Phile et Phobe sont dans un bateau

Un visiteur de mon blog me faisait tout dernièrement “ksss-ksss” bisque-bisque-rage à propos d’un de mes billets, et employait le terme “gay-friendly” (*). Il va sans dire que c’était à dessein, pour agiter le chiffon rouge, tout un chacun sachant que ce mot composé peut avantageusement être remplacé par “homophile”. C’est hérité du grec, je sais, mais que voulez-vous, le grec ancien se fond plus harmonieusement dans la langue française, où il a pris ses aises depuis des siècles, que les termes anglais contemporains.

Ainsi Montpellier serait une ville homophile. Je m’en doutais, d’ailleurs. Curieuse façon, n’est-il pas, de retourner comme un gant une réalité statistique – ce sont plutôt les homos qui sont Montpellier-philes, appréciant plus de vivre là qu’à Maubeuge, Niort ou Châlons-en-Champagne, ce qui peut aisément se concevoir. Mais passons.

Je m’interroge ici sur phile et phobe, les célèbres duettistes. Car, de même que “homo” et “hétéro”, autre couple antagonique, s’utilisent de façon assez cahotique, Phile et Phobe ont leurs bizarreries.

Tenez, vous avez sûrement déjà rencontré Hétéroclite ? eh bien son pendant est aux abonnés absents ! Homoclite, connais pas.  A contrario, si Homologue fréquente la langue, son frère ennemi fait défaut.

Il en va de même pour Phile et Phobe : on y distingue des couples harmonieux – hydrophile et hydrophobe, par exemple – et des unijambistes :  aquario- et haltéro- ne souffrent pas les -phobes, tandis qu’inversement claustro- et agora- ne se rencontrent que difficilement flanqués de -phile… sans insister sur le squalophile, l’ami des requins, qui relève certainement d’un traitement psychiatrique.

Mais là ou Homo- et Hétéro- sont purement techniques, ne traduisant qu’identité ou différence, Phile et Phobe ont des prétentions morales, qui les distinguent singulièrement ! ainsi Phobe, appliqué aux humains, ne se conçoit, le malheureux, que péjoratif : homophobe, pouah ! islamo- raciste, claustro- va te soigner, (anglo- ? oui pourquoi pas ? non, je blague, là). Bref, le -phobe, c’est vilain.

Et pourtant… tenez, l’Hitlerophobie, la génocidophobie seraient des sentiments louables, non ? eh bien elles n’existent pas. -Phobe, tout faux. Tenez, le pédophobe : sûrement un vieux grincheux qui déteste les enfants.

A propos de pédophobe – défiant la logique qui voudrait que le contraire d’un défaut soit une qualité – son inverse en -phile est bien mal barré, de même que le copro-, le nécro-, et j’en oublie. En somme, celui qui déteste a toujours tort, celui qui aime… ça dépend de sa façon d’aimer !

Tibert

(*) Notre Sarko national avait d’ailleurs commis une regrettable erreur en tentant une phrase en anglais – avec Angela, je crois – en usant de “friendly” comme d’un adverbe (“amicalement”, voulait-il dire) alors qu’il s’agit d’un adjectif. Damned, la terminaison en “ly” l’avait enduit d’erreur.

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