Tracteurs et taxis

Envie de ronchonner, en ce lundi de Paques sans circonflexe ? la presse française nous tend bien des perches. A commencer par notre Allègre ex-ministre, pourfendeur de mammouth – il avait bien raison, mais tout seul. Il est parti sur les tracteurs, maintenant. Et d’un autre coté avec un accent circonflexe, M. Copé, grand chef chez les sarkoziens et à l’UMP, nous déclare « les réformes, c’est maintenant ou jamais ».

Réformer avec un tracteur… et des Français qui n’ont pas envie qu’on les réforme : réformez qui vous voulez, mais pas nous ! clament les taxieurs, les avoués, les coiffeurs, les marins-pécheurs (circonflexe), les aiguilleurs du ciel, les cheminots, les…

Et voilà le problème : comme dans le célèbre tango pour adultes

« Dès que j’avance tu recules,

Comment veux-tu comment veux tu etc… »

… dès, donc, que le gouvernement fait mine de vouloir enfin améliorer le service de taxis – largement améliorable, on le voit tous les jours – ça grogne, ça rouscaille, et hop, courageusement, on remballe le projet aussi sec. On passe à autre chose… tiens, une aciérie qui ferme, on va voir ce qu’on va voir ! et ça papillonne de coup médiatique en coup médiatique, de début de réforme en réformette, sans trop de conviction.

Un récent article du Monde, dont je ne saurais trop vous recommander la lecture, pointe très bien du doigt une de nos tares majeures, sinon LA tare qui nous empoisonne la vie , bouffe notre pouvoir d’achat, bref plombe ce pays, en fait un tracteur au fioul archi-taxé et poussif : la concurrence est biaisée, sabotée, étouffée, tuée, la distribution est un noeud de vipères, le commerce est pourri jusqu’à l’os. Entre les marges arrière, la loi Galland, les ententes entre producteurs, entre distributeurs, entre intermédiaires, les marges tout court et bien épaisses que se taillent justement ces intermédiaires… le consommateur trinque et se fait biaiser.

Et ce qui est sinistre, c’est que nous sommes tous des consommateurs ! L’hotelier (circonflexe, merci) qui facture tranquillement 8-9 euros une vague tasse de café au lait, un croissant décongelé, 10 grammes de beurre en micro-pain, autant de confiture en micro-pot, un bout de baguette décongelée itou, va aller ensuite se faire aligner – bien fait, en somme ! – chez Patissier, ou chez Barty, chez Goal, qui vont lui fourguer de l’électro-ménager dont les prix sont les memes (circonflexe) au centime près… ou dont aucune référence ne correspond à celles de leurs concurrents, la Grandt 47-B72CF876-CZ ne se trouvant malheureusement que chez Goal, tandis que chez Barty c’est la 47-B72CF876-BZ, nuance !

Lesquels marchands de machines à laver vont acheter 30 euros le kilo chez leur poissonnier du dos de cabillaud qui a permis à un mareyeur de se sucrer de 10 euros au passage.

Le mareyeur se fait heureusement éponger ses marges par son opérateur télécom, qui lui facture des prestations largement au dessus du prix normal, car avec ses potes – ils se rencontrent souvent, c’est un petit monde – ils se sont mis d’accord sur les tarifs.

Et ainsi de suite, en passant par tout ce qui vient des USA, dont les prix devraient logiquement baisser mais ne baissent pas. Donc, comme disait Coluche, voilà un chantier de réformes qu’il est beau ! beau mais difficile.

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