Orange, oh désespoir…

C’est un hameau perché dans la montagne – vosgienne, jurassienne, auvergnate, que sais-je, et qu’importe ? Mais une montagne à paysans et à bois, à tracteurs 4 x 4 et grumiers – grumiers ? keskecé ? Des camions qui transportent de longs troncs d’arbres, de sapins en l’occurrence, des « grumes », quoi ! D’énormes grumiers hurlants et ravageurs, qui prennent les virages sur les départementales étroites en vous invitant à garer votre pauvre bagnole dans le fossé, et qui, vu la hauteur des empilages, passent comme ils peuvent sous les obstacles.

Tiens, un obstacle, oh trois fois rien : un câble de téléphone qui longeait un virage a morflé, il pendouille maintenant, le conducteur n’a peut-être même pas senti la rupture, et puis zut, ces bouzeux ont des « portables » (des mobiles), pas vrai ? Allez hop, on continue, on n’a rien vu.

Sauf que ledit câble, c’est le « 28 paires » qui alimente tout le hameau en téléphone – à 98 % des « Orange », et quelques hérétiques de Free ou 9Telecom. Sauf que ce hameau compte plein de vieux qui n’ont pas de mobile, trop compliqué, et puis les mobiles, ici, ça passe quand ça veut ! Au fond du jardin, sur un escabeau au grenier, peut-être… bref le hameau est coupé du monde, et l’on est vendredi matin.

Un débrouillard muni d’un mobile appelle Orange vendredi après-midi… on prend bonne note, on s’en occupe !

Vendredi soir… rien.

Samedi… rien.

Dimanche… rien.

Dimanche soir, un autre débrouillard – bibi – prend son mobile et appelle. Appel gratuit depuis une ligne fixe Orange (quand elle est en panne, allez chez le voisin, sinon au village à côté, sinon… payez !). Une voix synthétique – après de laborieux et coûteux préliminaires : « cet appel est gratuit gnagnagna », « cet appel sera enregistré blablabla », « bienvenue chez Dugenou bllbllbll » – m’invite à épeler le numéro de téléphone, puis à taper sur la touche Machin pour le choix que je veux faire. Ayant fait mon choix, je suis ensuite invité à énoncer clairement la cause de mon appel, par exemple, dit le monsieur synthétique, « Je n’ai pas la tonalité ».

Moi, bête et discipliné : « Je-n’ai-pas-la-tonalité » (et en plus, c’est vrai).

Lui : « Nous avons compris que vous n’avez pas la tonalité (putain, ils sont bons !). Nous vous mettons en relation avec un conseiller ».

Le conseiller est une conseillère, aimable au début. Puis ça s’envenime, car le cas « personne au hameau n’a la tonalité » ne figure pas au scénario. Moi, monsieur Schmolldu, ça se peut, mais « tout le hameau » ?? pas prévu. Connais pas. Et puis on est dimanche, pas de dépannage. A partir de lundi. On n’a pas le même statut que EDF, nous, ah non, on ne dépanne pas le week-end.

Ah bon… adieu, Service Public du téléphone… on se demande d’ailleurs – et je vous le demande – pourquoi il y a une permanence de dépannage le week-end, vu qu’on ne dépanne pas. Mais bon… nous restera à réclamer à tout hasard une improbable remise sur la prochaine facture, téléphone et internet.

Lundi 11 heures : une camionnette « Orange » se pointe. Etonnement du monsieur de la camionnette devant le câble qui pendouille : « Ah mais c’est tout le village alors ? ». Manifestement il est venu, comme on dit dans le jargon de ma profession, « avec une bite et un couteau », et n’a donc pas le matériel pour réparer. Cet après-midi, pas de problème, ils viendront réparer !

L’après-midi : rien. Non, ils ne sont pas un Service Public, et puis ils ont des horaires harassants.

Mardi, peut-être ? Un courageux a prévenu la mairie, qui n’était pas au courant, et qui d’ailleurs n’y peut rien. Et puis on a hurlé lundi soir dans le mobile pour essayer de décrasser les oreilles du dépannage. Qui sait ? en brûlant un cierge ? au lieu de se suicider en masse, s’ils venaient réparer le 28 paires du hameau ? on leur payerait même un coup.

Mardi 14 h 30 : alleluïa, louons le Seigneur. Ils sont là, ils mettent un câble neuf, ça marche. Soit une « panne » de 4 jours pleins. Mais attention, c’est normal, ce n’est pas un service public, ne confondons pas. Le monopole du téléphone dans les zones non dégroupées ? c’est bien eux, ils l’ont, le monopole. Pas de concurrence, pas d’alternative : c’est France Telecom / Orange et personne d’autre (hélas).

Tibert

One thought on “Orange, oh désespoir…”

  1. Il y a une suite : 28 paires, c’était trop (fatiguant ?): seulement vint-six ont été raccordées. Les deux abonnés oubliés ont dû à nouveau appeler… et attendre un jour de plus avant d’être raccordés. Merci à l’équipe de France Telecom /’Orange pour un travail si soigné !

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