National Security Agency, la NSA, qui permettait – qui permet toujours – aux Etats-Uniens de suivre de très près, de bien trop près, ce qui se passe chez nous. Pour les Français, surveillés aux petits oignons, c’étaient les initiatives Blackfoot et Wabash.  Horreur ! découvrons-nous, nos amis Etats-Uniens nous espionnent ?

C’est donc horrible ? c’est une révoltante découverte ?

C’est hypocrite, ou, plus grave, c’est de la bisounourserie. Le scandale, c’est qu’on ait soulevé le couvercle ! que les taupes fouinent, que les fouines fouissent, mais sous terre, et discrètement ! Car, qui peut croire un instant que nos « amis » Etats-Uniens n’aient que des sentiments amicaux à notre égard ? qui a voyagé aux USA sait qu’on lui a demandé la couleur de sa culotte, si sa grand-mère fréquentait les socialistes, si… en contrepartie, les citoyens Etats-Uniens viennent chez nous sans précaution spéciale :  c’est la symétrie, la réciprocité « amicale » comme elle se pratique avec les USA.

La réciprocité amicale ? elle devrait être une règle de bonne conduite, mais je t’en fiche ! tenez, un fait divers passé sous silence en France (*) illustre bien la réciprocité mal comprise, et ce qui s’ensuit. Le gouvernement norvégien vient de refuser la construction de mosquées (**)  là-bas, bien que la liberté religieuse y soit reconnue. Au motif ? au motif que, si des apports financiers externes massifs sont en cause – ce qui était le cas, en provenance d’Arabie Saoudite –  ils sont soumis à l’approbation du gouvernement. Et le gouvernement a dit que non, eh bien, des mosquées financées massivement par l’Arabie Saoudite, non. Citons le ministre des Affaires Etrangères norvégien, monsieur Jonas Gahr Store : « il serait paradoxal et anormal de donner notre approbation à des fonds en provenance d’un pays qui ne respecte pas la liberté religieuse.  » Et d’ajouter : « Nous aurions pu répondre simplement ‘non’ (…) mais puisqu’on nous le demande, je saisis l’occasion d’ajouter qu’une approbation serait paradoxale, sachant que c’est un crime en Arabie Saoudite d’établir des communautés chrétiennes« .

Bon, ce n’est pas enveloppé dans du papier de soie, pas vrai ? eh non, c’est envoyé bien fort et bien clair, pas du tout souterrain, et c’est le simple et lumineux rappel de ce que devrait être une courtoise et saine réciprocité. Il se trouve que les USA, eux, sont parmi les plus fervents amis du régime saoudien, faisant preuve à son égard d’une indulgence et d’une myopie confondantes ; il est vrai que le pétrole se fiche de la courtoise réciprocité et du respect des libertés religieuses.

Tibert

(*) et c’est justement pour ça que je vous en cause, que je vous bichonne, chères lectrices et chers lecteurs – mais surtout les lectrices.

(**) en anglais, je sais, c’est dur… mais des dizaines de sites en français reprennent les mêmes faits, de manière généralement trop polémique – restons froids et objectifs, autant que possible.