La Bourse racontée aux petits n'enfants

Supposez : je suis un amateur de bonnes affaires. C’est juste une supposition.

J’ai appris – ou je suppute, je subodore, je pressens – que le kilo de bananes va dégringoler sur les étiquettes de prix – surproduction, désintérêt, que sais-je ?  la banane moins chère, c’est du sûr !!  Je me fous des bananes comme de l’an quarante, mais tiens, je vais voir le meilleur grossiste en bananes du MIN local (Rungis, si vous voulez), nous devisons gaiement, et je lui emprunte 2 tonnes de bananes, sous condition, bien évidemment, de les lui rendre sous peu, disons avant la fin du mois, ses bananes. En gros, c’est le cas de le dire, ça vaut dans les 2.700 euros, et c’est ce que ça me coûte pas, puisque c’est un emprunt.

Je m’en vais donc monter mon éventaire à bananes à la sauvette du côté du KFC de la place d’It’ (bande de blaireaux, c’est la Place d’Italie à Paris, tous les gens évolués causent comme ça) et je revends mes bananes au chaland, au passant qui passe, au badaud, au bananophile. Disons 2,60 le kilo. Il y a du déchet, la banane, c’est fragile, je me fais 5.000 euros, pas plus.

Une semaine, 2 semaines passent… mon bon ami Dugros me relance, « Oh Machin, mes 2 tonnes de bananes, tu me les rends oui ou zut ?  y me les faut ».

Il se trouve que la banane a baissé ! et pas mal, 12 % de baisse, les 2 tonnes se négocient à 2.380 euros. J’achète donc pour 2 tonnes de bananes, que je rends avec un grand sourire à Dugland – pardon, Dugros.

Moralité, je me suis fait 5.000 – 2.380 = 2.620 euros à vendre des bananes. Eh oh, je me suis décarcassé à les vendre, mes bananes, non mais.

Oui mais à supposer que je travaille plutôt dans la ferraille – y a pas de déchet, ç’en est déjà !  et ça ne se vend pas à la sauvette par demi-kilos – le principe est le même : 6 tonnes de cuivre empruntées et revendues aussi sec, et que je rachète 15 jours plus tard, moins cher, pour les rendre à mon prêteur.

Et à supposer que, fatigué de trimballer des tonnes de cuivre dans mon Berlingo Citroën je travaille sur des titres boursiers, c’est encore plus peinard, c’est juste des clics de mulot devant mon écran d’ordinateur.

Donc, je vends des trucs que je n’ai pas, ou qui ne m’appartiennent pas – mais je les aurai, si si. C’est absurde, mais c’est juteux – si les prix évoluent comme je le prévois ; et puis si contre tout bon sens on accepte ces pratiques, qu’avez-vous à y redire (*) ? En revanche c’est casse-gueule, si les cours montent, je bois le bouillon.

C’est de la vente à découvert. Evidemment on ne dit pas comme ça chez les traders, on s’exprime en jargon rosbifiant, on « shorte », on « fait un short » (à défaut de tailler un short). Il y en a même qui ont perdu le sens commun le plus élémentaire, et qui trouvent ça tout à fait normal. Et puis la Bourse de Londres est du même avis, alors !

Il y en a même qui, pour aider à la baisse espérée des valeurs  qu’ils ont empruntées et qu’ils devront acheter pour les rendre, vont raconter Urbi et Orbi (sur la Toile, en clair) que ces valeurs c’est de la grosse daube et qu’il vaut mieux s’en débarrasser massivement et au plus vite. Les chenapans !

Tibert

(*) ça me rappelle la boutade (juive, russe…) : « A quoi bon tuer l’ours si on n’en a pas vendu la peau ?  « 

2 thoughts on “La Bourse racontée aux petits n'enfants”

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