Nommer sans nommer

( Les journaux n’ont guère que des faits divers à nous donner en pâture, ces jours-ci : c’est la quinzaine la plus estivale de l’été, la crème de la crème du « Je bronze, je randonne, je bulle » . Il se passe pourtant bien des choses… monsieur Sarkozy va sortir, sort un bouquin pour se raconter. J’ai pu glaner ici et là quelques sons de cloches (*), et il appert que jamais l’opération désastreuse en Lybie, sous l’inspiration mal inspirée et calamiteuse de monsieur BHL, n’y est évoquée : c’est pourtant un ratage de première bourre, une gaffe d’anthologie, non ? ou comment un pays en paix – sous la houlette d’un dictateur foutraque, certes – est devenu un tas de ruines, livré à un chaos politique sanglant et indémerdable… mais chuut, on ne parle pas des sujets qui fâchent. )

Des faits divers ? un qui dit bien des choses, l’alcool, la violence débridée, allez hop je te tue, l’obsolescence criante de nos lois sur les Mineurs délinquants, la faiblesse mortifère de la Justice – pauvre petit, il a eu une enfance difficile – et l’hypocrisie qui règne quand il s’agit de nommer, dire qui a fait quoi. Je me souviens qu’il fut un temps où les noms s’étalaient, bien lisibles ; le meurtrier de la vieille dame (le suspect, dirait-on aujourd’hui) c’était Marcel Dugenou, le voleur pris sur le fait s’appelait Roger Macheprot (**)…

On ne fait plus ça, c’est malvenu. C’est que la consonance d’un prénom dit bien des choses, n’est-ce-pas, l’Intérieur Darmanin nous l’a démontré : les émeutiers, les pilleurs et les incendiaires de fin juin avaient des prénoms bien de chez nous (un anglais, un italien). C’est que le prénom, de nos jours, est assez ethnique ; Julien n’est pas Hocine et le communautarisme finira par gagner, mais on se persuade naïvement du contraire. Tenez, cet horrible fait divers conté dans le Fig’Ragots… un djeune très alcoolisé (bourré à 16 ans, mais c’est un enfant…) veut s’inviter indûment à une fête privée et ne supporte pas qu’on l’éconduise : il va chercher un couteau, revient avec deux copains et poignarde à mort l’homme qui l’a viré. Seize ans, pas de casier judiciaire, mais défavorablement connu, comme on dit… des incivilités (« violences volontaires aggravées » , ce sont des incivilités). Voilà un condensé de nos errements judiciaires et sociétaux. Il est mineur, l’assassin (la victime est décédée, donc assassinat), et l’anonymat est la règle – d’ailleurs même majeur, on aurait pris des pincettes ; mais voyez comment Le Figaro nous glisse, mine de rien, que ce n’est ni un Maghrébin, ni un Noir, ni… : c’est Quentin ! avec cette délicieuse note : « Le prénom du suspect a été modifié tout en restant fidèle à son vrai prénom » . Quand un Quentin sonne comme un Jean-Paul ou un Christian (un Kevin, un Mattéo…)

Tibert

(*) Glaner des sons de cloches : pas mal, non ?

(**) Si l’un de mes lecteurs porte l’un de ces blazes, qu’il m’en excuse, ce n’est que pure coïncidence.

2 thoughts on “Nommer sans nommer”

  1. Ben oui, le Sarko avait tout intérêt â faire disparaître Kadhafi qui lui avait donné tant de blé pour mener sa campagne. L’histoire est bien fournie de ce côtè là : combien de fois les juifs se sont fait virer de leur pays d’adoption après s’être fait déposséder ! Les créditeurs ont toujours tort. Un bon roi de France est allé plus loin : il a rappelé les juifs en leur disant de récupérer leur bien. Une fois fait, il en a récupéré les 2/3 !

    1. C’est une hypothèse, pour Sarko… mais pas un fait historique ! La Justice travaille là-dessus. Et les créditeurs ne sont pas toujours marron, c’est une question de rapport de forces, comme d’hab… quand l’une ou l’autre partie, ou les deux, n’ont pas l’intention de respecter le contrat !

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